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Les anges gardiens du futur seront électroniques

Les salles blanches de l’EPFL comptent parmi les plus modernes au monde. Il n’en faut pas moins pour concevoir les nanopuces électroniques de demain. Keystone

Une nouvelle race de puces, produisant sa propre énergie pour surveiller la santé de l’homme et celle de l’environnement: les «Guardian Angels» (GA), projet des EPF de Lausanne et de Zurich, sont en lice pour un soutien européen d’un milliard d’euros. Visite des labos.

La démonstration impressionne toujours les visiteurs du laboratoire de Michael Graetzel à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne: on écrase une ou deux framboises sur une petite plaque de verre, on applique dessus une autre plaque, recouverte de peinture blanche et hachurée de traits de crayon, on branche deux électrodes sur l’ensemble, qu’on expose à la lumière et… cet étrange assemblage produit du courant, capable de faire tourner un petit moteur électrique.

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Ce contenu a été publié sur En moins d’un mois, sur la base d’un script fourni par les scientifiques du projet, le cinéaste lausannois David Monti a réalisé ce film avec des images achetées à une agence spécialisée dans la pub. Il montre et explique (en anglais) ce que pourraient à l’avenir être les Guardian Angels. ©GA/EPFL

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Spécialisé depuis 20 ans dans les cellules solaires «low cost» inspirées de la nature (ci-dessous), c’est tout naturellement que l’équipe du professeur Graetzel se retrouve embarquée dans le deuxième projet suisse en lice pour un titre de «flagship» européen (ci-dessus, colonne de droite). Une semaine après le Human Brain Project, les «anges gardiens» ouvraient à la mi-mai leurs labos et leurs salles blanches.

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«Zero power»

Dans l’idéal, les GA devront fonctionner sans consommer d’énergie. Ou plutôt, sans puiser d’énergie au réseau. Chaque unité produira elle-même l’électricité dont elle a besoin. Le défi est donc double: construire des puces qui consomment le moins possible et puiser l’énergie partout où cela est possible.

Pour la consommation, le but est d’arriver à 100 fois moins que les puces actuelles en silicium. L’équation est simple. Plus un système est petit, moins il a besoin de courant. Dans ses salles blanches flambant neuves – où ne flottent que quelques centaines de particules par m3 d’air – l’EPFL grave déjà, au moyen de faisceaux d’électrons, des circuits dont la taille se mesure en millionièmes de mètres.

Ailleurs, on fait «pousser» des tubes encore mille fois plus petits, grâce à la faculté qu’ont les atomes de carbone de s’assembler spontanément entre eux. Plus solides que le diamant, meilleurs conducteurs d’électricité que le cuivre, ces nanotubes de carbone seraient le matériau de base des puces de demain: minuscules, ultra rapides et ne chauffant que très peu.

Et pour les alimenter, tous les moyens seront bons. Energie solaire bien sûr (avec par exemple une déclinaison en matière souple des cellules Graetzel), mais aussi énergie thermique (la chaleur du corps notamment) ou énergie de mouvement. Dans ce dernier domaine, le Centre d’électronique et de microtechnique de Neuchâtel (rattaché à l’EPFL) pourra mettre à disposition ses petits convertisseurs piézoélectriques, qui permettent de fabriquer du courant juste en posant un pied devant l’autre pendant qu’on marche…. en attendant de récupérer un jour l’énergie des gouttes de pluie qui tombent au sol.

Utile pour l’humanité

Et tout cela pour quoi ? Le but n’est pas de faire de l’art pour l’art, mais bien de «transformer la science et la technologie en quelque chose d’utile pour l’humanité, quelque chose qui a un impact sur notre vie de tous les jours», résume Adrian Ionescu, patron du Nanolab de l’EPFL et co-directeur du projet GA, avec son collègue zurichois Christofer Hierold.

Dans la pratique, les GA devront pouvoir s’intégrer aux fibres de nos vêtements et fonctionner comme des capteurs biomédicaux, qui mesurent en permanence des paramètres vitaux tels que rythme cardiaque, tension artérielle ou glycémie, afin de minimiser les risques et donner l’alerte en cas de besoin. Une application particulièrement utile pour contribuer par exemple au maintien à domicile des personnes dans des sociétés vieillissantes comme les nôtres.

