Le CERN lance sa quête du Big Bang
Le Grand collisionneur de hadrons (LHC), le plus grand accélérateur de particules au monde, a été mis en route mercredi. Les expériences menées au CERN doivent permettre de mieux connaître les origines de l'univers.
Cette première expérience a fait ces derniers jours les choux gras de la presse suisse et internationale. Les commentateurs y voient l’expérience de tous les superlatifs. «La plus grande expérience du monde débute» titre ainsi le quotidien alémanique. Tages Anzeiger. D’autres, comme Le Temps, relaient les inquiétudes de certains scientifiques.
Après plus de 20 ans de travaux, les physiciens du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) ont injecté ce mercredi à 9 heure 33 un paquet de protons pour la première fois dans l’une des directions de l’anneau souterrain du LHC, long de 27 km. Il s’agit d’une étape décisive dans le lancement d’une machine qui a coûté six milliards de francs.
Les expériences elles-mêmes débuteront d’ici fin 2008, avec les premières collisions de particules. Celles-ci n’interviendront pas avant que les faisceaux, composés de protons ou de ions de plomb, se soient stabilisés à une vitesse approchant celle de la lumière. Des expériences qui devraient permettre de changer la vision du monde et de sa création.
Une fois les premières collisions réalisées, il faudra compter un à deux ans jusqu’aux premières découvertes. Les chercheurs récolteront en effet de gigantesques volumes de données dont l’analyse demandera du temps.
Connaître l’univers
Les expériences menées au CERN doivent permettre aux scientifiques de mieux connaître l’origine de l’univers. Le monde de la physique est aujourd’hui bâti sur la théorie dite du modèle standard. Ce modèle ne représente toutefois pas la connaissance ultime. Trop de questions sont encore ouvertes.
Selon le modèle standard, il existe dans l’univers deux sortes de particules. Les premières permettent d’assembler la matière. On trouve dans cette catégorie les quarks, briques dont sont constitués les protons et les neutrons. Le deuxième groupe propage l’énergie entre les particules.
Les photons sont porteurs de la force électromagnétique. Les bosons transmettent la force faible (qui est à l’origine de l’activité solaire) et les gluons sont les vecteurs de l’interaction forte, qui maintient ensemble les protons dans le noyau des atomes.
En revanche, le modèle standard ne fournit aucune explication pour la gravitation, la quatrième force fondamentale de la nature. Le modèle est ainsi incomplet. Il ne parvient pas non plus à expliquer pourquoi la matière a une masse, ni à percer les mystères de la matière sombre, ni encore à trouver une réponse à l’absence d’antimatière dans l’univers.
Pendant des décennies, les physiciens se sont attelés à compléter le modèle standard ou ont tenté de le remplacer par de nouvelles théories. Parmi eux le Britannique Peter Higgs, qui a postulé l’existence d’une particule supplémentaire, le dénommé boson de Higgs. Ce boson permettrait d’expliquer pourquoi les particules parviennent à leur masse.
Le LHC est la première réalisation qui va permettre de partir à la chasse au boson de Higgs. Pour piéger la particule, les physiciens vont faire se collisionner des milliards de protons ces prochaines années. Les conditions physiques qui régneront lors de ces chocs seront très proches de celles qui existaient lors du Big Bang.
Pas de trou noir
Certains craignent pourtant que le LHC ne soit la machine de la fin du monde. Depuis des semaines, le professeur de biochimie Otto Rössler et ses partisans font la une des journaux avec leurs mises en garde.
Selon eux, les collisions de protons dans le LHC, qui vont recréer sur terre les conditions de l’univers immédiatement après le Big Bang, vont provoquer de minuscules trous noirs. En grandissant, ils absorberaient toute la matière qui les entoure et finiraient par engloutir la planète.
Dans une plainte adressée récemment à la Cour européenne des droits de l’homme, le professeur avait même demandé des mesures provisoires – refusées – interdisant la mise en service du grand accélérateur de particules. Le tribunal devra encore se prononcer sur le fond.
Les spécialistes du CERN, rapports à l’appui, estiment ces affirmations aberrantes. Selon le groupe d’évaluation de la sécurité, «chaque collision d’une paire de protons dans le LHC dégagera une énergie comparable à celle de deux moustiques qui se téléscopent».
Chaque trou noir ainsi produit serait bien plus petit que ceux connus des astrophysiciens. Ils ne pourraient pas se mettre à croître dangereusement, affirment-ils.
swissinfo et les agences
Le projet scientifique le plus cher à ce jour reste le programme Apollo: 135 milliards de dollars pour envoyer des Américains sur la Lune.
Viennent ensuite:
La Station spatiale internationale, 100 milliards.
Le projet Manhattan (première bombe atomique), 25 milliards.
Les satellites GPS et l’ITER, réacteur expérimental de fusion nucléaire (en construction), 14 milliards chacun.
Le télescope spatial Hubble et le LHC, 6 milliards chacun.
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