La science face à la menace des astéroïdes
Malgré la guerre, la faillite des banques, la fonte des glaces, les hommes peuvent s'estimer heureux, la planète n'a pas été détruite par un astéroïde géant. Du moins pas encore.
La question d’un caillou errant dans l’espace est devenue un problème inquiétant pour nombre de scientifiques.
Ainsi l’Association des explorateurs de l’espace (ASE), constituée de 320 anciens astronautes issus d’une trentaine de pays, espère-t-elle que les autorités mondiales pourront consacrer 100 millions de dollars par an à la mise en place d’un système d’alerte et à la mise sur pied de moyens d’intervention.
Une recherche de fonds est donc amorcée au moment même ou les astronomes amateurs et professionnels tournent leur regard vers le ciel: en Suisse, le lancement de l’Année Internationale de l’Astronomie est prévu début février.
Des cataclysmes tels que celui qui a provoqué la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années surviendraient tous les 60 à 100 millions d’années.
Une organisation privée («International Panel on Asteroid Threat Mitigation»), dirigée par l’ancien astronaute américain Russel Schweikart, a calculé qu’un astéroïde de plus de 45 mètres de diamètre s’écrase sur la Terre deux ou trois fois tous les 1000 ans.
«Nous savons que la Terre, par le passé, a plusieurs fois été la cible d’objets provenant de l’espace. Elle le sera encore dans le futur», explique Ingo Leya, expert en météorites à l’Université de Berne au Département de la recherche spatiale et de planétologie. Lequel affirme que «l’heure d’une prochaine collision approche».
Mais Ingo Leya prétend que les risques qu’une catastrophe majeure survienne de notre vivant restent minimes. «Heureusement, le bombardement de météorites décroit de manière exponentielle depuis les origines du système solaire», dit-il.
Conséquences désastreuses
«Nous savons qu’il y a actuellement environ 200’000 objets flottant dans l’espace avec un diamètre pouvant atteindre quelques centaines de kilomètres», explique Ingo Leya à swissinfo. «Habituellement ils restent sur leurs orbites, mais ces orbites ne sont pas toujours très stables.»
En 2004, un astéroïde nommé Apophis se déplaçait en direction de la Terre. Les scientifiques estimaient à 2,7% le risque d’une collision en 2029. Finalement ce risque a été réévalué à 1 sur 45’000. Si cette météorite de 390 mètres de diamètre touchait la Terre, elle tuerait environ 10 millions de personnes en Amérique du Sud et déclencherait un énorme tsunami, mais ne détruirait cependant pas la planète entière.
Un astéroïde d’un diamètre oscillant entre 10 et 40 kilomètres produirait, selon sa composition, un énorme souffle de pression atmosphérique en approchant à grande vitesse de la Terre et exploserait à quelque 20 kilomètres de la surface de celle-ci en laissant un nuage de poussière qui plongerait la planète dans l’obscurité et la priverait de soleil durant quatre à cinq ans. La Terre étoufferait, se refroidirait… et la vie s’éteindrait.
Alors que faire? Selon un certain nombre d’experts, mieux vaudrait tenter de dévier un astéroïde plutôt que de le détruire. Idéalement, il faudrait pouvoir attacher une voile solaire ou un moteur plasma superpuissant à un astéroïde alors qu’il est encore au plus profond de l’espace. En «aidant» un peu les astéroïdes à se diriger, il serait peut-être possible de contrôler le risque de collisions.
«Pour moi, tout ceci est très très ‘exotique’», prétend Axel Deich, directeur général d’Oerlikon-Space, à Zurich, important fournisseur de l’Agence Spatiale Européenne. «Des voiles solaires ont effectivement été développées», ajoute-t-il. «En théorie elles sont opérationnelles… mais imaginer fixer ce type de technologie à un astéroïde semble pour le moins compliqué!»
Technologie insuffisante
Fixer une voile à un astéroïde en rotation serait déjà une manœuvre compliquée. Mais avant cela, encore faudrait-il avoir pu amener celle-ci dans l’espace! Or la génération actuelle de vaisseaux spatiaux n’offre pas la possibilité de transporter dans l’espace une toile mesurant presque un kilomètre carré.
«Actuellement nous ne disposons pas de fusées permettant d’emporter beaucoup de matériel hors du champ de gravitation terrestre. Et le matériel nécessaire serait conséquent», constate Ingo Leya.
«La question la plus importante, c’est le délai», selon Axel Deich. «Il faut savoir si nous disposons de 10 ans, 15 ans ou juste 10 mois». En ayant 15 ans devant nous, les ingénieurs pourraient sans doute être capables de développer des véhicules permettant le transport de ce type de charge dans l’espace. Mais il faut des années pour lancer une mission, même si la plupart des composants sont prêts», ajoute-t-il.
«Pour une mission standard, il faut se donner les moyens technologiques et évidemment les tester. Il faut compter entre six et dix ans», dit-il. Même si l’Agence Spatiale Européenne a développé la base de lancement pour Ariane 5, l’élément le plus critique, le moteur, a été emprunté à Ariane 4. Néanmoins il aura fallu quatre ans de travaux pour développer la nouvelle base de lancement.
«La seule technologie disponible immédiatement, ce sont les missiles balistiques», constate Axel Reich. «Je pense que si un astéroïde est très proche de la Terre, la seule solution envisageable aujourd’hui est… le nucléaire.»
swissinfo, Justin Häne
(Traduction et adaptation de l’anglais: Philippe Varrin)
1998 a été pour Hollywood l’année des astéroïdes. Deux films, «Armageddon» et «Deep Impact» mettent en scène la réaction de l’humanité face à la menace d’une collision majeure. Dans les deux cas, le moyen d’éviter la catastrophe sera d’envoyer des hommes se poser sur le caillou afin de le détruire de l’intérieur. Seul problème: aucune agence spatiale ne serait aujourd’hui capable d’un tel exploit.
Ingo Leya, de l’Université de Berne, en est bien conscient. Pour lui, l’envoi d’un missile balistique nucléaire semble beaucoup plus envisageable. «Mieux vaut plusieurs petits morceaux heurtant la Terre plutôt qu’un gros».
Selon Axel Deich d’Oerlikon-Space, le moyen le plus efficace serait une sorte de «jeu de billard» cosmique. Une fusée lourdement chargée voyagerait dans l’espace et percuterait les astéroïdes pour les faire dévier de leur trajectoire.
La plupart des astéroïdes flottent dans une ceinture située entre Jupiter et Mars. Comme ces blocs se percutent et à cause de leur relation avec Jupiter, leurs orbites peuvent devenir elliptiques et rencontrer la Terre. Le vent solaire joue aussi un rôle, en envoyant les astéroïdes hors de leurs orbites habituelles.
La masse de la ceinture d’astéroïdes, dont la majeure partie est faite de gros cailloux, équivaut à environ 4% de la masse de la Lune,
Environ 40.000 tonnes de matière météorite touchent la Terre chaque année. La plupart sous forme de poussière.
L’Année mondiale de l’Astronomie est organisée par l’Union Astronomique Internationale et l’UNESCO, l’organe culturel des Nations Unies. On célébrera notamment le 400ème anniversaire de la première utilisation du télescope astronomique de Galilée.
Les organisateurs espèrent susciter une prise de conscience et développer les communautés d’astronomie dans les pays émergeants, développer l’enseignement des sciences, renforcer les liens entre les scientifiques et améliorer l’équilibre entre les sexes.
En Suisse, la cérémonie d’ouverture est fixée au 5 février.
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