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Des muscles artificiels pour des robots aux mains douces

Kohei Nakajima, de l'Université de Zurich, présente un robot-tentacule. swissinfo.ch

L’un des nouveaux champs de recherche de la robotique porte sur des robots fabriqués à partir de matériaux souples. Ceux-ci sont plus flexibles, plus adaptables et moins dangereux que les robots traditionnels. Mais leur fabrication soulève des problèmes auxquels les universités suisses tentent de répondre.

Les robots sont toujours plus présents dans notre vie quotidienne. Depuis longtemps déjà, ils ne sont plus cantonnés aux seules usines, où des bras articulés assemblent par exemple des automobiles. Désormais, ils rentrent aussi de plus en plus dans les foyers, notamment pour tondre le gazon ou pour aspirer la poussière. Certains même, sous la forme d’un chien ou d’un dinosaure, divertissent le benjamin de la famille.

Tous ces robots ont une caractéristique commune: un corps rigide avec une enveloppe de métal ou de plastique. Cette structure les rend robustes, mais en même temps peu flexibles. Les robots peuvent travailler avec une grande précision et ne se fatiguent jamais. Mais ils ne fonctionnent que dans un cadre précis, voire limité.

En outre, ces robots traditionnels «durs» peuvent s’avérer dangereux pour l’homme. Les robots industriels doivent être installés dans des cages de protection, afin que les ouvriers ne s’en approchent pas trop par inadvertance et ne soient blessés par un bras de métal se déplaçant à la vitesse de l’éclair. Ou alors, durant des opérations, les chirurgiens doivent utiliser les robots avec une certaine retenue, étant donné qu’ils pourraient facilement blesser les patients.

Contenu externe

Une simulation de roombot

EPFL Biorob Lab

Biométrie

On assiste depuis le début de ce siècle au développement d’un nouveau secteur de recherche appelé Soft Robotics. Le but est de créer des robots plus flexibles, plus adaptables et moins dangereux pour l’homme. Pour ce faire, les scientifiques s’inspirent surtout des êtres vivants.

«Les hommes et les animaux ont un corps mou. Environ 90% du corps est souple. Les capacités d’adaptation des êtres vivants sont aussi dues à cette caractéristique», explique Fumiya Iida, responsable du Bio-inspired Robotics Lab de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

Mais la Soft Robotics se trouve encore à un stade embryonnaire. «Avec la technologie actuelle, nous ne pouvons pas développer de robots mous. Nous devons tout réinventer: les matériaux, les senseurs, les moteurs…», déclare ce professeur assistant venu du Japon. C’est pour cette raison que ce ne sont pas seulement des experts en robotique qui sont impliqués, mais également des spécialistes des matériaux, des chimistes ou des biologistes.

S’asseoir sur un robot? Cette perspective ne plaît peut-être pas à tout le monde. C’est cependant le projet sur lequel travaille Massimo Vespignani. A l’avenir, nous pourrons par exemple nous relaxer sur un robot-sofa et, avant de passer à table, lui ordonner de se transformer en chaise. Le collaborateur scientifique du laboratoire de bio robotique de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne développe des robots modulaires – des Roombots – qui pourraient permettre de transformer cette utopie en réalité.

Un module de Roombot est composé de deux sphères de la grandeur d’un ballon de handball. Les sphères sont reliées entre elles par un axe et chacun dispose d’un moteur, d’une batterie et d’électronique pour le pilotage. Chaque module peut être assemblé aux autres dans des positions différentes, puis à nouveau séparé. De cette manière, les Roombots peuvent prendre diverses formes et s’adapter à des besoins différents.

Mais plus il y a de modules mis ensemble, plus la forme du Roombot ainsi créé devient compliquée, ce qui rend son pilotage de plus en plus complexe. «Un seul module peut être piloté facilement, un peu comme une voiture télécommandée. Mais si plusieurs modules sont mis ensemble, il n’est pas toujours possible de prévoir comment cet édifice complexe réagira à un ordre de mouvement. Il faut effectuer de nombreux tests et trouver la meilleure solution», explique Massimo Vespignani.

