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La Suisse – petit pays, grosse empreinte carbone

La loi CO2 refusée de peu

Pompe à essence
L'argument de la hausse du prix de l'essence a fait mouche. A l'image, la raffinerie de Cressier, dans le canton de Neuchâtel. Keystone / Peter Klaunzer

Les Suisses ne veulent pas passer à la caisse pour lutter contre le réchauffement climatique. Combattue essentiellement avec l’argument du porte-monnaie, la loi CO2 a finalement été refusée, par 51,6% des citoyennes et citoyens.

C’était le compromis helvétique, élaboré en quatre ans de discussions, pour permettre au pays de tenir les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Les opposants y ont surtout vu des taxes supplémentaires, sur lesquelles ils ont axé leur campagne, passablement agressive, avec des slogans comme «la voiture réservée aux riches?»

Longtemps indécis, les résultats montrent, comme on pouvait s’y attendre, un fossé ville-campagne. Les seuls cantons à accepter la loi sont Genève, Vaud, Neuchâtel, Bâle-Ville et Zurich. Alors qu’à la mi-mai, les Suisses étaient encore 60% à dire vouloir accepter cette loi, un mois plus tard, le deuxième sondage gfs.bern-SSR montrait un soutien tombé à 54%. Une des hypothèses avancées pour ce retournement de tendance est que les initiatives anti-pesticides ont massivement mobilisé un électorat pas forcément adepte des idées vertes. Globalement, la participation a frisé les 59%, soit 10 à 15 points de plus que la moyenne habituelle des votations fédérales.

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«Ce non n’est pas un non à la protection du climat, c’est un non à cette loi», a dit la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga à l’heure du bilan. «De nombreuses personnes veulent protéger le climat, mais pas de cette manière. Le Conseil fédéral a compris le message», a ajouté la ministre en charge de l’environnement, rappelant les objectifs, qui sont la réduction de moitié des émissions pour 2030, et la neutralité climat pour 2050.

Pour y arriver, le gouvernement compte miser sur les points de la loi qui n’étaient pas contestés, notamment les instruments d’encouragement et «trouver de nouveaux moyens, aptes à convaincre aussi celles et ceux qui ont voté non aujourd’hui». Simonetta Sommaruga a admis qu’il serait plus difficile d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, mais a exclu le retrait de la Suisse, qui a signé le document.

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«Une imposture» pour l’UDC

«Ce non est celui des citoyens qui ont des soucis financiers, habitent loin des villes et ont besoin de leur voiture pour se déplacer», a estimé le conseiller national UDC fribourgeois Pierre-André Page. Selon lui, ce qui est déjà prévu dans la législation suffira pour que la Suisse respecte ses engagements internationaux.

La formation de droite conservatrice était le seul parti du Parlement fédéral à s’opposer à la loi sur le CO2. Pour le conseiller national saint-gallois Mike Egger, ce projet était «une imposture» qui ne constituait rien de plus qu’une redistribution. Pour lui, les arguments de la hausse des prix pour les automobilistes, le chauffage et les vacances ont manifestement été décisifs.

Pas assez radicale

Du côté de l’autre opposition, celle des militants du climat qui estimaient que la loi n’allait pas assez loin, Franziska Meinherz, du comité référendaire pour une écologie sociale estime elle aussi que le résultat «montre que la population ne veut pas de mesures qui renchérissent son quotidien». Pour elle, si l’on veut atteindre la neutralité climatique en 2030, il faut d’abord s’attaquer aux secteurs les plus polluants, notamment les importations de voitures type 4X4, et le secteur de la finance.

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La finance dans le viseur

C’est également le message des Verts et du Parti socialiste, qui, eux, défendaient la loi.

Le secteur financier est «la principale cause de la crise climatique», selon Mattea Meyer, co-présidente du PS, qui s’est dit extrêmement déçue du résultat du vote. Pour elle, le secteur financier ne peut pas être autorisé à faire des profits en détruisant la forêt tropicale ou en cherchant du pétrole dans des endroits improbables.

Balthasar Glättli, président des Verts, compte lui aussi sur une large alliance pour remettre la place financière suisse sur les rails. «Nous devons changer de paradigme, c’est ainsi que nous obtiendrons un impact mondial».

«Les compagnies pétrolières et gazières et leur lobby au sein de l’UDC et du PLR (droite) ont gagné et empêché un oui à la loi sur le CO2», écrivent les Verts dans un communiqué. Cela ralentit massivement la protection du climat. Les Verts et l’Alliance climatique vont maintenant lancer une initiative commune pour rendre la place financière suisse verte.

Trop loin

Pour la présidente du PLR, Petra Gössi, l’objectif climatique de la Suisse s’éloigne. Déçue elle aussi, elle a jugé que ce projet de compromis allait trop loin pour la population. Selon elle, les Verts et la gauche devront probablement faire plus de concessions au centre à l’avenir. La prochaine fois que la question se posera, il ne faudra en outre pas «surcharger la barque» de cette manière.

La présidente du PLR voit une autre raison à l’échec de la proposition dans la «constellation globale difficile» des cinq objets de ce dimanche de vote, qui a entraîné une ruée vers les urnes, notamment dans les campagnes. Et puis, le résultat était probablement aussi dû à une certaine frustration après une longue crise Covid, estime Petra Gössi.

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