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Réformes en Pologne: le problème loin d’être résolu selon Bruxelles

Le projet de réforme de la Constitution est également critiqué à l'intérieur du pays. Ici une manifestation organisée à Varvosive le 24 juillet dernier (archives). KEYSTONE/EPA PAP/PAWEL SUPERNAK sda-ats

(Keystone-ATS) Le président polonais a présenté lundi des pistes de modification de réformes judiciaires controversées. Il reste toutefois encore “beaucoup à faire”, aux yeux de Bruxelles, pour lever les menaces qui pèsent sur l’Etat de droit en Pologne.

Les propositions d’Andrzej Duda ont été publiées au moment où le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, s’assurait, à Bruxelles, du soutien des autres pays de l’UE pour poursuivre son bras de fer avec Varsovie, qu’il menace de sanctions sans précédent.

Les échanges tendus entre Bruxelles et le gouvernement polonais n’ont donné aucun résultat depuis plus d’un an. La Pologne refuse d’appliquer les “recommandations” de l’exécutif européen pour modifier ses vastes réformes, défendant sa liberté d’assainir une magistrature décrite comme une “caste” corrompue.

Les changements proposés lundi par M. Duda portent sur deux textes, l’un concernant la Cour suprême et l’autre sur le Conseil national de la magistrature. Bruxelles avait déploré la mainmise sur la justice que ces réformes donnaient au gouvernement polonais.

“Prendre ses responsabilités”

Le président Duda, issu du parti Droit et Justice au pouvoir, avait créé la surprise en y opposant son veto. Lundi, quelques heures après la publication de ses propositions alternatives, il a déjà annoncé qu’il allait en retravailler une, prenant acte du refus de l’opposition d’amender la Constitution polonaise comme il le souhaitait.

“Nous allons étudier attentivement les propositions annoncées par le président Duda, nous les commenterons une fois que nous les aurons analysées”, a déclaré lundi devant la presse M. Timmermans. Il a néanmoins rappelé qu’elles ne couvraient de toute manière pas tous les textes dans le collimateur de Bruxelles.

“Il y a encore beaucoup à faire avant que nous puissions dire que le problème a été résolu”, a-t-il insisté après sa réunion avec des représentants des 28. Il a ajouté qu'”aujourd’hui, il était question d’informer les Etats membres” et pas de prendre de décision.

Mais “le moment pourrait venir plus tard cette année, ou après, où la Commission devra prendre ses responsabilités”, a-t-il poursuivi, évoquant l’hypothèse où Varsovie ne mettrait toujours pas fin aux “menaces systémiques” contre l’Etat de droit et l’indépendance de la justice.

Attention au fameux article 7

Les “responsabilités” en question sont une référence au possible déclenchement du fameux article 7 du traité de l’UE, encore jamais utilisé. Qualifiée d'”arme nucléaire” parmi les sanctions possibles contre un Etat membre, cette procédure peut déboucher sur une suspension des droits de vote d’un pays au sein du Conseil de l’Union, l’instance regroupant les 28.

“Il y a un large soutien du Conseil pour essayer de trouver une solution”, a dit lundi M. Timmermans. “Tout le monde autour de la table a dit que l’Etat de droit n’était pas une option mais une obligation”, a-t-il ajouté.

Ces dernières semaines, Paris et Berlin ont haussé le ton. Le président français Emmanuel Macron a dénoncé la “politique très préoccupante” de Varsovie. “Nous ne pouvons pas tout simplement nous taire, ne rien dire juste pour avoir la paix”, a prévenu de son côté la chancelière allemande Angela Merkel.

“La Commission n’a plus vraiment le choix, elle va devoir déclencher l’article 7”, a estimé une source diplomatique. Même si “cela ne pourra pas aboutir sur des sanctions”, a-t-elle ajouté.

“Risque clair”

Car si la procédure ne nécessite que l’aval de 22 pays dans sa première phase, pour “constater l’existence d’un risque clair” contre l’Etat dans un pays membre, il faut ensuite un vote à l’unanimité (à 27, sans le pays visé) pour passer à la phase des sanctions. Et la Hongrie a déjà indiqué qu’elle y ferait obstacle.

La procédure sur l’Etat de droit n’est pas la seule à viser Varsovie: la Commission a aussi lancé une procédure d’infraction portant sur une réforme des juridictions de droit commun polonaises. Comme Prague et Budapest, Varsovie fait également l’objet d’un recours pour son refus d’appliquer les quotas d’accueil de demandeurs d’asile depuis l’Italie et la Grèce.

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