Comment la Suisse entend atteindre une mobilité verte sur les routes
La barre est placée haut: d'ici 2050, la Suisse devrait être neutre sur le plan climatique. Le trafic est particulièrement mis à contribution. Mais l'objectif peut-il être atteint? Les chercheurs suisses considèrent que c'est possible – sous certaines conditions.
Une Suisse climatiquement neutre d’ici 2050, c’est ce que le gouvernement a promis il y a un an. Cet objectif ambitieux se résume dans le slogan «zéro émission netteLien externe»: d’ici 30 ans, la Suisse ne devrait plus avoir de solde positif en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
À lui seul, le trafic routier est responsable d’environ un tiers des émissions de CO2 en Suisse. Celles-ci avaient un peu diminué au cours des dernières années, mais l’Office fédéral de l’énergie a à nouveau observé une légère augmentationLien externe en 2019. Le Conseil fédéral est cependant convaincu que «les émissions de CO2 dans les domaines des transports, du bâtiment et de l’industrie peuvent être réduites jusqu’à 95% d’ici à 2050 grâce à des technologies connues aujourd’hui et à l’utilisation d’énergies renouvelables», a déclaré récemment la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga.
Oui, mais comment? On connaissait déjà la feuille de route de pour la mobilité électrique 2022Lien externe. Avec elle, la Suisse poursuit l’objectif de faire passer la part des véhicules purement électriques ou hybrides à 15% des nouvelles immatriculations de voitures d’ici 2022. C’est aussi une déclaration d’intention, mais qui ne constitue de loin pas encore une solution.
Forte progression de la flotte électrique
L’espoir repose sur la recherche. Celle-ci est particulièrement avancée en matière de véhicules propulsés à partir de batteries. Ceux-ci sont aujourd’hui mûrs pour affronter le marché: entre 2017 et 2019, le nombre de véhicules purement électriques a pratiquement doublé, passant de 14’500 à 28’700.
La demande est actuellement si importante «que les véhicules peuvent être commandés, mais pas livrés dans la quantité requise», explique Daniel Buchs. Ce dernier est directeur de l’Electromobil Club de SuisseLien externe (ECS), qui vise à aider la mobilité électrique à faire une percée en Suisse. Mais selon lui, la Suisse est encore «loin de ce qui se passe dans le reste de l’Europe».
Le nombre de véhicules électriques utilisés sur nos routes est encore inférieur à un pour cent du total des véhicules. Daniel Buchs, dont l’association participe activement à la feuille de route, estime que la Suisse est encore «loin d’atteindre l’objectif de la feuille de route 2022». À l’ECS, on a souvent l’impression que celle-ci est «simplement de la pure stratégie marketing» pour les différentes entreprises concernées, déplore-t-il.
Daniel Buchs est convaincu qu’il faudrait lever les obstacles juridiques en Suisse pour que les choses avancent plus rapidement. Il voit également un problème dans le fait que la promotion de la mobilité électrique est organisée sur une base fédéraliste. Par exemple, le montant de l’aide varie d’un canton à l’autre, avec parfois des différences considérables. «Il en va de même pour le calcul de l’impôt sur les véhicules pour les voitures électriques», ajoute-t-il.
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L’avis des chercheurs
Responsable du groupe «Drive Concepts» du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EmpaLien externe), Christian Bach est un peu plus confiant. Il part du principe que, pour le trafic, l’objectif «zéro émission nette» pourrait être atteint d’ici 2050. Mais cela demandera des efforts énormes.
«L’énergie du futur est une énergie électrique renouvelable. En fait, il y en a assez», affirme-t-il. Mais l’une des questions qui se posent est de savoir comment utiliser cette énergie pour la mobilité sans maintenir plus longtemps les centrales électriques à combustibles fossiles sur le réseau. Et si beaucoup de gens venaient à utiliser cette électricité, «l’infrastructure devrait être conçue pour faire face aux pics de consommation», explique encore Christian Bach.
