Le Salon où fleurissent les graines de génie
Genève abrite du 6 au 10 avril le 39ème Salon international des inventions. Un rendez-vous annuel qui suscite chez les inventeurs de tous les pays l’espoir d’une destinée exceptionnelle. Parcours au fil de trouvailles suisses.
Les manchons, ces petits flotteurs gonflables mis aux bras des enfants qui ne savent pas encore nager ou l’aspivenin, cet ustensile de la pharmacie familiale qui aspire le venin en cas de morsure ou de piqûre. Deux inventions qui ont connu leur baptême du feu sous les néons blafards de la grande halle de Palexpo, près de l’aéroport de Genève.
Des idées qui se muent en réussites commerciales. C’est le rêve des 765 exposants qui ont loué pour environ 1500 francs un espace dans ce salon où l’imagination est reine. «Pour les personnes en provenance de pays émergents, l’enjeu est souvent très important. Venir à Genève représente un investissement considérable et s’ils rentrent au pays sans distinction, cela peut être mal perçu», relève Jacques Richard, membre du Jury pour toutes les inventions qui touchent aux sciences techniques.
L’instant est critique, décisif, et la communication importante. Ainsi, les exposants accueillent le visiteur avec des explications rôdées sur les multiples bienfaits de leurs idées. Ici un balai à aimants et plaque métallique pour éviter la fameuse chute lors de l’ouverture de l’armoire (Espagne). Là une machine à peler les crevettes (Italie) pour continuer à savourer ces crustacés sans avoir à se salir les doigts. Ou encore une ceinture lumineuse (Taiwan) avec différents messages, qui permettent au cycliste d’indiquer sa direction ou à l’employé de la circulation d’être mieux signalé. Accessoires, cuisine, bricolage mais aussi sécurité, médecine, mécanique, science. De tous côtés, les idées se dévoilent, plus ou moins complexes, mais toujours avec sérieux.
Désinfecter à l’eau
Dans les allées, pas d’ingénieurs barbus et saugrenus qui pourraient s’assimiler au fantasque Léonard, le fameux personnage de BD en tunique bleue, inventeur extravagant. Mais des savants ordinaires à la recherche de la trouvaille extraordinaire. «Je suis inventeur car je veux apporter quelque chose à l’humanité», relève Hanspeter Steffen. Ce Suisse, ingénieur agronome de formation, peut se targuer de trois participations au salon, récompensées trois fois par des médailles d’or.
Cette année, ce spécialiste de la technologie de l’électrolyse de l’eau présente le «bioclean hydrojet». Un spray désinfectant et nettoyant qui fonctionne avec de l’eau du robinet, un petit sachet de sel et un accu de 24 volts. «Grâce à ces différents éléments, on produit de l’eau oxydative qui permet de détruire les germes des bactéries, les virus ou encore les pourritures. Ce spray ne comporte donc aucune trace de produit chimique et il serait particulièrement efficace pour les hôpitaux ou encore les hôtels, qui doivent utiliser beaucoup de produits nettoyants», souligne l’inventeur.
Ce fervent écologiste, qui compte déjà plusieurs inventions commercialisées, est en attente du brevet pour son produit. Mais il espère que son coût réduit, qu’il estime à environ 400 francs, lui donnera une place de choix sur le marché.
Le caddie à porte coulissante
Si les couloirs du salon hébergent des inventeurs aguerris, il accueille aussi des jeunes talents prometteurs. Marie Guerry et Julia Vaucher, âgées de 21 et 22 ans, ont déposé en mars une demande de brevet pour leur invention. «On a vu une fois une dame qui avait de la peine à soulever ses courses du caddie au coffre de sa voiture. Alors on s’est dit qu’il serait bien d’imaginer un caddie qui s’ouvre à son extrémité, pour pouvoir glisser les courses directement dans le coffre», note Marie.
Le père de la jeune fille, dessinateur, a développé le système de «porte», en le réalisant avec du fil d’électricien. Puis les deux conceptrices se sont ensuite occupées de réaliser le modèle grandeur nature. Respectivement employée dans le secteur logistique chez Swiss Timing (filiale de Swatch Group) et dessinatrice en génie civil, Marie et Julia se sont retrouvées durant quatre mois tous les soirs après leur travail pour développer, assembler et souder leur prototype.
Des jeunes ambitieux
Inventer, mais surtout porter son invention sur le marché, demande du travail et de la volonté. «Le lancement et la protection d’une idée ne représente qu’une toute petite partie du processus. Ensuite, il reste le plus difficile, la fabrication et la commercialisation», relève Jean-Luc Vincent, président du Salon.
L’équipe d’A2RS-Innovation, composée de quatre élèves d’une école privée genevoise, âgés de 14 ans, a déjà bien retenu la leçon. Ces amis qui viennent de recevoir le prix de créativité entrepreneuriale de leur école, d’une valeur de 7500 francs, recherchent déjà comme des pros des partenaires commerciaux. Leur invention ? Un système d’éclairage extérieur écologique, qui fonctionne avec un projecteur et des stations de diffusion équipées de miroirs, à disposer selon les volontés d’éclairage. Avec le réfléchissement de la lumière, une seule ampoule permet d’éclairer une vaste surface.
«On a trouvé l’idée, puis on a demandé de l’aide à notre prof de physique et à des professionnels pour les calculs d’angle. Au début, quand on a parlé de notre projet à nos parents, ils ne nous croyaient pas vraiment. Puis ils se sont rendus compte que ce n’était pas un gag», note l’équipe de jeunes astucieux.
Pour l’instant, ils ne disposent pas de l’argent nécessaire pour construire un prototype. Alors c’est sous la forme d’une maquette que leur invention est présentée. Mais, avec une demande de brevet qui vient d’être déposée, ils comptent bien aller plus loin. Comme le disait déjà Socrate, «rien n’est trop difficile pour la jeunesse.»
1000 inventions. Le 39ème Salon international des inventions réunit 765 exposants de 45 pays. Il présente 1000 inventions inédites dans tous les domaines de l’activité humaine. Il est le plus grand salon mondial consacré à l’innovation. 60’000 visiteurs, dont 55% de professionnels, sont attendus à Genève du 6 au 10 avril 2011.
Prix et contrats. Il regroupe 82% d’entreprises et d’instituts et 18% de privés. Selon le président du Salon, Jean-Luc Vincent, 45% des exposants parviennent à conclure des contrats avec des professionnels durant le Salon. Ceci, pour un montant d’environ 60 millions de francs. Chaque année, un Grand Prix du Salon et 54 prix spéciaux sont attribués à des inventeurs présents au salon.
Inventions inédites. Parmi les exposants, 48% proviennent d’Europe, 47% d’Asie et 5% des autres continents. Seulement 8% des exposants proviennent de Suisse. Les inventions ne peuvent être exposées qu’une seule fois à Genève et elles doivent être protégées par un titre de propriété intellectuelle. Toutes les inventions du salon sont donc inédites.
Nouveauté. Cette année, le salon accueille pour la première fois un pavillon des universités, mis en place sur l’initiative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Le but de ce pavillon, qui réunit 14 universités et centres de recherche de 8 pays, est de «découvrir et encourager les talents des jeunes générations, et de créer une plateforme pour échanger des idées et une expertise». Les 3 meilleures inventions du pavillon seront récompensées par des prix de l’OMPI.
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