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L’argent, nerf de la guerre pour sauver le climat

La lutte contre les inondations dans le bassin péruvien de l'Amazone sera l'un des premiers projets à recevoir un financement du Fonds vert pour le climat. AFP

Les solutions pour lutter contre le changement climatique ne dépendront pas uniquement de l’issue des négociations politiques de la Conférence sur le climat (COP21) de Paris. Le soutien financier au développement des technologies vertes figure au coeur de l'arsenal visant à éviter une hausse massive des températures. 

C’est l’une des avancées majeures des négociations préparatoires en vue de la COP21Lien externe: les pays industrialisés se sont fixés l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir les activités d’atténuation et d’adaptation du changement climatique dans les pays en développement. Pour l’instant toutefois, ils n’en ont pris que la moitié du chemin. Selon les estimations de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), les promesses atteignent 57 milliards de dollars en moyenne pour les deux dernières années.

Les pays en développement font valoir que sans cet argent, ils ne sont pas en mesure d’investir dans de nouvelles formes d’énergies ou dans des moyens de transport plus propres. Et ils ne peuvent pas non plus se préparer aux effets potentiellement dévastateurs de la hausse des températures. 

Un rapport publié au mois d’octobre par le Climate Action TrackerLien externe (CAT), un groupe indépendant d’experts européens du climat, prévoit que même si tous les engagements sont mis en œuvre, les températures grimperont en moyenne de 2,7 degrés sur Terre. Pour le groupe d’experts, cela représente toutefois une amélioration par rapport à son évaluation des engagements pris lors du sommet sur le climat de Lima en 2014 (3,1 degrés). 

Les pays les plus pauvres de la planète auraient pourtant besoin de milliers de milliards de dollars pour atteindre cet objectif au cours des 15 prochaines années, d’après le site spécialisé britannique CarbonBriefLien externe.

«Dépenses intelligentes»

Le Fonds vert pour le climatLien externe est appelé à devenir la pièce maîtresse du financement climatique au niveau global. Mais obtenir des engagements fermes des Etats est un processus complexe. «Le Fonds vert pour le climat n’évolue pas aussi rapidement que beaucoup d’entre nous le souhaiteraient», souligne ainsi Stefan Marco Schwager, conseiller externe auprès de l’Office fédéral de l’environnementLien externe (OFEV).

Depuis un an, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon a concentré beaucoup d’efforts dans la conversion de l’engagement initial de 10,4 milliards de dollars dans le fonds en engagements formels. La Suisse a promis de verser 100 millions de dollars au fonds, ceci en trois paiements échelonnés répartis entre 2015 et 2018. 

«Il y a de l’argent dans la tirelire», affirme Stefan Marco Schwager. Il faut désormais se focaliser sur la manière dont il sera dépensé. Rien ne sert d’agir dans la précipitation. Au contraire: il faut faire preuve d’intelligence et se concentrer sur l’impact des actions entreprises, souligne l’expert suisse. 

Stefan Marco Schwager insiste également sur la nécessité de clarifier ce que l’on nomme généralement le financement climatique. Une question d’ailleurs longuement débattue lors de la Conférence de Lima sur le climat en 2014. Les bailleurs de fonds ont également exprimé «une certaine inquiétude» quant aux problèmes de corruption qui pourraient survenir lors de l’attribution des fonds. «Là où il y de l’argent qui circule, il y a un risque de corruption, d’abus et d’inefficacité», relève Stefan Marco Schwager.

Le secteur privé à la pointe

Les fonds qui seront investis dans la lutte contre le changement climatique devraient toutefois provenir en majorité du secteur privé. Près de 90 milliards de dollars seront attribués aux technologies et aux infrastructures propres ces 15 prochaines années, dont la plus grande partie provient des investissements du secteur privé, a estimé Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiquesLien externe, ou CCNUCC, à l’occasion de la dernière conférence sur le climat. 

L’Agence internationale de l’énergieLien externe (AIE) estime pour sa part que près de 5000 milliards de dollars devront être investis dans les énergies propres d’ici 2020 afin que la température de la Terre augmente dans les limites définies.

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Des chiffres qui peuvent paraître colossaux, mais qui ne perturbent pas pour autant les acteurs du secteur privé. Vice-président de la responsabilité des entreprises au sein de la firme SGS, Daniel Rüfenacht estime que l’économie fait déjà sa part du travail. D’après lui, les gouvernements devraient toutefois davantage collaborer avec le secteur privé. «Les projets que les Etats mettront en place dépendront de la technologie et de l’innovation en provenance des entreprises», dit-il.

