Zurich, un aimant à prix Nobel
Albert Einstein a jeté les bases de ses théories révolutionnaires dans un café zurichois. De nombreux autres prix Nobel ont passé du temps dans la ville des bords de la Limmat pour leur travail, comme le rappelle une exposition, présentant 63 Nobel, plus ou moins liés à la ville.
Albert Einstein, lauréat du prix Nobel de physique en 1921Lien externe, a passé plusieurs années à Zurich. Il s’y installe une première fois en 1896 comme étudiant. En 1902, il quitte Zurich pour BerneLien externe, où il travaille au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle, période pendant laquelle il développe sa théorie de la relativité restreinte. En 1909, il revient à Zurich comme professeur de physique théorique, avant de quitter la ville définitivement en 1914.
«Il n’était pas un étudiant particulièrement assidu. Il préférait étudier à la maison, une habitude que ses professeurs n’approuvaient pas vraiment», raconte Margrit Wyder, curatrice de l’exposition «Einstein & Co – Zurich et le prix Nobel», au Stadthaus de Zurich. L’exposition recense 63 lauréats du prix Nobel ayant des liens avec la ville.
A la fin de ses études, «Einstein n’a pas obtenu de poste de professeur assistant à Zurich. Mais il y avait des amis, comme Marcel Grossmann, grâce auquel il a trouvé son emploi à Berne. Grossmann l’a aussi aidé par la suite dans son travail sur la théorie de la relativité générale.»
Café et relativité
Grossmann et Einstein avaient pour habitude de s’asseoir au Café MetropolLien externe – qui existe encore aujourd’hui – pour discuter de la théorie de la relativité générale, dont les 100 ans ont été célébrés en 2015. Grossmann, plus doué en mathématiques, a soutenu Einstein dans ses calculs, indique Margrit Wyder.
A l’époque d’Einstein, le Metropol, qui se trouve non loin des rives de la Limmat, était un établissement Belle Epoque de style viennois. Ses contours se sont depuis épurés, et seules les arcades extérieures et quelques photos d’époque attestent le flamboyant passé des lieux. En matinée, le café est désormais surtout fréquenté par des couples d’un certain âge et des dames faisant une pause dans leur shopping. Un panneau près du bar affiche le menu – sushi et sashimi – du restaurant Metropol voisin.
L’exposition «Einstein & Co» présente des photographies des lieux fréquentés par 12 lauréats du prix Nobel passés par Zurich, de même que des informations sur la vie et le travail de ces derniers. L’objectif de l’événement consiste à montrer comment ces personnalités occupaient leur temps libre, indique Margrit Wyder.
Wolfgang PauliLien externe, prix Nobel de physique 1945 et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), a, par exemple, longtemps été lié au psychiatre et psychologue Carl Gustav Jung. Wolfgang Pauli a d’abord consulté Jung en raison d’une dépression provoquée par la fin de son premier mariage.
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Institutions prestigieuses
Pour quelles raisons Zurich a-t-elle été associée à de si nombreux lauréats du prix Nobel? Il convient de noter que les critères retenus par l’exposition sont plutôt larges: certains lauréats pris en compte n’ont séjourné à Zurich que quelques semaines.
Néanmoins, l’EPFZ liste 21 prix NobelLien externe parmi les chercheurs qui sont passés dans ses murs. L’Université de Zurich affiche quant à elle 12 portraitsLien externe de lauréats du prix Nobel sur son site, dont celui de Rolf ZinkernagelLien externe, prix Nobel de médecine 1996. Le site officiel du prix Nobel dénombre 12 personnes ayant des liens avec Zurich dans leurs recherches au moment de l’annonce du prix.
Margrit Wyder indique que la proximité de Zurich avec l’Allemagne, la nation scientifique la plus importante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, constitue un facteur important de cette présence. Il n’était alors pas inhabituel pour les étudiants allemands de passer quelques semestres à Zurich. La stabilité de la ville dans les années d’entre-deux-guerres et d’après-guerre a également joué un rôle.
«Et Zurich abrite deux excellentes universités. L’EPFZ jouit d’une réputation mondiale, ce qui signifie davantage de compétition, donc de meilleures opportunités pour les chercheurs», analyse Margrit Wyder. Kurt Wüthrich, prix Nobel de chimie 2002, abonde. Il ajoute que les institutions zurichoises proposent des «conditions excellentes pour la recherche».
Passion pour la recherche et le sport
Kurt WüthrichLien externe a travaillé à Zurich pendant 46 ans. Aujourd’hui âgé de 77 ans, il dispose d’un contrat de professeur à l’EPFZ jusqu’à fin 2018. «Cela fera en tout 50 ans. Zurich a été un endroit formidable pour réaliser mes rêves», raconte le scientifique à swissinfo.ch. Depuis 15 ans, il travaille également pour l’Institut de recherche Scripps, en Californie. Il a aussi des laboratoires en Chine et au Brésil.
Kurt Wüthrich estime que seuls 15 prix Nobel ont travaillé à Zurich la plus grande partie de leur vie et que six sont encore en vie.
Au début des années 1980, Kurt Wüthrich a développé un outil qui permet aux scientifiques de voir des images tridimensionnelles de macromolécules, par exemple de protéines, et de comprendre leur fonction dans une cellule. Selon le comité Nobel, cette invention a permis de révolutionner le développement de nouveaux médicaments.
Le lieu zurichois préféré de Kurt Wüthrich est le stade du Letzigrund, révèle l’exposition. Le professeur, également moniteur de sport diplômé, a joué au football pendant plus de 30 saisons, et disputé des matchs au Letzigrund. «Marquer un but fait de vous un héros de manière immédiate. Mais dans les sciences, il faut faire preuve de patience: vous doutez, recevez des critiques, et d’autres doivent répéter vos expériences pour en confirmer les résultats», explique-t-il dans une vidéo officielle du prix Nobel.
«Les Suédois peuvent prendre des années pour s’assurer que vous étiez bien le premier, a précisé le professeur à swissinfo.ch. C’est la raison pour laquelle le prix arrive parfois tellement de temps après la découverte.»
L’exposition
«Einstein & CoLien externe – Zurich et le prix Nobel» a lieu au Stadthaus de Zurich jusqu’au 23 janvier 2016. L’exposition présente 63 lauréats du prix Nobel ayant des liens avec Zurich. Certains ont séjourné dans la ville alémanique quelques semaines, d’autres plusieurs décennies. Trois femmes figurent parmi ces personnalités: Bertha von Suttner (Nobel de la paix 1905), Nelly Sachs (Nobel de littérature 1966) et Herta Müller (Nobel de littérature 2009).
Dans un film de 15 minutes intitulé «Zurich, un aimant à génies», de jeunes gens qui étudient les mêmes matières que les lauréats du prix Nobel expliquent comment ces derniers les ont inspirés.
(Traduction de l’anglais: Sophie Gaitzsch)
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