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«Il n’y a pas que le DDT pour vaincre la malaria»

Encore utilisé dans les pays du Sud, le DDT ne tue pas que les insectes. MARK EDWARDS/Still Pictures

A Genève, un groupe d’experts a planché sur les progrès accomplis dans l’élimination du DDT dans la lutte contre la malaria. La fondation Biovision, dirigée par l’agronome suisse Hans-Rudolf Herren, a mis au point des méthodes bio et intégrées, qui ont fait leurs preuves au Kenya.

La malaria est la principale cause de morbidité et de mortalité en Afrique. Elle entraîne des pertes estimées à 12 milliards de dollars par an. Au niveau international, elle touche des centaines de milliers de personnes et en tue un million chaque année. Pour lutter contre ce fléau, plusieurs pays africains – une vingtaine dans le monde – utilisent à nouveau le DDT, un insecticide puissant inventé par le Suisse Paul Hermann Müller en 1939 et considéré, dans les années 50, comme un produit miracle contre les insectes porteurs de maladies.

Le problème est que ce produit hautement toxique s’accumule dans les tissus corporels. Il a été lourdement soupçonné d’être cancérigène pour l’être humain, de provoquer des fausses couches, des baisses de fertilité, le diabète et des déficits du développement neuronal et une hécatombe dans le monde animal. Il a fini par être interdit dans la plupart des pays industrialisés dans les années 70.

Mais ces études ont été menées surtout en Europe et en Amérique du Nord, où les taux d’exposition au DDT étaient inférieurs à ceux des pays en développement. Comme elles restent insuffisantes et parfois contradictoires, il peut être difficile d’établir une relation directe de cause à effet entre le DDT et les maladies constatées, si bien que plusieurs fondations, comme la Africa Fighting Malaria, contestent sa nocivité et défendent son utilisation.

Pourtant le DDT commence aussi à montrer ses limites: aussi implacable soit-il, certains moustiques, dont les anophèles, sont devenus résistants à ce spray létal.

«Interdit chez nous, autorisé chez les pauvres»

En raison de son efficacité redoutable et de son coût très abordable, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants en autorise encore l’utilisation dans des cas exceptionnels pour lutter contre les moustiques vecteurs de la malaria. Cette autorisation temporaire, sous contrôle de l’OMS, circonscrit l’utilisation du DDT à l’intérieur des maisons et aux cas où il n’existe pas d’alternatives sans risques et efficaces.

«On a interdit le DDT chez nous, mais on a recommencé à l’utiliser chez les pauvres, alors qu’il existe des alternatives tout aussi efficaces et sans effets secondaires sur l’environnement et l’être humain !» s’insurge Hans-Rudolf Herren. Le célèbre agronome suisse, lauréat du prix mondial de l’alimentation et président de la fondation Biovision, participait en cette fin de semaine à une réunion d’experts à Genève pour mesurer les avancées réalisées depuis deux ans dans l’élimination du DDT, en vue de la conférence des parties à la convention de Stockholm, prévue en avril prochain.

Si des alternatives existent, est-ce par intérêts commerciaux qu’on est revenus au DDT? «Je ne pense pas, affirme le scientifique. L’Inde est le seul pays qui le produit encore, peut-être un peu la Chine et il n’y a donc pas des millions de dollars en jeu. Mais l’industrie chimique veut combattre le règlement contre les pesticides et elle utilise le DDT comme fer de lance.»

Alternatives bio et approche intégrée

Hans-Rudolf Herren propose des alternatives abordables à cette approche chimique tout azimuts. Au Kenya, le centre de recherche Icipe, soutenu par Biovision, a réussi à réduire les cas de paludisme de plus de 50% dans les hauts plateaux et sur la côte et espère, avec le temps, arriver à des taux de 90%.

«Nous avons essayé de démontrer par a + b qu’il n’y a pas besoin du DDT pour lutter contre le paludisme, continue Herren. On utilise des méthodes de lutte intégrée contre les moustiques et de gestion de l’environnement.»

Biovision et Icipe mènent des projets qui touchent 100’000 personnes. La population est informée sur les dangers des moustiques et impliquée dans l’élimination des lieux de reproduction. Une combinaison de différentes mesures – traitement des eaux infestées avec des produits bio comme le Bti non polluant et le Neem, distribution de moustiquaires, prise en charge sérieuse des personnes souffrant du paludisme – montre que le cycle mortel entre le moustique et l’homme peut être brisé.

Hans-Rudolf Herren reconnaît que l’élimination du DDT n’est pas pour demain. «On avance un peu, mais c’est très difficile parce qu’il y a toutes sortes d’enjeux et d’opinions, concède-t-il. Au sein du groupe d’experts on est tous plus ou moins d’accord sur la nécessité de l’éliminer, mais pas sur une échéance précise.»

Agronome suisse, le Dr. Hans-Rudolf Herren a sauvé près de 20 millions d’Africains de la famine dans les années 80 en développant une méthode biologique de lutte contre le mealybug, un insecte qui menaçait la production de manioc. Ceci lui a valu de recevoir le Prix mondial de l’alimentation en 1995.

La fondation Biovision, qu’il a créée en 1998 à Zurich, combat la pauvreté et la famine en Afrique par la recherche sur les techniques biologiques. Biovision soutient l’Icipe, un centre de recherche sis au Kenya, qui a mis au point des méthodes bio pour lutter contre les parasites, les mauvaises herbes et les moustiques porteurs de la malaria.

La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, en vigueur depuis 2004 et à laquelle la Suisse est partie, interdit un certain nombre de substances chimiques très polluantes et restreint très fortement l’utilisation du DDT. Biovision exhorte la Suisse à s’engager fermement pour l’élimination du DDT.

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