Scandale d’abus sexuels: Bayrou échappe à une motion de censure

Le Premier ministre français François Bayrou a échappé mercredi à une nouvelle motion de censure au Parlement. Mais il reste fragilisé par une affaire de pédocriminalité il y a des décennies dans une école catholique, sur laquelle l'opposition l'accuse d'avoir menti.
(Keystone-ATS) L’Assemblée nationale a sans surprise rejeté mercredi soir la motion de censure déposée par les députés socialistes, qui visait à protester contre un gouvernement ayant « cédé aux passions tristes de l’extrême droite ». Mais elle n’a recueilli que 181 votes pour, loin des 289 voix nécessaires pour le renverser, le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) ayant fait savoir qu’il ne soutiendrait pas cette motion.
Le texte évoquait l’affaire de violences dans une école du sud-ouest de la France, Notre-Dame-de-Bétharram, dans laquelle plusieurs de ses enfants ont été scolarisés, estimant que le « Premier ministre ne peut se soustraire aux interrogations légitimes des victimes et de leurs proches, de la représentation nationale et de la presse ».
« Bétharram », institution catholique presque bicentenaire avec son pensionnat à la réputation « stricte », est au coeur d’une vaste enquête sur des violences, agressions sexuelles et viols sur des enfants.
Garde à vue
Le même jour, le parquet a annoncé la garde à vue de trois hommes suspectés de « viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et/ou violences aggravées » dans le cadre de cette enquête.
A Bétharram, les châtiments corporels – gifles, violences, adolescents laissés en sous-vêtements en plein hiver par punition, étaient très fréquents, selon plusieurs avocats et témoins interrogés par l’AFP.
A ce climat de « violence gratuite » s’est greffé au sein du pensionnat « un système de prédateurs » longtemps tu, selon Alain Esquerre, porte-parole des victimes.
Parmi les récits des victimes, âgées de huit à 13 ans à l’époque des faits: des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.
Au total, 112 plaintes ont été déposées auprès du parquet, qui a ouvert une enquête l’année dernière pour des violences, agressions sexuelles et viols commis essentiellement entre les années 1970 et 1990.
« Jamais informé »
Or François Bayrou, 73 ans, ancien candidat centriste à la présidentielle et figure récurrente de la politique française, a été ministre de l’Education entre 1993 et 1997.
S’il se défend de n’avoir « jamais été informé » des crimes et délits à Bétharram, il a expliqué avoir diligenté une inspection générale en 1996 après le dépôt d’une première plainte d’un élève, camarade de classe d’un de ses fils, giflé violemment par le surveillant général.
« Est-ce que vous croyez que nous aurions scolarisé nos enfants dans des établissements dont il aurait été soupçonné ou affirmé qu’ils se passent des choses de cet ordre ? », s’est-il ému devant l’Assemblée nationale, alors que plusieurs députés l’accusent d’avoir menti.
Il y a aussi ce gendarme chargé de l’enquête sur le père Carricart, ex-directeur de l’institution accusé de viol en 1998, qui évoque une « intervention » de François Bayrou auprès de la justice à l’époque, alors qu’il était député.
« Misérable polémique »
Le juge qui enquête sur le viol en 1998 a également relaté dans plusieurs médias que François Bayrou avait « fait la démarche de venir » le voir lorsque le prêtre était en détention, mais sans « jamais » parler du dossier.
Mardi, le Premier ministre a encore martelé n’être « jamais » intervenu, « ni de près ni de loin » auprès de la justice et a contre-attaqué en visant le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, au pouvoir à la fin des années 1990.
Une « misérable polémique politicienne », a répondu Elisabeth Guigou, alors ministre de la Justice.
L’exécutif français navigue en eaux troubles depuis la dissolution de l’Assemblée début juin par le président Emmanuel Macron, dans la foulée de la déroute de son camp aux élections européennes. Depuis, l’Assemblée est divisée en trois blocs (gauche, centre-droit, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité.
La gauche reproche parallèlement au gouvernement Bayrou d’avoir trop fait de concessions à l’extrême droite. Le PS vise notamment le débat polémique ouvert sur le droit du sol par le ministre de la Justice Gérald Darmanin. M. Bayrou est aussi vivement critiqué à gauche pour avoir évoqué récemment un « sentiment de submersion » migratoire en France.
M. Bayrou avait été brièvement ministre de la Justice en 2017, avant de démissionner en raison d’une enquête sur des soupçons d’emploi fictifs.