Le pionnier de la robotique qui bâtit des ponts
Chercheur de renommée internationale, Francesco Mondada développe des robots mobiles miniatures à l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Avec «Khepera», il a conquis le monde de la science; avec «Thymio», celui de l'éducation.
Ses grands-pères étaient horloger et inspecteur scolaire, respectivement jurassien et tessinois. Le pionnier de la robotique Francesco Mondada a ainsi su allier technologie et précision avec éducation. Il réunit, en outre, les trois grandes régions linguistiques helvétiques. D’origine tessinoise, il vit et travaille à Lausanne. Son épouse et la mère de ses trois enfants est suisse alémanique. Francesco Mondada est assurément un bâtisseur de ponts.
Père de Thymio
De Zurich à Lausanne, nous échangeons via Skype. Bien que nous maîtrisions tous les deux relativement bien les trois langues nationales, nous conversons en anglais, la lingua franca du monde scientifique. Francesco Mondada se trouve dans son bureau de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). En arrière-plan, figurent différents prototypes de robots.
Dans le milieu scolaire suisse, Francesco Mondada est connu comme le «père de Thymio». Le robot éducatif sur roues Thymio, petit boîtier de couleur blanche, est équipé de nombreux capteurs émettant de la lumière. Il dispose également d’un microphone permettant de percevoir des sons.
Le robot peut adopter différents types de comportement. De manière ludique, il permet aux enfants et aux adultes d’explorer l’interaction entre l’humain et la machine et d’acquérir des compétences de base en programmation.
Comment Francesco Mondada s’est-il lancé dans l’intelligence artificielle? «Mon père était professeur en mécanique à l’École des arts et métiers du Tessin et ma mère était la fille d’un horloger qui a quitté le Jura pour ouvrir une fabrique de montres à Domodossola. Mon frère et moi avons donc eu très tôt accès à la technologie et à un atelier à la maison.»
Au début des années 1980, alors qu’il avait 14 ans, Francesco Mondada remporte, dans le cadre d’un concours à San Pellegrino, un ordinateur: un VIC-20Lien externe. Il apprend à l’utiliser avec enthousiasme. Avant même d’entamer ses études à l’EPFL en 1986, il construit un bras de robot piloté par un ordinateur Commodore. «En fait, comme tous les étudiants tessinois, je voulais aller à l’École polytechnique fédérale de Zurich», confie-t-il. Mais, ne s’intéressant pas seulement à l’informatique, il rejoint l’EPFL pour y étudier la microtechnique, une discipline qui comprend la mécanique, Lausanne se trouvant à proximité des fabriques horlogères romandes. L’EPFL s’avère être l’endroit idéal, lui permettant d’étudier à la fois l’informatique et la mécanique.
Un robot jongleur
Le professeur Jean-Daniel Nicoud, pionnier suisse du numérique, devient un mentor. Spécialiste des microprocesseurs, le Vaudois a marqué l’histoire de l’informatiqueLien externe mondiale. Il est l’inventeur de la souris optique et des ordinateurs SmakyLien externe. Dans le Laboratoire de micro-informatique (LAMI) de Jean-Daniel Nicoud, le jeune Francesco s’épanouit.
«Mon premier projet avec Jean-Daniel Nicoud était un robot à six pattes avec seulement cinq moteurs. Mon travail de diplôme reposait sur un robot jongleur qui avait des capteurs visuels et fonctionnait grâce à des réseaux neuronaux», raconte Francesco Mondada. Il achève son doctorat sur les réseaux neuronaux en 1997 et travaille au LAMI jusqu’en 2000.
En préparant son doctorat, Francesco Mondada fonde avec d’autres scientifiques la société K-TeamLien externe qui crée en 1991 le robot KheperaLien externe. Utilisé dans le monde entier, celui-ci ouvre le domaine de la robotique aux chercheurs d’autres disciplines. «L’interdisciplinarité m’intéresse beaucoup. J’apprécie les échanges entre la technologie et les autres disciplines», souligne Francesco Mondada. Le Khepera rencontre un vif intérêt en biologie et en psychologie.
Des robots parmi les poulets, les poissons et les abeilles
Avec les essaims de robots, le comportement social des animaux tels que les fourmis et les abeilles peut être mieux étudié. L’équipe de Francesco Mondada étudie l’interaction animal-robot. Elle a mené une expérience originale, en introduisant un animal artificiel parmi des poulets, des poissons et des abeilles, tentant de se faire accepter par ces derniers. «Notre but est de tester des hypothèses biologiques.» En collaboration avec quatre autres institutions européennes membres du projet ASSISIbfLien externe, les chercheurs ont réussi à faire dialoguer des poissons avec des abeilles.
Francesco Mondada dirige K-Team depuis plusieurs années. Il n’est toutefois pas un homme d’affaires: il reste un chercheur, relève-t-il. «À l’époque, je cherchais un nouveau directeur et me suis congédié», rit-il. Aussi, le robot Thymio est distribué sans but lucratif.
Technologie pédagogique
Francesco Mondada s’est fait un nom dans le milieu scientifique avec Khepera. Plus de 1000 universités à travers le monde utilisent ce robot et plusieurs milliers d’articles scientifiques sont basés sur des expériences y ayant recours. Le professeur continue de publier des articles dans des revues prestigieuses pour conserver sa réputation scientifique. Mais l’éducation lui tient à cœur également.
«Technologie et société sont intrinsèquement liées»
Pourquoi introduire la technologie dans les salles de classe? «À vrai dire, je ne me préoccupe pas des enfants, mais des enseignants. Je veux changer leur perception de la technologie. Celle-ci permet la créativité. Dans les écoles, la technologie permet également de discuter des dangers qu’elle présente», répond Francesco Mondada. «Vous ne pouvez pas simplement la bannir des écoles. Les enseignants doivent pouvoir former des citoyens éduqués et critiques face à la technologie.»
Des électeurs critiques
«La technologie et la société sont intrinsèquement liées. Il ne suffit pas d’introduire l’informatique dans les écoles. Celle-ci doit être associée aux sciences sociales et à la psychologie», note Francesco Mondada. Lequel souligne l’importance de la responsabilité sociale dans un monde de plus en plus technologique. À propos de démocratie numérique, il déclare: «Peu importe que les électeurs votent sur papier ou électroniquement. Le vote électronique ne constitue pas une priorité. L’essentiel est que les électeurs soient critiques.»
Francesco Mondada est un pionnier suisse du numérique. Depuis des décennies, il bâtit avec une passion ludique des ponts entre technologie et société, entre technologie et disciplines non technologiques, rendant ainsi la technologie accessible aux générations futures. Techniquement, il associe ingénierie de précision et informatique. Scientifiquement, il rend la robotique accessible à d’autres disciplines.
Convaincu qu’à l’ère du numérique les jeunes doivent développer dès leur plus jeune âge leur esprit critique face à la technologie, il introduit des robots miniatures dans les salles de classe. Il jette des ponts entre les différentes régions linguistiques de Suisse et dans le monde entier en tant que scientifique.
(Traduction de l’allemand: Zélie Schaller)
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