Comment faire face aux monstrueux incendies de forêt
La Sicile et la Calabre, mais aussi la Grèce, la Turquie, la Sardaigne, la Côte d'Azur, l'Algérie et avant cela le Portugal, la Californie, l'Australie et même le Tessin ont été victimes de feux de forêt cet été. Un phénomène qui perturbe et détruit l'écosystème, l'économie et la vie des gens. Un expert explique comment les limiter.
Alors qu’il y a quelques jours, les températures ont atteint 48,8 degrés Celsius dans la région de Syracuse, en Sicile, établissant un record européen, la Turquie, après les flammes qui l’ont enveloppée le mois dernier, lutte maintenant contre les inondations. Ces phénomènes extrêmes sont mentionnés dans le dernier rapportLien externe alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies sur le changement climatique, publié il y a une dizaine de jours.
Des phénomènes plus intenses et plus fréquents
Le message du principal organisme international d’évaluation du changement climatique des Nations unies est sans équivoque. Selon le rapport, le changement climatique à l’origine de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques désastreux, tels que les inondations ou les vagues de chaleur, est «sans précédent» et «indubitablement» d’origine humaine.
L’étude, fondée sur l’analyse de plus de 14’000 articles scientifiques rédigés par plus de 200 scientifiques du monde entier, est la plus complète à ce jour et révèle que, par rapport au milieu du siècle dernier, les vagues de chaleur ont été plus intenses dans 90% des régions du monde. Elles ont contribué au déclenchement de gigantesques incendies. Le réchauffement climatique a également influencé d’autres phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les inondations.
La main incendiaire de l’homme
Si l’on se concentre sur les incendies de forêt qui dévastent chaque année de vastes étendues de terres dans le monde, on ne peut ignorer que, trop souvent, la main de l’homme est à l’origine de ces feux, qu’ils soient involontaires ou intentionnels (afin d’étendre les pâturages ou de percevoir des assurances, par exemple).
Marco Conedera, ingénieur forestier, est le chef de l’Unité de recherche en écologie communautaire à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSLLien externe).
SWI swissinfo.ch: Marco Conedera, comment peut-on prévenir les incendies de grande ampleur ou mieux contrôler ces phénomènes?
Marco Conedera: Les incendies de forêt doivent être prévenus à différents niveaux. À moyen et long terme, la possibilité de développement d’incendies de grande ampleur dépend du type et de la gestion du paysage. Bien entendu, le type de végétation de base dépend du climat et de l’écosystème ambiants.
La gestion de la forêt par l’homme est également fondamentale pour déterminer le type et la quantité de combustible produit. À l’état naturel, le feu élimine la biomasse végétale, à savoir le bois, les branches et les feuilles accumulés par la croissance de la végétation. Plus la biomasse s’accumule, plus le risque d’incendies intenses augmente. La gestion des terres peut contribuer à contenir le risque d’incendies intenses à grande échelle. L’abandon de l’agriculture traditionnelle et la gestion extensive des terres par l’homme sont l’une des causes de l’augmentation de l’intensité des incendies en Europe.
Un deuxième niveau de prévention consiste à informer le public sur les dangers des incendies. Outre l’information générale sur le phénomène, l’interdiction des feux en cas de danger d’incendie est également fondamentale.
«L’abandon de l’agriculture traditionnelle est l’une des causes de l’augmentation de l’intensité des incendies.»
Le troisième niveau concerne le degré de préparation et d’organisation technique et tactique des forces de lutte contre l’incendie, tant au sol (pompiers) que dans les airs (pilotes d’hélicoptères et de canadairs), ainsi que de l’infrastructure de lutte contre l’incendie (par exemple, réservoirs d’eau pour hélicoptères, réseau de bornes d’incendie, etc.)
À l’échelle mondiale et à long terme, la lutte contre les phénomènes climatiques extrêmes résultant du changement climatique est également cruciale pour empêcher la répétition continue de situations à haut risque d’incendie.
Quelle est la part du facteur humain?
Outre la lave des éruptions volcaniques, le principal facteur naturel d’incendie est la foudre. Les feux de foudre sont très fréquents dans les forêts boréales comme en Amérique du Nord, en Scandinavie et en Sibérie. Mais ils peuvent également se produire dans les montagnes suisses, notamment en présence de conifères sur des promontoires très exposés. Actuellement, en Suisse, environ 30% des incendies sont causés par la foudre.
«Dans la région méditerranéenne, au moins 95 % des incendies sont d’origine humaine.»
Pour les 70% restants, ce sont toujours les activités humaines ou les infrastructures qui fournissent l’énergie d’allumage. Dans la région méditerranéenne, on estime qu’au moins 95% des incendies sont d’origine humaine, qu’ils soient délibérés ou non. La composante humaine est donc très importante sous nos latitudes, à la fois dans la formation du combustible, et comme cause directe d’inflammation.
Quel est l’intérêt des incendies volontaires contrôlés à des fins préventives?
Les feux contrôlés sont une technique adoptée dans des conditions météorologiques favorables afin de réduire la charge combustible de la zone. On peut aussi y voir une alternative moderne au rôle qu’ont toujours joué les activités agricoles traditionnelles, comme les oliveraies extensives et l’élevage de moutons en Méditerranée, ou l’élevage de moutons et la culture de châtaignes fruitières sous nos latitudes.
Il s’agit d’une technique très complexe qui nécessite une préparation méticuleuse et la présence d’opérateurs spécialisés. L’objectif est de réduire la quantité de combustible, c’est-à-dire les branches sèches, les feuilles, etc., et de bénéficier des avantages écologiques du feu tout en prévenant la possibilité de graves incendies incontrôlables pendant la saison dangereuse.
Comment sont-ils contrôlés et quel effet ont-ils sur la faune?
Ils sont contrôlés en choisissant la fenêtre météorologique favorable et en accompagnant/dirigeant le feu dans la partie désignée du territoire.
«De nouvelles espèces végétales poussent sur les cendres du feu dirigé.»
Bien entendu, pour certaines espèces d’invertébrés vivant sur le sol et dans la litière, cela peut constituer un problème, mais la plupart des animaux ont le temps de se mettre à l’abri et les effets sont bien moindres que lors d’un incendie incontrôlé et très intense. Dans les cendres du feu dirigé, de nouvelles espèces végétales poussent, qui ont besoin de lumière pour se développer, et de nouveaux habitats sont également créés pour d’autres espèces animales.
Après un incendie de forêt, y a-t-il un temps nécessaire avant que des arbres puissent y être plantés?
En ce qui concerne la plantation après incendie, dans de nombreux cas, elle n’est pas nécessaire, car la végétation adaptée au feu est habituée à réagir après un incendie, par exemple les broussailles, et crée généralement rapidement une nouvelle génération de plantes, soit à partir de graines, soit à partir de pousses de la souche.
Les plantations sont nécessaires lorsqu’on estime que la nature est trop lente à se rétablir et qu’une forêt est nécessaire plus rapidement pour se protéger contre les risques naturels. Cela peut être le cas dans les Alpes, lorsque le feu ne laisse aucune chance aux conifères.
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