Ces pics existent parce que les énergies renouvelables telles que l’énergie solaire et éolienne ne sont souvent pas produites lorsqu’elles sont nécessaires. «C’est pourquoi il faut pouvoir stocker temporairement et convertir l’énergie électrique, et également la transporter», déclare le chercheur.
Mais pour lui, une chose est claire: «à elle seule, la mobilité électrique ne suffit pas». Cependant, il est certainement judicieux de faire maintenant quelque chose pour qu’elle sorte de son marché de niche.
«La réalisation de l’objectif du Conseil fédéral dépend de la rapidité avec laquelle nous disposerons de la bonne stratégie. Or jusqu’à présent, la politique ne l’a pas encore», déclare Konstantinos Boulouchos, directeur de SCCER MobilityLien externe, le centre de compétence pour la recherche sur les transports durables. Et pour cause: le secteur des transports reste, selon lui, le secteur énergétique le plus difficile de tous.
Dans le passé, on a accordé trop peu d’attention au trafic à longue distance en particulier – poids lourds, transport maritime et aérien. «La décarbonisation du trafic longue distance ne sera cependant pas réalisable électriquement avec des batteries, mais devra être réalisée en utilisant des carburants renouvelables. Mais leur production se fera essentiellement à l’étranger et nécessitera des quantités encore plus importantes d’électricité», prédit Konstantinos Boulouchos.
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Aborder le problème sur un front plus large
Ainsi, pour la recherche, tout ne doit pas absolument être électrique. Le groupe de réflexion Avenir Suisse prône également l’ouverture à toutes les technologies. «La mobilité durable dépend moins de la technologie de propulsion que de la source d’énergie d’origine», écrit-il dans une étude récente. En clair: une mobilité avec de l’électricité provenant de sources fossiles n’aide pas à lutter contre le changement climatique. Ce qu’il faut, c’est une énergie propre au début de la chaîne.
On discute actuellement de la question de savoir si l’électricité renouvelable devrait aussi être utilisée pour produire de l’hydrogène et des carburants de synthèse. L’avantage de ces combustibles est de pouvoir être produits lorsque l’énergie électrique provenant d’installations solaires est en surplus, puis d’être ensuite stockés. Mais ils restent aujourd’hui nettement plus chers que les carburants classiques.
Les voitures électriques ont le vent en poupe
Cependant, selon un rapportLien externe de l’Institut Paul Scherrer (IPS), la voiture électrique – même en incluant les coûts de fabrication et la batterie – reste pour l’heure la voiture la plus écologique. Les chercheurs estiment que les véhicules alimentés au gaz naturel synthétique auront probablement réduit l’impact environnemental de la pile à combustible d’ici 2040.
Reste la question de l’énergie grise des batteries. En 2017, une étude suédoise concluait que le bilan écologique des véhicules électriques était mauvais, car la production des batteries entraîne de fortes émissions de CO2. L’étude a entre-temps été mise à jour et montre que la production de batteries lithium-ion est devenue plus respectueuse de l’environnement ces dernières années. Le mix électrique s’avère aussi un facteur décisif pour le bilan écologique.
Toutefois, il n’existe pas encore sur les routes de véhicules électriques n’ayant absolument aucun impact sur l’environnement. Le cobalt nécessaire à la fabrication des batteries lithium-ion est non seulement toxique, mais également rare et cher. «Il est extrait notamment au Congo dans des conditions sociales et écologiques discutables», lit-on dans de rapport de l’IPS.
À l’ISP, la chimiste Sigita Trabesinger fait des recherches pour améliorer le bilan écologique des batteries. «L’objectif est d’augmenter la proportion de nickel et de réduire autant que possible celle de cobalt», déclare-t-elle dans la publication de l’institut. Une plus grande part de nickel présenterait un autre avantage important: l’autonomie des véhicules électriques pourrait encore être augmentée.
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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