En Suisse aussi, la terre tremblera un jour
La Suisse n'est pas à l'abri d'une tragédie comme celle qui a frappé le Pakistan et le Cachemire. Les séismes constituent un risque majeur de catastrophe naturelle.
Dans ce domaine, il reste encore beaucoup à faire en matière de prévention et de sensibilisation.
«En l’an de grâce 1356 (…), un tremblement de terre frappa la ville de Bâle et ses environs, provoquant la destruction de nombreux édifices, églises, châteaux et la mort de plusieurs personnes (…). Dans la nuit, un incendie se déclara et dura plusieurs jours. Il rasa pratiquement toute la ville au sol(…). Les secousses furent si violentes qu’un seul bâtiment resta debout.»
Voici ce que l’on peut lire dans les comptes-rendus de l’époque à propos du séisme qui avait frappé Bâle. Selon les estimations, l’intensité du tremblement de terre atteignit 6,5 degrés sur l’échelle Richter, le plus fort enregistré durant le dernier millénaire au nord des Alpes. D’après les sources de l’époque, le nombre des morts oscillaient entre 100 et 2000.
Depuis lors, la Suisse n’a plus été touchée par des mouvements telluriques dévastateurs. Et les efforts des autorités se sont surtout concentrés sur la prévention d’autres catastrophes naturelles. Comme, par exemple, les inondations et les éboulements.
«Etant donné que, chez nous, un tremblement de terre est peu probable, on pense souvent que ces choses-là n’arrivent qu’aux autres», affirme Olivier Lateltin, responsable de la centrale pour la coordination des séismes. Un organisme qui a été créé en 1999 par la Confédération.
Un danger sous-estimé
Pourtant, ce sentiment de sécurité dissimule une réalité bien différente: les tremblements de terre sont, en Suisse aussi, les premiers facteurs de risque de catastrophe naturelle.
«Un séisme de moyenne intensité touche la Suisse deux à trois fois par siècle. Chaque 500 à mille ans, on peut s’attendre à un fort tremblement de terre qui peut rayonner sur 100 kilomètres», peut-on lire dans un document de «Planat», la plate-forme nationale des dangers naturels.
Les zones les plus exposées sont le Valais où les plaques africaines et euro-asiatiques se touchent, la région de Bâle et la vallée du Rhin dans le canton de St-Gall. A cet endroit, la croûte terrestre est fracturée. On l’appelle le «fossé rhénan».
Il est vrai qu’en Suisse, la terre ne tremblera probablement jamais aussi violemment qu’au Cachemire, cette région montagneuse qui s’étend entre l’Inde et le Pakistan.
Le sismologue Manfred Baer explique que la Suisse enregistre, bon an mal an, 300 à 400 mouvements telluriques par année, dont une vingtaine seulement sont perçus par la population. La force maximale d’un séisme en Suisse pourrait toucher la magnitude de 7 sur l’échelle de Richter.
Des dégâts considérables
«La plaque du sous-continent indien se déplace vers le nord de presque quatre centimètres par année. Et la plaque africaine d’environ un centimètre», explique Manfred Baer.
Ce mouvement suffirait toutefois à causer des dégâts considérables: «le tremblement de terre qui a secoué le Valais en 1946 était d’une magnitude de 6 degrés. Mais il a provoqué des dommages limités car il s’est abattu sur une vallée au terrain instable où il y avait encore peu de constructions», explique Olivier Lateltin. «Aujourd’hui en revanche un tel séisme ferait de la casse pour au moins un milliard de francs».
A Bâle, un tremblement de terre comme celui de 1356 causerait aujourd’hui environ 60 milliards de francs de dommages et ferait entre 500 et 1000 morts. A titre de comparaison, les récentes inondations qui ont touché la Suisse an août dernier ont occasionné des pertes d’environ deux milliards de francs.
Des lacunes dans la construction anti-sismique
La Suisse n’est pas prête à faire face à de telles situations. Car, d’une part, n’étant pas obligatoires les assurances sont insuffisantes. Et d’autre part, 90% des édifices suisses n’ont pas été construits de manière anti-sismique.
Cette lacune ne concerne pas seulement les bâtiments ‘normaux’ mais aussi les infrastructures plus sensibles. Si les centrales nucléaires et les barrages sont relativement sûrs, on ne peut pas en dire autant des hôpitaux.
Dernièrement par exemple, une aile de l’hôpital d’Olten, dans le canton de Soleure, a dû être totalement reconstruite au lieu d’être rénovée. Car une simple rénovation n’aurait pas garanti une protection significative contre les tremblements de terre.
Depuis l’an 2000, les choses semblent bouger en Susse. Le gouvernement a adopté un programme de huit mesures. Il prévoit notamment d’appliquer les normes anti-sismiques établies par la Société suisse des ingénieurs et architectes (SIA). De telles normes existent depuis 1989 mais elles sont obligatoires uniquement dans les cantons de Bâle-Ville et du Valais ainsi que pour tous les édifices de la Confédération.
Une question de temps
Ces mesures sont relativement simples tout en étant fondamentalement importantes. Elles prévoient par exemple de construire davantage de murs de soutien dans les rez-de-chaussée des immeubles.
De cette manière, les bâtiments pourraient résister à des secousses de magnitude de 6 à 6,5 degrés. Il faudra toutefois encore des décennies pour que de véritables progrès soient réalisés dans ce domaine.
S’agit-il d’un problème d’argent? «Non, il s’agit avant tout d’une question de sensibilisation», conclut Olivier Lateltin. «Car une construction qui respecte les normes de la SIA coûterait seulement 1% de plus!»
swissinfo, Daniele Mariani
Traduction/adaptation de l’italien, Gemma d’Urso
Entre 300 et 400 mouvements telluriques sont enregistrés chaque année en Suisse.
Le dernier tremblement de terre qui a causé quelques dégâts a eu lieu en 1991 dans les Grisons.
En 1356, Bâle a été presque entièrement détruite par un séisme.
Aujourd’hui, on estime qu’un tremblement de terre de la même intensité que celui qui s’est produit à Bâle il y a 649 ans provoquerait entre 500 et 1000 morts et ferait 60 milliards de francs de dégâts.
Environ 90% des bâtiments en Suisse ont été construits avant 1989, date de l’entrée en vigueur des normes anti-sismiques.
– Les experts sont unanimes pour affirmer que le plus grand risque de catastrophes naturelles n’est pas celui des inondations mais celui des tremblements de terre.
– En Suisse, le danger de séisme est considéré comme étant de modéré à moyen. Les cantons du Valais, de Bâle, des Grisons et la région saint-galloise du Rhin sont des régions à risque.
– Un violent tremblement de terre aurait aussi de graves répercussions économiques. En Suisse, l’assurance contre les séismes n’est pas obligatoire. Les propriétaires des édifices qui seraient détruits devraient continuer à payer leurs hypothèques. Et en cas de non-solvabilité, les banques ne récupéreraient rien d’autre que des tas de ruines.
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