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Quand «Ardi» livre ses secrets, Lucy peut se rhabiller

Keystone

Beaucoup plus âgé que la fameuse Lucy, «Ardi» est l'un de nos ancêtres africains les plus anciens. Pour l'anthropologue suisse qui a aidé l'équipe en charge de la reconstitution virtuelle de son squelette, les ossements de cet hominidé permettront de faire d'importants progrès en matière d'évolution humaine.

Ardipithecus ramidus, «Ardi» pour les intimes, a 4,4 millions d’années environ. Contre 3,2 millions à Lucy. Comme cette dernière, il s’agit d’une créature de sexe féminin.

Selon une étude parue dans la dernière édition de la revue scientifique américaine Science, «Ardi» mesurait 1,20 m, pesait 50 kg et vivait dans le nord de l’Ethiopie, qui était alors une zone recouverte de forêts.

Découverts entre 1992 et 1994 dans la région éthiopienne de l’Afar, ses ossements apportent de nouvelles preuves à l’hypothèse d’après laquelle les êtres humains et les chimpanzés ont évolué à partir d’un ancêtre commun. Celui-ci aurait vécu il y a 6 ou 7 millions d’années et aurait donné naissance à des branches séparées d’hominidés.

Directeur du Centre de recherche sur l’évolution humaine à l’Université de Berkeley en Californie, Tim White a expliqué à l’Associated Press qu’«Ardi» n’était «pas cet ancêtre commun, mais c’est le plus près dont nous avons pu jamais nous approcher.»

Une démarche de bipède

Professeur d’anthropologie à l’Université de Zurich, Christoph Zollikofer a fourni une assistance technique à l’équipe japonaise qui a reconstitué le squelette virtuel d’«Ardi».

«Ce qu’il y a de fascinant, c’est que l’Ardipithecus est plus proche de notre dernier ancêtre commun que ne l’est le chimpanzé moderne», explique le scientifique helvétique, qui est l’un des meilleurs experts au monde en matière de reconstitution paléoanthropologique assistée par ordinateur.

Pour lui, «Ardi» a une dimension capitale car «elle ne dit pas seulement quelque chose sur notre propre évolution mais aussi sur celle des grands singes – chimpanzés et gorilles – en Afrique.»

Doté d’un visage proéminent, «Ardi» avait de longs bras, de grandes mains, des pouces opposables, ce qui lui permettait de grimper facilement aux arbres. Mais, comparée à sa colonne vertébrale et à la position de son bassin et de ses hanches, l’orientation de sa tête suggère qu’elle était capable de se tenir verticalement et de marcher comme un bipède sans devoir s’appuyer sur ses membres avant comme un chimpanzé ou un gorille.

Les chimpanzés aussi ont évolué

«Les gens pensent que les chimpanzés modernes n’ont pas beaucoup évolué et que donc, notre ancêtre commun ressemblait à un chimpanzé… Comme si c’était uniquement la branche humaine qui avait évolué», souligne Tim White. «En fait, Ardi est plus primitive qu’un chimpanzé», précise-t-il.

D’après l’analyse de fragments trouvés près de ses ossements, elle semble avoir été plus pacifique que les chimpanzés modernes. Ses canines supérieures s’apparentaient d’ailleurs plus à celles de l’homme qu’à celles, longues et acérées, des chimpanzés mâles et de la plupart des autres primates.

Son cerveau, de petite taille, est quant à lui positionné d’une manière qui rappelle le positionnement du cerveau des australopithèques et des hommes modernes. Ce qui permet d’en déduire une perception spatiale et une vision comparable à celles des être humains.

Un fossile complet

Au total, 47 experts du monde entier ont méticuleusement étudié les fragments d’os découverts depuis 1992 dans la Vallée du Rift avant d’en regrouper certains pour les attribuer à «Ardi».

Ils ont travaillé essentiellement à partir d’ossements provenant du pelvis, des mains, des pieds, des chevilles, de la mâchoire inférieure et d’un crâne émietté. Leurs diverses recherches ont jusqu’ici fait l’objet de onze articles dans la revue Science.

Si le squelette d’«Ardi» n’est pas le plus ancien de tous les squelettes d’hominidés retrouvés jusqu’ici, il est de loin le plus complet. «Remonter à un squelette qui précède l’australopithèque et en trouver davantage que des fragments et des morceaux est une découverte étonnante», observe Christoph Zollikofer, qui a également collaboré à la reconstitution de «Toumaï» (Sahelanthropus tchadensis), un hominidé de 7 millions d’années découvert au Tchad.

Pour David Pilbeam, conservateur du Musée Peabody d’archéologie et d’ethnologie à Harvard, les travaux portant sur «Ardi», auxquels il n’a pas pris part, constituent rien de moins que des «contributions majeures à l’histoire de l’évolution humaine.»

Simon Bradley, swissinfo.ch et les agences
(Traduction de l’anglais: Carole Wälti)

Homo sapiens. Les paléontologues considèrent généralement que l’apparition de l’être humain moderne (Homo sapiens) s’est produite il y a entre 120’000 et 150’000 ans en Afrique, où cette espèce a lentement remplacé les autres hominidés.

Singes. Un hominidé est un membre de la famille de primates dite des « grands singes », qui regroupe notamment l’homme anatomiquement moderne, le chimpanzé, le gorille et l’orang-outan.

Migrations. Homo sapiens aurait émigré d’Afrique en Asie et au Moyen Orient pour atteindre l’Europe il y a 40’000 ans de cela.

Ancêtre. Les scientifiques pensent que, grâce à un système de reproduction plus performant et davantage de combativité dans l’accès aux ressources, Homo sapiens a remplacé Homo neanderthalensis et d’autres espèces descendant d’Homo erectus, lequel avait colonisé l’Eurasie il y a quelque 2 millions d’années.

Caractéristiques. D’un point de vue physiologique, Homo sapiens se distingue des autres hominidés par sa bipédie, son cerveau plus volumineux et son système pileux moins développé.

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