Quand le numérique permet d’augmenter la réalité
Les meilleures spécialistes mondiaux de la réalité mixte et augmentée ont rendez-vous cette semaine à Bâle, à l’enseigne du symposium ISMAR 2011. Aujourd’hui déjà, leurs trouvailles permettent - comme au cinéma en quelque sorte -, d’ajouter des effets spéciaux à notre quotidien.
Ces techniques ne sont pas réservées au seul univers du jeu. Entretien avec Vincent Lepetit, collaborateur scientifique senior à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. (EPFL) et co-responsable du symposium, qui se tient cette année pour la première fois en Suisse.
swissinfo.ch: La réalité augmentée n’est pas encore forcément quelque chose de très connu. De quoi s’agit-il exactement ?
Vincent Lepetit: La réalité augmentée (RA) est une technologie qui ajoute des éléments virtuels à des images capturées par une caméra. En ceci, elle ressemble aux effets spéciaux du cinéma, où des objets de synthèse sont ajoutés dans la scène filmée par la caméra. La différence majeure est que la RA fonctionne en temps-réel, les objets sont ajoutés au fur et à mesure que les images sont capturées par la caméra. Elle permet donc une interaction avec l’utilisateur.
swissinfo.ch: Donnez-nous quelques exemples concrets…
V.L.: Une des premières applications de RA sur smartphone donne des directions pour trouver les stations de métro à Londres. Elle génère des panneaux virtuels qui apparaissent dans l’image de la rue capturée par la caméra du smartphone.
Dans un autre domaine, des chirurgiens en collaboration avec l’Université Technique de Munich commencent à utiliser la RA pour la chirurgie du genou. Elle leur permet de visualiser leurs instruments à l’intérieur du genou du patient. Et on trouve de la RA également dans les jeux, bien sûr, mais aussi dans l’enseignement, l’art ou la publicité.
swissinfo.ch: Peut-on dire que cette technologie est tout autour de nous, mais que nous n’en sommes pas conscients ?
V.L.: Si vous regardez des retransmissions sportives à la télévision, vous avez sans doute déjà remarqué depuis plusieurs années des indications de distance ou des logos ajoutés directement autour du terrain pendant le déroulement de la rencontre. Il s’agit là d’une application de la réalité augmentée.
De plus en plus d’applications pour smartphones rendent la RA accessible au grand public. Par exemple, vous pointez la caméra de votre téléphone vers des sommets de montagnes et leur nom s’affiche sur l’écran du téléphone.
swissinfo.ch: Bâle accueille ISMAR 2011. De quoi s’agit-il ?
V.L.: ISMAR est une conférence internationale qui réunit les chercheurs en réalité augmentée. La première édition remonte à dix ans, et la manifestation n’a cessé de croître depuis. Les chercheurs à ISMAR s’intéressent aux différents aspects de la RA: la technologie en elle-même, mais aussi l’aspect humain, comment la RA est perçue et quelle devrait être l’interface utilisateur d’une application de RA.
Et désormais, ISMAR présente aussi des œuvres d’artistes utilisant les nouvelles technologies et la RA en particulier comme médium.
swissinfo.ch: Qu’est-ce qu’on peut attendre de cette réunion de spécialistes venus du monde entier ?
V.L.: D’importantes innovations techniques ont été présentées en primeur à ISMAR ces dernières années, et les chercheurs nous réservent encore des surprises pour cette fois. Cette année, nous avons vu s’accroître non seulement le nombre de publications, sélectionnées par un comité scientifique international, mais aussi le nombre de démonstrations techniques et artistiques, elles aussi sélectionnées rigoureusement. Beaucoup sont très originales et impressionnantes, même pour un habitué comme moi.
swissinfo.ch: Quel est le rôle de la Suisse dans ce domaine ?
V.L.: La Suisse est déjà impliquée dans la réalité augmentée à différents niveaux. Plusieurs laboratoires des deux Ecoles polytechniques (Lausanne et Zurich) développent des techniques fondamentales utilisées en RA. Plusieurs entreprises suisses développent des applications de RA, et des écoles de design suisses créent déjà du contenu pour la RA.
swissinfo.ch: La Suisse investit-elle assez dans ce domaine, selon vous ?
V.L.: La Suisse, grâce à ses écoles et à son dynamisme entrepreneurial a un grand potentiel en RA. Malgré cela, pour l’heure, la RA est sans doute plus développée chez nos voisins Européens, en France mais aussi en Allemagne et en Autriche.
swissinfo.ch: Quel avenir pour la réalité augmentée ?
V.L.: Le concept de RA n’est pas nouveau, mais ce n’est que tout récemment que la technologie est devenue suffisamment mature pour être utilisable par le grand public. Les techniques ont fait d’énormes progrès, et l’apparition et le succès des smartphones a encouragé de nombreuses compagnies à développer des applications de RA. La RA est donc déjà accessible au public, et tout porte à croire que le phénomène se développera rapidement dans un futur très proche. Une étude faite par l’institut américain ABI Research, spécialisé dans les technologies multimédia, prévoit un marché de 360 millions de dollars pour 2014.
Réalité Augmentée: technologie permettant de visualiser des éléments virtuels intégrés au monde réel, de manière interactive.
Réalité Virtuelle : technologie permettant d’être immergé dans un monde entièrement virtuel, de manière interactive.
Comme son nom l’indique, l’International Symposium in Mixed and Augmented Reality réunit les spécialistes en réalité mixte et réalité augmentée, des technique qui permettent la création de nouveau interfaces pour utilisateurs qui commencent à avoir un certain impact sur l’industrie et sur la société.
Le domaine est fortement interdisciplinaire, à la croisée de spécialités comme le traitement des signaux, l’imagerie informatique, le graphisme, les interfaces utilisateurs, l’informatique mobile, les réseaux, les écrans, les senseurs, pour ne nommer que quelques-uns des plus importants.
ISMAR 2011, c’est également une exposition d’art, intégrée au Shift Festival des arts électroniques et des nouveaux médias, où les artistes explorent le potentiels des concepts de réalité mixte et augmentée.
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