Les capteurs pourront aussi se faire environnementaux, pour détecter les poussières dans l’atmosphère, les pollens, les concentrations d’ozone, ou l’arrivée des tempêtes, voire des tsunamis. En communiquant ensemble, ces GA installés sur des points fixes ou mobiles sauront reconnaître les dangers et donner l’alarme en cas de besoin.

Quid de l’éthique ?

Enfin, les puces du futur devraient aussi à terme savoir détecter les émotions. Pour que le professeur sache si ses élèves l’écoutent, que la voiture refuse d’obéir à un conducteur éméché ou trop fatigué ou qu’un collègue puisse venir relever l’aiguilleur du ciel trop stressé.

Les perspectives sont également vastes pour les handicapés. Démonstration au centre des neuroprothèses de l’EPFL, où un étudiant coiffé d’un bonnet hérissé d’électrodes arrive à faire tourner un fauteuil roulant rien qu’en pensant qu’il soulève son bras droit ou son bras gauche.

Reste que tout le monde n’a pas forcément envie d’être ainsi analysé, monitoré, surveillé en permanence, même si c’est pour son bien. Sur ce point, Adrian Ionescu est formel: les GA ne seront pas des mouchards, la technologie restera non invasive et chacun pourra débrancher quand il le veut. Les dimensions éthiques du projet font d’ailleurs l’objet d’une attention particulière.

C’est le plus grand programme de soutien à la recherche jamais lancé par l’Union européenne. Début mai à Budapest ont été dévoilés le noms des six projets finalistes dans le concours qui aboutira l’année prochaine à la désignation de deux ou trois «flagships» (vaisseaux amiraux), promis chacun à un soutien d’un milliard d’euros sur dix ans.

Deux et demi en Suisse. Parmi les six finalistes, deux sont centrés sur l’EPFL: the Human Brain Project et Guardian Angels. Un troisième projet, nommé FuturICT, sorte de mariage futuriste entre sociologie et technologies de l’information, est dirigé conjointement par le University College of London et l’EPF de Zurich.

Concentrés de technologie

Au fait, ça marche comment le truc des framboises ? Très simple: les fruits contiennent une molécule proche de la chlorophylle des plantes, qui libère des électrons lorsqu’on l’expose à la lumière. Et le graphite du crayon sert à transporter ces électrons jusqu’au fil électrique. Dans la pratique toutefois, les cellules Graetzel sont fabriquées avec un colorant de synthèse, nettement plus performant que le jus de framboise naturel.

C’est en multipliant les trouvailles de ce genre que les 17 hautes écoles et instituts de recherche et les 11 partenaires industriels (dont IBM, Siemens et Sanofi Aventis) du consortium GA (12 pays) parviendront un jour à donner corps à ces anges gardiens électroniques.

1991. Le chimiste allemand Michael Graetzel teste pour la première fois à l’EPFL les cellules solaires qui vont prendre son nom, dites également «à pigment photosensible». Le procédé est analogue à celui de la photosynthèse des plantes: un colorant déposé sur la cellule se comporte comme une sorte de chlorophylle artificielle, convertissant le rayonnement solaire qu’il absorbe en électricité.

Génial. Nettement moins chères que les cellules photovoltaïques en silicium, les cellules Graetzel sont également moins gourmandes en lumière, insensibles à la température et facilement modulables parce que souples. Elles savent capter l’énergie sur leurs deux faces et on peut même choisir la couleur. Le «buzz» est énorme: depuis ses premiers travaux Michael Graetzel, a déposé plus de 50 brevets et compte parmi les dix chimistes les plus cités au monde dans les travaux de ses pairs. En 2009, il reçoit le prestigieux Prix Balzan et on murmure qu’il aurait déjà plusieurs fois atteint le dernier carré des nominés pour le Nobel.

Mais… malgré tout cela, le vrai démarrage industriel des cellules Graetzel aura pris 20 ans, le temps pour la technique d’arriver à maturité. Aujourd’hui, elles sont fabriquées en série par G24i en Angleterre, qui vend déjà un petit sac à dos rouge à croix blanche garni d’un panneau solaire souple, pour recharger téléphones portables et autres lecteurs MP3. Des géants comme Sony et Toyota sont également dans la course, au stade des prototypes industriels.

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