«Ces objectifs ne sont pas hors de portée. Le secteur privé fournit déjà entre deux tiers et trois quarts des fonds nécessaires à la lutte contre le changement climatique», affirme quant à lui Bertrand Gacon, président de Sustainable Finance GenevaLien externe (SFG), une association à la fois soutenue par des institutions publiques et privées et qui milite pour une finance durable. «L’humanité dépense davantage dans l’achat de cigarettes que ce qu’elle devrait investir pour résoudre le problème du changement climatique», illustre-t-il.

Obligations vertes

Depuis l’an dernier, le marché obligataire vert ainsi que le financement des projets qui ont un impact positif sur l’environnement et le climat ont connu un boom important. Les nouvelles émissions ont atteint un total de plus 40 milliards de dollars. Ces obligations, à revenu fixe, financent essentiellement des projets de constructions de centrales à énergie renouvelable et d’amélioration de l’efficacité énergétique ainsi que les technologies de transports écologiques.

L’alternative des circuits courts

La Ruche qui dit ouiLien externe est l’un des projets soutenus par la société de gestion genevoise Quadia. Cette entreprise est spécialisée dans la livraison de nourriture produite en moyenne dans un rayon de 43 kilomètres autour du lieu de vie du consommateur. C’est ce qu’on appelle généralement les circuits courts.

Près de 25% des émissions de gaz à effet de serre proviennent en effet de l’agriculture et du transport des denrées alimentaires. L’implication de Quadia et de trois autres investisseurs a permis à La Ruche qui dit oui d’étendre ses activités en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni (où la société est connue sous le nom de The Food Assembly). La société compte 700 ruches à partir desquelles elle distribue des aliments fabriqués par 4000 producteurs.

«C’est une solution qui favorise de nouvelles habitudes alimentaires grâce à un système qui permet de réduire les effets nocifs du transport des aliments, qui font généralement trois fois le tour du monde avant de finir dans vos assiettes», explique, enthousiaste, Aymeric Jung, l’un des associés de la firme Quadia. 

Bien que les obligations vertes représentent encore «une goutte d’eau dans l’océan» en comparaison à la totalité des sommes en circulation sur les marchés financiers, cela «commence à faire un sacré paquet d’argent» affecté à la lutte contre le changement climatique, affirme Bertrand Gacon.

«Pour la première fois, nous sommes en présence d’un produit destiné au grand public et qui convient aussi bien aux investissements du secteur privé que public», souligne Bertrand Gacon. Soutenues initialement par la Banque mondiale, les obligations vertes ont atteint un certain degré de sophistication. Ce qui permet aux investisseurs de se concentrer davantage sur l’endroit exact où ils souhaitent investir leur argent plutôt que de simplement miser sur l’émetteur des obligations.

Credit Suisse et Zurich Insurance ont tous deux joué un rôle actif dans la dynamisation du marché obligataire vert. Zurich Insurance a par exemple décidé l’an dernier d’investir deux milliards de dollars sur ce marché. Le responsable des investissements de la société helvétique a toutefois suscité l’inquiétude des partisans d’une économie durable en déclarant qu’il n’excluait pas l’achat d’obligations vertes auprès des producteurs de combustibles fossiles.

Investissement à impact

La société d’investissement genevoise QuadiaLien externe fait partie des entreprises, toujours plus nombreuses, qui s’intéressent à un autre domaine important de la finance verte: l’investissement à impact, une forme d’investissement socialement et écologiquement responsable. Quadia se focalise sur des entreprises innovantes qui ont de la peine à trouver des fonds sur les marchés financiers traditionnels.

Ce nouveau modèle est très attractif pour les investisseurs, souligne Bertrand Gacon. Non seulement en raison de son impact social et environnemental positif, mais également parce qu’il génère des rendements élevés et qu’il permet aux investisseurs de diversifier leur portefeuille d’actifs. Généralement, les projets et les pays concernés échappent en effet à la finance traditionnelle et à la communauté des investisseurs.

Bertrand Gacon, qui est également chef du département de l’investissement à impact au sein de la banque privée Lombard Odier, estime que les banquiers doivent encore s’adapter à ce «changement culturel» et prendre conscience de tous les bénéfices engendrés par la finance durable.

(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)

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