«Il faut vivre avec les normes technologiques de son temps»
Les autorités suisses ont récemment confirmé que les radios FM cesseront définitivement d’émettre à la fin de l’année 2024. Les postes de radio traditionnels seront remplacés par des appareils numériques DAB+. Pour Xavier Studer, spécialiste des nouvelles technologies, cette évolution est inéluctable, même si la norme DAB+ n’est pas forcément une panacée.
Annoncée depuis plusieurs années, la fin de la radio en modulation de fréquence (FM) devient de plus en plus tangible. Le point de bascule a eu lieu au printemps 2016, où pour la première fois, la radio a été davantage utilisée en mode numérique (DAB+ et Internet) qu’en mode analogique. Selon l’Office fédéral de la communication (OFCOM), la part de la consommation numérique atteignait 57% au printemps dernier.
Certains signes témoignent que le changement est bel et bien en cours. Par exemple, les voitures neuves qui sont vendues sont désormais équipées d’un appareil DAB+ plutôt que d’une radio FM. Dans les foyers aussi, il convient de commencer à remplacer des radios FM qui deviendront obsolètes d’ici six ans. Environ un tiers des ménages ont déjà franchi le pas.
Pour encourager ce changement, l’OFCOM a lancé le 13 février dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de la radio, une campagne de deux ans intitulée «La radio déménageLien externe». Des personnalités en vue de la scène musicale suisse y font notamment la promotion du DAB+ dans des clips.
Auteur d’un blogLien externe consacré aux nouvelles technologies et aux télécommunications, Xavier Studer a suivi de près cette évolution. Interview.
swissinfo.ch: Comment expliquer simplement en quoi consiste le passage au DAB+?
Xavier Studer: Il s’agit simplement du passage d’une technologie analogique vers une technologie numérique. C’est similaire à ce que nous avions vécu avec le passage du disque vinyle au compact disc. Pour la radio, nous en sommes déjà au DAB+ qui est une évolution du DAB et qui propose une meilleure qualité audio.
swissinfo.ch: C’est intéressant votre comparaison, car la tendance du moment pour les mélomanes est de repasser… au bon vieux vinyle. Va-t-on assister au même phénomène pour la radio?
X. S. : Je ne pense pas, parce qu’on doit vivre avec les normes technologiques de son temps. On parle ici du «caprice» de certaines personnes qui sont des mélomanes et qui sont persuadées que le son est meilleur sur vinyle. Il y a 20 ou 30 ans, ces mêmes personnes étaient généralement persuadées que le son était meilleur sur CD!
Mais la technologie ne dépend pas (que) d’effets de mode. Il y a de bonnes raisons de passer au DAB+. Cette technologie permet notamment la diffusion d’un plus grand nombre de chaînes de radio sur la même gamme de fréquences utilisée pour la FM.
swissinfo.ch: Très concrètement, quel est l’avantage pour l’auditeur par rapport à la radio traditionnelle?
X. S. : Je serais tenté de dire que la différence n’est pas si importante, car si tel était le cas, on pourrait imaginer que cette norme aurait eu un succès beaucoup plus rapide au niveau international. Concrètement, cela doit amener une meilleure qualité du son et davantage d’informations additionnelles par rapport aux programmes qui sont diffusés, par exemple l’indication des titres, de l’interprète ou même une illustration de la pochette de l’album.
swissinfo.ch: La différence ne semble donc pas flagrante au niveau de l’écoute.
X. S. : Le son de la FM est déjà plutôt bon et certains sont persuadés que le DAB+ n’apporte pas une immense évolution. Mais objectivement, nous avons affaire à un signal numérique, ce qui permet d’éliminer toute une série d’interférences, notamment pendant les déplacements. Donc en théorie, nous avons un signal très propre.
swissinfo.ch: A vous entendre, on pourrait en déduire que le vrai avantage du DAB+ est de permettre la diffusion d’un plus grand nombre de chaînes.
X. S. : L’évolution la plus marquante, est probablement de permettre de faire passer plus de chaînes sur la même gamme de fréquences. Mais cela ne peut intéresser l’utilisateur final qu’à partir du moment où la bande FM est saturée et qu’il n’y aurait plus suffisamment de place pour laisser passer assez de chaînes de radio…
swissinfo.ch: En Suisse, il faut une campagne de publicité pour encourager le passage au DAB+. N’est-ce pas un peu étrange de devoir faire la promotion d’une technologie supposée meilleure que celle qui existe actuellement?
X. S. : Le démarrage est effectivement un peu lent, car la FM fonctionne bien et l’utilisateur ne voit pas forcément beaucoup de choses en plus par rapport à son utilisation de la radio traditionnelle. Il y a aussi différentes raisons techniques. Par exemple, les voitures ont été pendant très longtemps livrées avec des récepteurs FM et il y a eu peut-être un manque de volonté de normalisation au niveau du continent.
swissinfo.ch : De nos jours, pratiquement tout le monde dispose d’un Smartphone avec une connexion Internet illimitée, ce qui permet d’écouter la radio. Dans ces conditions, on a l’impression que le DAB+ arrive à un moment où on n’en a plus vraiment besoin.
X. S. : L’exemple du Smartphone est effectivement très parlant. Ces appareils disposaient autrefois d’un récepteur FM intégré, mais ceux-ci ont totalement disparu. Et ils n’ont pas été remplacés par un récepteur DAB+. A ma connaissance, il n’existe que de rares téléphones sur le marché qui intègrent un tel récepteur. Le téléphone portable montre donc qu’Internet pourrait suffire pour la réception de programmes de radio en numérique.
swissinfo.ch : Alors à quoi bon tous ces efforts pour maintenir une radio en DAB+?
X. S. : Un poste de radio, qu’il soit analogique ou numérique, présente des avantages. L’appareil n’est pas très cher; il peut recevoir les programmes gratuitement, partout et indépendamment d’une connexion Internet; il bénéficie d’une très longue autonomie grâce aux piles. Ce sont autant d’éléments qui font de la radio un support d’information idéal lors de catastrophes ou de crises. C’est un aspect stratégique qu’il ne faut pas négliger.
Un media qui reste très populaire
La radio – qu’elle soit numérique ou analogique – reste un media particulièrement diffusé.
Selon les enquêtes de MediapulseLien externe, la radio touchait 9 personnes sur 10 au sein de la population suisse âgée de 15 ans et plus au 1er semestre 2017.
En Suisse romande, 83% des adultes entrent en contact avec une ou plusieurs stations de radio au cours d’une journée. Ce taux est de 86% en Suisse alémanique et de 88% en Suisse italienne.
En moyenne, un auditeur écoute chaque jour la radio pendant 115 minutes en Suisse alémanique, 112 minutes en Suisse italienne et 97 minutes en Suisse romande.
La Fondation Mediapulse est une fondation indépendante, mandatée par la Confédération pour mesurer les taux d’audience officiels de la radio et de la télévision en Suisse.
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