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La Chine nourrit le climat de Guerre froide au Conseil des droits de l’homme

Conseil des droits de l homme
Le Conseil des droits de l'homme, juste avant le vote sur la résolution chinoise ce vendredi. swissinfo.ch

La principale session de l’organe onusien en charge des droits humains a terminé ses travaux par une série de votes. En faisant adopter une résolution prônant une «coopération mutuellement bénéfique», la Chine a obtenu un succès diplomatique. Mais ce texte peut miner, à termes, le travail des enquêteurs indépendants sur les violations massives des libertés. Une menace pointée notamment par la Suisse.

«C’est l’événement majeur de cette session. Cette résolution chinoise est la première étape d’un recul majeur.» Fin connaisseur de la scène des droits humains à l’ONU, Adrien-Claude Zoller ne cache pas son inquiétude.

En apparence, la résolutionLien externe présentée par Pékin fleure bon les idéaux des Nations unies. Elle porte sur «la promotion d’une coopération mutuellement bénéfique dans le domaine des droits de l’homme». Adoptée par 28 voix pour, 1 voix contre et 17 abstentions, elle «demande au Comité consultatifLien externe du Conseil des droits de l’homme de mener une étude sur le rôle de l’assistance technique et du renforcement des capacités dans la promotion d’une coopération mutuellement bénéfique pour la promotion et la protection des droits de l’homme.»

Avant le vote, l’ambassadeur chinois Yu Jianhua a déclaréLien externe que la résolution « est conforme à tous les documents, y compris la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, qui préconisent une coopération et un dialogue étroits entre les États pour la promotion et la protection des droits de l’homme.  Tous les peuples vivent sur la même Terre et font face à des défis communs. »

Mais que signifie au juste la coopération mutuellement bénéfique entre Etats en matière de droits humains? Avant le vote, la Suisse a exprimé de gros doutes sur ce concept en pointant un «langage vague et ambigu qui affaiblit les principes fondamentaux des droits de l’homme.»

Tout en saluant «la coopération constructive à l’échelle internationale en tant que moyen de promotion et de protection des droits de l’homme», Valentin Zellweger – l’ambassadeur suisse auprès de l’ONU à Genève – a tenu à rappeler «que les mandats relatifs aux droits de l’homme devaient agir là où il y avait des violations des droits de l’homme et prévenir les crises et intervenir rapidement en cas de crise», tout en soulignant «la participation cruciale de la société civile aux mécanismes de protection des droits de l’homme.» 

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Brider les défenseurs des droits humains

C’est en effet tout l’enjeu porté par cette résolution, selon Adrien-Claude ZollerLien externe: «La procédure mise en place par la résolution chinoise consiste à entourer le système des procédures spécialesLien externe (les enquêtes indépendantes, ndr) et à multiplier les pressions sur elles. Et ce en commençant par ne pas mentionner les procédures spéciales dans la résolution, ni les organisations de défense des droits de l’homme. Par là même, on cherche à tuer le messager, à compliquer le travail des rapporteurs spéciaux qui transmettent le message. Et ce en ignorant les organes de surveillance des conventions sur les droits de l’homme pour revenir au principe de non-ingérence.»

Concrètement, cette formule «gagnant-gagnant»  – qui n’existe pas dans le langage agréé par le Conseil des droits de l’homme – risque de l’être dans quelques années et finir par s’imposer comme condition aux mandats des enquêteurs de l’ONU. Et ce alors que de nombreux Etats violateurs refusent justement de coopérer avec eux dans leurs enquêtes. Le risque est par exemple de conditionner les enquêtes au bon vouloir de l’Etat responsable des atrocités, au nom d’une coopération mutuellement bénéfique. Une solution «perdant-perdant » pour les victimes.

Le Conseil des droits de l’homme renoue ainsi avec le langage et les concepts de la Guerre froide. «Dans les années 50, l’Union soviétique invoquait également cette idée de coopération mutuellement bénéfique», rappelle Adrien-Claude Zoller, directeur de Genève pour les droits de l’homme. Lien externe

Pour la Chine d’aujourd’hui, cette coopération est également conditionnée par le principe de la non-ingérence. «Or il a fallu près de 50 ans pour que les Nations unies soient en mesure, malgré la volonté d’un certain nombre d’Etats, de développer les procédures spéciales et les organes de surveillance des traités», souligne Adrien Claude Zoller.

A sa manière, Jason Mack est allé dans le même sens à l’occasion du vote sur la résolution chinoise. «Le langage ‘réconfortant’ sur la coopération mutuellement bénéfique est destiné à bénéficier aux Etats autocratiques au détriment des peuples dont en tant qu’Etat nous devons tous respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, a déclaré le diplomate américain. Les représentants chinois ont clairement montré leur intention de glorifier leur chef d’Etat en inscrivant sa pensée dans le langage international des droits de l’homme.»

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L’année dernière, l’ONG Human rights watch avait déjà tiré la sonnette d’alarme avec un rapportLien externe sur L’ingérence de la Chine dans les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies : « La Chine s’est constamment – et souvent vigoureusement – employée à faire taire les critiques de son bilan en matière de droits de l’homme devant les organes de l’ONU et a pris des mesures visant à affaiblir certains des mécanismes centraux disponibles dans ces institutions pour faire progresser les droits. »

Une politique à long terme dont la résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme constitue une étape importante.

L’article a été augmenté le 27’03’17


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