Les antibiotiques sont de moins en moins efficaces
Au moins 80 personnes meurent chaque année en Suisse, infectées par des bactéries contre lesquelles les antibiotiques sont devenus sans effet.
Une étude du Fonds national de la recherche montre que ces phénomènes sont de plus en plus nombreux. Les scientifiques demandent la création d’un Centre national de résistance aux antibiotiques.
«Si nous ne prenons pas de mesures, le problème des résistances aux antibiotiques pourrait devenir rapidement une menace importante pour la population», avertit Kathrin Mühlemann professeur à l’Institut des maladies infectieuses de l’Université de Berne et cheffe de projet pour le Programme national de recherche 49.
Dédié aux résistances aux antibiotiques, ce Programme donne ses premiers résultats et ceux-ci ont été livré jeudi à la presse
Selon les scientifiques, le phénomène est responsable chaque année d’un millier d’infections graves, dont au moins 80 mortelles.
Guérison impossible
Plusieurs espèces de bactéries sont en cause, telles les staphylocoques ou les eschericia coli. Elles peuvent entraîner des infections très graves comme des septicémies (empoisonnement du sang) ou des pneumonies. Les thérapies sont alors rendues difficiles voire impossibles, indique le Fonds national.
En milieu hospitalier, des cas apparaissent presque chaque semaine alors qu’il y a à peine dix ans, on n’en relevait guère plus de cinq par année.
Un autre problème est que ces germes, parfois multi-résistants, ne se bornent plus à sévir uniquement à l’hôpital. «Ils peuvent se disséminer sans entrave parmi la population», affirme Kathrin Mühlemann qui précise qu’en Suisse, ces cas sont encore heureusement très rares, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis.
La Suisse a besoin d’un Centre de surveillance
Pour contrer cette hausse des résistances, les chercheurs du Programme 49 préconisent la poursuite de l’actuel système de surveillance SEARCH à travers la création d’un Centre national de résistances aux antibiotiques.
Cet organe devrait non seulement surveiller la situation liée aux résistances et à la consommation d’antibiotiques, mais aussi remplir la fonction de plate-forme d’information et de conseil.
Un tel centre coûterait 700’000 francs par année environ, estiment les chercheurs. L’Office fédéral de la santé publique et l’Université de Berne envisagent d’allouer 250’000 francs par année. 450’000 francs restent donc à trouver.
La situation vétérinaire est encore bonne
S’agissant d’élevage d’animaux de rente, la Suisse jouit aussi d’une situation relativement bonne par rapport à d’autres pays. Aucune multirésistance n’a été observée dans la volaille et seules quelques rares bactéries sont résistantes à des antibiotiques développés récemment.
Les salmonelles quant à elles sont pratiquement absentes de la viande suisse.
Il est toutefois important de continuer à faire reculer l’administration d’antibiotiques aux animaux de rente en améliorant les conditions d’élevage, avertissent les scientifiques.
Ainsi, chaque année, entre un quart et la moitié des vaches suisses doivent être traitées avec des préparations antibiotiques parce qu’elles souffrent d’inflammations des pis.
swissinfo et les agences
En Suisse on trouve des traces d’antibiotiques pratiquement partout. Les chercheurs du Fonds national en ont même décelé dans les nappes phréatiques, mais leur concentration ne présente apparemment pas de danger pour la santé.
Les plus fortes concentrations ont été trouvées dans les eaux usées des hôpitaux. Les scientifiques ont ainsi pu établir un lien entre les concentrations d’antibiotiques et le nombre de bactéries résistantes.
Le Fonds national demande par conséquent que les eaux usées des hôpitaux soient traitées de manière spécifique. D’autant que des traces d’antibiotiques ont également été trouvées dans les lacs et dans les rivières.
L’administration d’antibiotiques aux animaux est problématique, car les bactéries qu’ils peuvent porter risquent de se transmettre à l’homme. Et si celles-ci sont devenues résistantes, les infections qui en découlent deviennent très difficiles, voire impossibles à traiter.
Dans le cadre du Programme 49, 40 à 60% des tests effectués sur des aliments ont permis de trouver certaines bactéries pourvues de gènes de résistance aux antibiotiques. Un résultat très au-dessus de ce que les scientifiques attendaient.
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