La science suisse s’exporte dans l’espace
Emporté par la navette Atlantis, le laboratoire européen Columbus développé par l'Agence spatiale européenne (ESA) a commencé son voyage vers la Station spatiale internationale (ISS).
Des chercheurs, des firmes et le gouvernement suisses ont contribué à la conception de ce module scientifique qui s’est envolé de Floride jeudi.
Columbus aurait dû être acheminé vers l’ISS fin 2004. Mais l’accident de la navette Columbia en février 2003 a cloué au sol les trois orbiteurs restant pendant deux ans.
Sa construction, dont le coût atteint 1,3 milliard d’euros, a été lancée en 1992 avec plusieurs années de retard.
Physiquement, Columbus est un module cylindrique de sept mètres de long sur 4,5 de diamètre. Sa masse à vide atteint 10,3 tonnes. A plein, 19,3 tonnes.
Ce laboratoire peut héberger jusqu’à trois personnes et intégrer dix armoires d’expérimentations de la taille d’une cabine téléphonique.
Durant ses dix ans d’activité dans l’espace, il devrait mener des centaines d’expériences scientifiques. Dont trois expériences zurichoises, conduites durant les deux premiers mois de la mission.
Des cellules et des horloges
Chaque armoire d’expérimentation est un laboratoire en soi-même. Parmi ces caissons figure le laboratoire biologique Biolab, dont les données seront pilotées et traitées à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).
Biolab permettra notamment d’étudier le comportement des cellules, micro-organismes et tissus cellulaires en microgravité.
A Zurich, l’équipe du Biotesc du groupe de biologie spatiale fonctionnera comme centre de support pour Biolab et les autres scientifiques suisses.
Au sein de Colombus, les scientifiques effectueront aussi des tests de comparaisons des horloges atomiques afin d’établir leurs performances.
Les signaux de ces horloges permettront de réaliser des tests d’une précision sans précédent sur la théorie de la relativité générale d’Einstein et susciteront des applications dans les domaines du temps universel, de la navigation et du positionnement ou de la géodésie.
Parmi ces instruments, l’horloge maser à hydrogène développée par l’Observatoire de Neuchâtel.
Près de 25 millions de francs
A l’extérieur de Columbus, dans le vide, la plateforme SOLAR accueillera, elle aussi, une expérience suisse (SOVIM), mise au point par le Centre mondial du rayonnement (PMOD/VRC) à Davos. Celle-ci mesurera les variations et les oscillations du rayonnement solaire.
Globalement, la Suisse a participé pour près de 25 millions de francs à Columbus. Les contributions publiques s’élèvent à environ 10 millions de francs, indique Jacob Frauchiger, du Domaine Affaires spatiales au Secrétariat d’Etat à l’éducation et à la recherche (SER).
Plusieurs entreprises suisses ont participé à l’équipement de Columbus et à ses armoires d’expérimentations spécialisées – notamment au développement de censeurs de détection de l’humidité, de commutateurs et de joints de haute précision.
L’ensemble des prestations de l’industrie suisse se monte à 13,5 millions de francs, selon le SER. Au total, cela représente quelque 20 ans de travail et de collaboration avec l’ESA pour ce projet, précise Jacob Frauchiger.
Futures explorations lointaines
L’Europe elle-même a déboursé plus d’un milliard de dollars pour se doter ainsi de sa propre base dans l’espace (arrimée à l’ISS), mission préparatoire à de futures explorations lointaines, notamment vers Mars.
Il s’agit de chercher comment l’être humain peut subsister sous microgravité et ce, pendant un très long voyage, résume Jakob Frauchiger. Selon lui, une mission complète vers Mars représenterait une expédition de 1000 jours environ.
Mais alors que Columbus a pris son envol, AMS, autre appareillage européen destiné à l’ISS, reste au sol, dans l’attente d’une hypothétique prise en charge par une navette de la NASA au cours des neuf prochains vols planifiés.
Malgré son soutien financier (1,5 milliard de dollars sur douze ans) et les engagements pris, la NASA pourrait bien décider de l’abandonner dans les locaux du CERN, le laboratoire européen pour la physique des particules proche de Genève.
Selon les spécialistes, l’impact scientifique de cet AMS (pour Alpha magnetic Spectrometer) devrait pourtant s’avérer plus important que celui de Colombus.
L’ESA va plus loin. Pour elle, un AMS cloué au sol représenterait un énorme coup dur pour la communauté scientifique.
Conçu pour étudier les propriétés de la matière noire – un des mystères de la physique moderne – l’AMS est aussi censé permettre aux chercheurs d’en savoir plus sur la formation de l’univers.
swissinfo et les agences
La Station spatiale internationale (International Space Station, ISS) est une station spatiale actuellement assemblée dans l’espace.
En orbite autour de la Terre à une altitude d’environ 340 km, elle peut être distinguée à l’œil nu.
L’ISS est un projet conjoint de l’ESA et des agences spatiales des Etats-Unis, de Russie, du Japon et du Canada.
La station devrait être achevée en 2010 et rester en opération jusque vers 2016. En l’état, l’ISS est déjà la plus grande station de l’histoire spatiale.
L’ISS est habitée de manière continue depuis le 2 novembre 2000. Elle est essentiellement desservie par les vaisseaux russes Soyouz et les navettes américaines.
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