Faut-il interdire l’entrée en Suisse des frontaliers italiens en raison du coronavirus?
La diffusion rapide du coronavirus en Italie suscite de grandes inquiétudes au Tessin. Le canton du sud des Alpes ne se trouve qu’à quelques kilomètres des principaux foyers d’infection détectés en Lombardie voisine, et chaque jour, plus de 60'000 frontaliers italiens viennent y travailler.
Avec plus de 200 cas de contagion avérés, l’Italie est le pays d’Europe le plus touché par le Covid-19, comme on appelle le coronavirus apparu à la fin de l’année dernière dans la ville chinoise de Wuhan. En quelques jours, les cas de contagion se sont rapidement multipliés dans les régions les plus au nord de la Péninsule, obligeant le gouvernement italien à intervenir avec des mesures drastiques.
Quelques communes lombardes au sud de Milan, où le virus s’est le plus propagé, ont été mises en quarantaine et dans plusieurs villes du nord de l’Italie. Les autorités ont fermé les stades, les universités, les musées, les monuments et divers lieux publics. Il est toutefois difficile de savoir si ces mesures suffiront à contenir l’épidémie.
La frontière tessinoise se trouve à une centaine de kilomètres à peine de la province de Lodi, qui est l’épicentre du coronavirus en Italie. Avec les tunnels routiers et ferroviaires sous le massif du Saint-Gothard, le Tessin se trouve sur le principal axe de transit alpin entre l’Italie et l’Europe centrale et septentrionale.
Mais plus que le trafic de transit, ce sont les risques de contagion éventuelle de la part des frontaliers italiens qui inquiètent le Tessin. Ils sont plus de 60’000 à venir chaque jour travailler dans le canton, et se trouvent en contact étroit avec la population locale. La plupart viennent de Lombardie, la région d’Italie la plus touchée par le coronavirus.
En ce 25 février, les autorités sanitaires ont annoncé le premier cas de Covid-19 sur territoire suisse, au Tessin précisément. Avant cela, près de 300 cas suspects avaient été examinés et tous s’étaient révélés négatifs.
Seules les autorités fédérales sont compétentes pour ordonner une fermeture des frontières du pays, au Tessin ou ailleurs. Mais le gouvernement n’a pas l’intention de prendre une telle mesure, malgré les demandes formulées ces derniers jours par la Lega (parti populiste tessinois). Selon l’Office fédéral de la Santé publique (OFSPLien externe), la situation en Italie du Nord est certes préoccupante, mais il s’agit encore de foyers locaux et il est trop tôt pour parler d’une vague rampante vers la Suisse.
D’autre part, en cas de vraie épidémie en Europe, il serait impossible de stopper la propagation du virus avec de telles mesures, car le continent est trop fortement interconnecté. La France et l’Autriche ont d’ailleurs aussi décidé de maintenir ouvertes leurs frontières avec l’Italie.
Plus de 67’800 frontaliers travaillent au Tessin. Leur nombre a doublé depuis 2002, date de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-circulation des personnes entre la Suisse et l’UE. Seul le canton de Genève recense plus de pendulaires qui passent la frontière chaque jour (87’104). Bâle-Ville en a 33’932 et le canton de Vaud 32’425.
Les frontaliers forment plus d’un quart de la main-d’œuvre totale du Tessin. Alors que traditionnellement, ces Italiens travaillaient avant tout dans la construction et dans l’industrie, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pratiquement deux tiers d’entre eux sont employés dans le secteur tertiaire.
Les frontaliers sont désormais présents dans tous les secteurs de l’économie, y compris le secteur public. Une fermeture de la frontière risquerait donc de paralyser une bonne partie de l’économie tessinoise et de mettre en péril de nombreux services de base pour la population – à commencer par le secteur hospitalier. La moitié environ du personnel infirmier est de nationalité étrangère et un cinquième est composé de frontaliers.
(Traduction de l’italien: Marc-André Miserez)
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