Avant de pouvoir être utilisés comme sofas cybernétiques, les Roombots devront d’abord être dotés d’une enveloppe souple. Pour le moment, ils sont entourés de plastique dur. Une matière qui soit à la fois suffisamment molle et résistante et qui n’entrave pas les mouvements du module reste encore à inventer.

Muscles artificiels

Parmi eux, il y a Jun Shintake, doctorant au laboratoire de systèmes intelligents de l’Ecole polytechnique de Lausanne (EPFL). Avec son équipe, il travaille au développement d’un « activateur élastomère diélectrique », une sorte de muscle artificiel.

Ce qui semble si compliqué paraît à première vue plutôt insignifiant: un bout de pellicule de plastique mou, élastique et transparent de la taille d’un pouce. La bande de nanoparticules qui traverse cette pellicule par le milieu lui confère cependant des propriétés très particulières. Grâce à des impulsions électriques, la pellicule est en mesure de s’allonger ou de se rétracter.

Avec deux de ces pellicules ou plus, il est possible de construire une main de robot capable de saisir délicatement des objets, sans les endommager. «Etant donné qu’il s’agit de quelque chose de complètement nouveau, nous ne savons pas encore quels seront les domaines d’application», déclare son inventeur, Jun Shintake. Il peut cependant s’imaginer que cette technologie pourrait être utilisée par exemple dans le secteur aérospatial ou pour des prothèses médicales.

Mais pour les chercheurs, le défi ne consiste pas seulement à développer de nouveaux matériaux et composants. Calculer à l’avance les mouvements et diriger un robot rigide est relativement facile si l’on connaît avec exactitude sa taille et l’angle des jointures. Pour les robots à structure molle, voire extensible, c’est en revanche beaucoup plus difficile.

Les développeurs des robots modulaires, appelés aussi Roombots, sont confrontés à ces problèmes. Le robot du laboratoire de bio-robotique de l’EPFL n’a pas un corps prédéfini, mais est composé de nombreux petits modules que l’on peut combiner pour parvenir à la forme souhaitée. «Notre rêve est de construire un robot qui peut se transformer sur ordre, par exemple en se transformant de chaise en sofa», déclare Massimo Vespignani, un collaborateur du projet.

La Confédération finance des projets dans le domaine de la robotique par le biais d’un Pôle de recherche national (PRN) spécifique.

Le PNR robotique soutient diverses études de l’EPFL, de l’EPFZ, de l’Université de Zurich et de l’Institut d’études sur l’intelligence artificielle de Lugano. Le budget à disposition est de 35 millions de francs par an pour la période 2010-2014.

Le PNR a cinq priorités: fédérer la communauté robotique en Suisse, fabriquer des robots au service des humains, créer une force novatrice, promouvoir le transfert de technologie et former les roboticiens de demain.

Tentacules intelligents

Beaucoup d’organismes vivants ont un corps totalement mou. Cependant, ils n’ont aucune difficulté à le contrôler et à se déplacer avec une grande adresse, comme le poulpe. Le projet de recherche de l’Union européenne «Octopus IP» a pour objectif de mieux étudier les capacités de cet octopode. Pour atteindre ce but, différentes équipes de recherche vont collaborer au cours des prochaines années pour construire un robot-pieuvre ayant les mêmes capacités que son modèle naturel.

A l’EPFZ, Kohei Nakajima vient de terminer un sous-projet d’«Octopus IP». Un tentacule blanc en silicone se déplace ici et là dans un petit aquarium. Le tentacule renferme d’innombrables senseurs qui calculent la position de ses différents segments. Avec ce tentacule en silicone, Kohei Nakajima a pu démontrer qu’il y avait dans le bras d’une pieuvre une certaine intelligence et une sorte de mémoire à court terme.

«Il y a beaucoup d’informations dans la dynamique du mouvement des corps mous, explique-t-il. On peut extraire ces informations et les utiliser pour le contrôle du corps. Le poulpe est en un certain sens un peu comme un cerveau flottant sans enveloppe.»

Le rêve de Kohei Nakajima est de construire un robot complètement déformable, un peu comme le cyborg tueur de métal liquide du film

Terminator 2. Mais un tel robot ne ferait-il pas peur? Kohei Nakamima rit et nous rassure: il construira un robot très faible, pour n’effrayer personne.

(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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