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Sagesse terrienne depuis un vignoble sud-africain

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Alors que la crise balaie la planète, swissinfo recueille en cette fin d'année les témoignages – constats, analyse et espoirs - de ressortissants suisses expatriés sur les cinq continents. Aujourd'hui, Jean-Claude Martin, vigneron à Hermanus, Afrique du Sud.

Des vignobles du lac de Bienne, au pied du Jura, à ceux de la vallée Hemel-en-Aarde, à 5 km de l’Atlantique en Afrique du Sud. C’est le parcours de ce Suisse qui a les pieds bien sur terre.

swissinfo: Votre cadre de vie en quelques mots…

Jean-Claude Martin: Nous vivons à Hermanus, une petite ville de 15 ou 16’000 habitants. Mais qui en compte en permanence environ 10’000 de plus, car elle abrite beaucoup de résidences secondaires. Je m’occupe d’un domaine viticole et suis actif dans le négoce du vin.

swissinfo: La crise fait la une des journaux depuis des mois. Pouvez-vous en observer les effets concrets dans la région où vous habitez?

J-C.M: Elle est moins évidente à constater qu’aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et dans de nombreux autres endroits. La loi, ici, a empêché beaucoup de banques et d’entreprises d’investir à l’étranger. L’idée ne plaisait pas à tout le monde. Mais en définitive, les banques par exemple n’ont pas eu les problèmes de leurs collègues américaines ou européennes.

Dans le domaine immobilier, les taux hypothécaires sont trop élevés pour que les gens se financent auprès des banques. La population a de le peine à devenir propriétaire, mais en même temps, la valeur des maisons n’a pas connu la chute libre observée ailleurs.

L’Afrique du Sud produit beaucoup d’or, de platine et d’autres matières premières, dont elle est très dépendante. Avec la crise, des mines devront sans doute fermer.

Les touristes, eux, sont moins nombreux. Ce qui va poser des problèmes dans la restauration par exemple. Mais globalement, pour l’instant en tout cas, la situation n’est pas du tout comparable à celle des Etats-Unis ou de la Grande Bretagne.

swissinfo: Vous travaillez en tant que vigneron et négociant. Qu’est-ce qui a changé dans votre environnement professionnel au cours de l’année 2008?

J-C.M: Nous avons exporté nettement plus. Il faut bien dire que cette très bonne année sur le plan des exportations est surtout due à la baisse du rand (la monnaie sud-africaine). Elle n’est pas liée à la qualité de nos vins. Quant à la consommation intérieure, elle a bien tenu.

swissinfo: Citation: «Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça» disait Coluche dans le sketch «Le chômeur». Votre réaction?

J-C.M: C’est assez juste. Celui qui a déjà des problèmes pour payer son hypothèque et gagne moins aura de la peine à survivre. Par contre, aujourd’hui, les riches deviennent rarement plus riches. Ceux qui ont investi en bourse ont beaucoup perdu – la bourse sud-africaine a perdu 40-45% cette année.

swissinfo: Etes-vous plutôt du genre à penser que le monde s’enfonce dans le gouffre ou qu’une crise n’est qu’un mauvais moment à passer?

J-C.M: Je pense que la crise sera plus longue que beaucoup ne le croient. Mais on observera sans doute un redémarrage dans deux ou trois ans, avec de nouveaux investissements. Non, je ne suis pas trop pessimiste.

swissinfo: Croyez-vous au fait que de cette crise pourrait émerger un monde plus sain? Et en quoi le serait-il?

J-C.M: Cette crise va notamment modifier certaines façons de gagner de l’argent – les hedge funds, la spéculation. Mais sur le long terme, elle ne changera pas fondamentalement le monde. Je n’y crois pas.

swissinfo: Le monde politico-économique vit depuis longtemps dans la théorie et le culte de la «croissance». Réalisme, idéalisme ou mensonge selon vous?

J-C.M: La croissance, le capitalisme, on aimerait bien pouvoir y renoncer, mais aucune alternative sérieuse n’existe vraiment.

De nombreux pays sont loin des niveaux de développement économique de l’occident. Avec la crise, ils vont progressivement pouvoir profiter de leur potentiel de croissance.

swissinfo: Pour conclure… de quoi le pays où vous vivez a-t-il le plus besoin, selon vous, pour sortir de ses difficultés actuelles?

J-C.M: L’économie est un vrai problème. Mais d’autres facteurs jouent. La stabilité politique est nécessaire. Il faut combattre le Sida. L’Afrique du Sud est aux prises avec des problèmes dont on n’a pas idée en Europe.

Le pays a besoin d’une économie forte pour résoudre ses problèmes. Mais il ne faut pas être impatient ni pessimiste et accepter qu’ils ne peuvent parfois être résolus que sur le long terme.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson

Petit-fils de vigneron des bords du Lac de Bienne âgé de 36 ans, Jean-Claude Martin s’est formé à Wädenswil (viticulture) et Changins (œnologie). En 1998, il participe à la création du domaine de La Grillette, à Cressier (Neuchâtel). Il y est vigneron et maître de chai.

Revendant ses parts, il achète avec Christoph Kaser en 2001 une ferme en Afrique du Sud, le pays de son épouse. Le couple, deux enfants aujourd’hui, s’installe sur place trois ans plus tard. La famille Kaser suivra.

La cave de leur nouveau domaine est achevée pour permettre la vendange 2007, dont ils tirent le premier millésime entièrement fait sur place (après une cuvée bordelaise assemblée ailleurs en 2006).

Le vignoble de Martin/Kaser est situé en Afrique du Sud, à 120 km au sud-est du Cap. On est ici dans la région de Walker Bay, zone d’appellation vinicole réputée, caractérisée par un climat plutôt frais pour le pays.

Baptisé Creation, le domaine initialisé en 2002 se love dans la vallée Hemel-en-Aarde (350 m d’altitude), à 5 km de l’Atlantique et de la villa des Martin, à Hermanus (site archiconnu pour l’observation des baleines).

Sur 22 hectares y sont plantés Pinot noir, Merlot, Cabernet Sauvignon, Petit Verdot, Syrah, Grenache, Sauvignon blanc, Viognier, Chardonnay, Sémillon…

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