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Le jour où le solaire décollera…

Keystone Archive

Le photovoltaïque, il en a fait son pain quotidien depuis 30 ans. De son double point de vue d'ingénieur et d'économiste, Jean-Christophe Hadorn est persuadé que cette énergie est promise au plus radieux des avenirs... si la volonté politique est là. Interview.

Cette année, la SES, sa société, a obtenu le Prix solaire suisse. Dans quelques mois, elle inaugurera à Plan-les-Ouates, à deux pas du centre de Genève, une usine high tech qui produira des ardoises solaires, solution élégante pour fabriquer du courant en gardant aux toitures leur aspect traditionnel.

Pour Jean-Christophe Hadorn, les énergies renouvelables détiennent rien moins que «les clés de la sauvegarde de la planète». Fervent adepte du développement durable, antinucléaire viscéral, l’homme est aussi énergique dans ses enthousiasmes que dans ses coups de gueule.

swissinfo: Le photovoltaïque, on en parle depuis 30 ans. Or malgré les progrès techniques, le courant solaire reste nettement plus cher que celui des barrages, des énergies fossiles ou du nucléaire. Pourquoi?

Jean-Christophe Hadorn: D’abord parce que le marché est encore trop petit. Les investissements à la base sont importants, c’est de la recherche fondamentale, des processus physico-chimiques compliqués. Donc, les usines coûtent cher et pour les rentabiliser, il faut produire beaucoup.

D’autre part, l’efficacité des cellules n’est pas optimale, et ça, c’est un problème de recherche. Plus la cellule est efficace et moins cher sera le kWh, parce qu’elle en produira plus pour le même investissement de base. On a certes une bonne amélioration depuis 30 ans, mais on ne peut pas aller plus vite que la recherche.

swissinfo: Donc pour l’instant, c’est aux pouvoirs publics de soutenir cette énergie. Par exemple en rachetant aux particuliers le courant solaire que leur installation produit en trop à un prix subventionné…

J-C H: La Suisse s’est dotée d’une loi qui alloue 320 millions de francs par année aux énergies nouvelles. De cette somme, 16 millions vont au photovoltaïque. Je note au passage que c’est moins que le prix des glissières de sécurité à changer chaque année sur les autoroutes.

Mais bon… ces 16 millions permettraient d’acheter 4 mégawatts de courant. Or, quand on a annoncé aux Suisses qu’ils pouvaient s’inscrire pour revendre leur électricité solaire, ils ont été plus de 5000 à le faire en quelques jours. Et ensemble, ces gens pourraient produire non pas 4, mais 100 mégawatts !

Personnellement, je viens de me voir signifier que mon projet ne serait pas pris en compte. Contingent épuisé. Mais je le ferai quand même. Je revendrai à 15 centimes un courant qui me coûte entre 50 et 90 centimes le kWh. Pour moi, c’est un acte de foi. Mais je comprends aussi fort bien les gens qui vont laisser tomber.

Donc, on voit ici une volonté populaire relativement forte, freinée par une volonté politique trop faible.

swissinfo: Est-ce que cette volonté politique est plus forte ailleurs?

J-C H: L’Allemagne est leader en Europe. Elle a commencé avec ce système de soutien au prix d’achat du courant solaire il y a dix ans déjà.

La France a aussi introduit récemment un tarif d’achat et la Californie le pratique depuis des années, mais son système est moins incitatif que l’allemand, le suisse ou le français. On va voir maintenant ce que va faire la nouvelle administration américaine…

swissinfo: Justement, pas mal de gens attendent de Barack Obama de grands changements, également dans ce domaine…

J-C H: Il a dit qu’il allait mettre 150 milliards dans les énergies renouvelables, alors j’attends de voir. J’aime beaucoup M. Obama, mais je veux voir.

Il ne faut pas oublier que pendant 40 ans, jusqu’aux années 80, ce sont les Américains qui nous ont tiré dans les énergies nouvelles. Sous Carter, le gouvernement finançait un centre de recherches du solaire où travaillaient 700 personnes. Une année après l’arrivée de Reagan – merci les Républicains ! -, ils n’étaient plus que 70…

Les Américains auraient pu faire dominer les énergies nouvelles s’il n’y avait pas eu Reagan et les Bush. Des acteurs ou des bourrés inféodés à des mecs qui s’enrichissent monstrueusement, notamment sur les énergies fossiles, tout cela a mis les Etats-Unis et le monde dans une sacrée panade.

Enfin bref… Avec Obama, je pense que l’intelligence rationnelle revient enfin au pouvoir aux Etats-Unis. Et si les Américains sont de retour à la fois sur la scène de la recherche et sur celle du marché, on va avoir rapidement du photovoltaïque plus efficace et moins cher. Parce que l’Amérique est énorme, et très puissante.

swissinfo: Un monde sans énergies fossiles, ça vous paraît possible?

J-C H: Tout à fait. On n’a aucun problème pour le faire. Seulement, aujourd’hui ça coûte très cher et vous avez des puissances financières monstrueuses qui vous empêchent d’y aller.

Il faut donc atteindre le point où cela va coûter moins cher, et également le moment où les puissances pétrolières, gazières et autres auront moins de pouvoir. Et elles en auront moins.

Au 16e et au 17e siècle, c’était les marchands d’épices, de brocart et de soie qui avaient le pouvoir. Au 20e, c’est les marchands de pétrole qui ont eu le pouvoir. Au 21e, je ne sais pas encore… En ce moment, ce sont plutôt les marchands d’information, mais rien n’est dit, et ce pourrait parfaitement être les marchands de technologie photovoltaïque.

Interview swissinfo: Marc-André Miserez

Antoine Becquerel: le physicien français a découvert l’effet photovoltaïque en 1839.

Les photons, qui sont les minuscules «grains» de lumière émis par le soleil, entrent en collision avec le silicium des cellules solaires, et transmettent leur énergie aux électrons qui génèrent une tension électrique.

On parle de «pourcentage d’efficacité» pour désigner la quantité de rayonnement solaire qui tombe sur la cellule et que l’on arrive à transformer en électricité. Dans les 30 dernières années, on est passé de quelques pourcent à plus de 40% (en laboratoire). La plupart des cellules disponibles dans le commerce ont une efficacité proche de 20%.

Cette énergie est silencieuse, 100% non polluante (pour autant que l’on fasse attention aux filières de fabrication et de recyclage) et un panneau de cellules solaires peut fonctionner pendant 40 ans.

En plus du photovoltaïque, il existe deux autres utilisations de l’énergie solaire, que l’on nomme thermique (production d’eau chaude en faisant circuler de l’eau dans de petits tuyaux intégrés à un panneau noir) et thermodynamique (même principe, mais on utilise la chaleur de l’eau pour faire tourner des turbines).

La Suisse n’a pas développé de filière complète de fabrication de panneaux photovoltaïques, si bien que ceux que l’on y installe viennent d’Allemagne, des Etats-Unis, du Japon ou de Chine.

Il existe malgré tout une industrie du solaire helvétique, avec quelques fabricants de panneaux thermiques, SES et ses ardoises solaires (dont les composantes viennent de l’étranger) et surtout deux entreprises spécialisées dans le sciage des minces couches de silicium: HCT (récemment racheté par les Américains d’Applied Materials, qui détient 25% du marché mondial) et Meyer Burger (coté à la Bourse suisse). Sans oublier Oerlikon Solar, filiale du groupe zurichois, qui fabrique des lignes de production de panneaux solaires qu’elle vend à l’étranger.

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