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Remplacer le sucre par les édulcorants: bonne ou mauvaise idée?

Femme mettant un édulcorant dans un café
En juillet 2023, l'agence de recherche sur le cancer de l’OMS a classé pour la première fois l’aspartame, un édulcorant très répandu, comme «probablement cancérogène pour l’homme». Lea Paterson / Keystone

L’Organisation mondiale de la santé publie ce vendredi de nouvelles données sur les risques cancérigènes liés à la consommation d’aspartame, l’édulcorant artificiel omniprésent dans les boissons gazeuses hypocaloriques, les sucreries et d’autres aliments transformés. Deux scientifiques suisses testent des alternatives qui pourraient présenter plus d’avantages que de risques.

Tout le monde pensait avoir trouvé une alternative plus saine au sucre: des millions de personnes souffrant de diabète – 500’000 en SuisseLien externe seulement – à celles étant fatiguées de lutter contre la tentation omniprésente du sucre. Nous en sommes venus à compter sur les édulcorants artificiels pour sucrer les aliments et les boissons sans trop affecter notre taux de glycémie ou notre apport calorique quotidien. Au cours de la dernière décennie, l’industrie alimentaire a surfé sur cette vague, en les ajoutant à un nombre toujours croissant de produits. En 2019 déjà, la quantitéLien externe d’édulcorants non nutritifs consommée par personne par rapport à 2007 avait augmenté au niveau mondial de 36% dans les boissons et de 3% dans les aliments emballés.

Mais en mai dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a laissé un goût amer en publiant de nouvelles lignes directrices déconseillant l’utilisation d’édulcorants. En juillet, l’agence de recherche sur le cancer de l’OMS a classé l’aspartame, un édulcorant très répandu, comme «probablement cancérogène pour l’homme» pour la première fois.

Plusieurs études ont suggéré qu’à long terme, les édulcorants provoqueraient ce qu’ils promettent de combattre: l’obésité et les maladies chroniques, dont le diabète. La fiabilité de ces études fait toutefois l’objet de débats. Parallèlement, en Suisse, deux scientifiques mènent des études cliniques sur deux types d’édulcorants qui semblent très prometteurs: l’érythritol et le xylitol.

Une douceur qui sauve les dents

Bettina Wölnerhanssen, médecin à moitié suisse et à moitié norvégienne, se souvient de sa petite enfance en Suède. Depuis les années 1950, ce pays a une tradition appelée Lördagsgodis ou «les bonbons du samedi». «C’était le jour où nous les enfants pouvions manger des bonbons et des friandises», se souvient la scientifique. Les «bonbons du samedi» ont d’abord été une tentative de limiter la consommation de sucre et de réduire ainsi l’incidence de la carie dentaire, qui était très élevée en Suède à l’époque. Puis, dans les années 1970, le xylitol est entré en jeu. Des scientifiques de Finlande avaient découvert que cet alcool de sucre, présent dans certains fruits et légumes, non seulement ne provoquait pas de caries, mais les prévenait.

Un autre alcool de sucre, l’érythritol, était également déjà connu pour son pouvoir sucrant, sa faible teneur en calories et le fait qu’il n’avait pas d’effet négatif sur la santé dentaire. Mais alors que le xylitol était déjà produit et utilisé comme substitut du sucre depuis un certain temps, notamment dans les pays nordiques, l’érythritol n’a été autorisé au commerce qu’en 1990 au Japon. Depuis, plus de soixante pays l’ont approuvé – l’Union européenne ne l’a fait qu’en 2006 – et sa popularité n’a cessé de croître.

Outre le fait qu’il n’apporte pratiquement aucune calorie, l’érythritol présente une meilleure tolérance intestinale que le xylitol. Ces caractéristiques lui permettent de s’adapter facilement à diverses préparations sucrées.

Au fil du temps, les études sur ces alcools de sucre se sont multipliées, démontrantLien externe des effets positifs sur les animaux, tels que des propriétés antidiabétiques et une réduction de la glycémie chez les rats sains et diabétiques. «C’est à ce moment-là que je me suis dit que nous pourrions peut-être montrer si cela se produisait aussi chez l’être humain et par quels mécanismes», explique Bettina Wölnerhanssen. C’est l’objectif de son groupe de recherche à l’hôpital St. Clara de Bâle.

La satiété sans les calories

En Suisse, l’érythritol et le xylitol ne sont apparus sur le marché que ces dernières années. «Notre groupe de recherche est probablement le seul à s’intéresser à ces édulcorants en Suisse», déclare Bettina Wölnerhanssen. Avec sa collègue Anne Christin Meyer-Gerspach, elle s’est fait connaître au niveau international en 2016 en publiant la première recherche sur ces deux substances. Outre l’étude des effets de ces alcools de sucre sur l’insuline et la glycémie, les deux scientifiques se sont penchées sur la libération des hormones de satiété, qui signalent le moment où nous devons arrêter de manger.

Deux chercheuses discutant dans leur bureau
Bettina Wölnerhanssen (à gauche) et Anne Christin Meyer-Gerspach (à droite), dirigent conjointement le groupe de recherche sur les maladies métaboliques de l’hôpital St. Clara de Bâle. Claraspital

En effet, lorsque nous consommons du sucre, les niveaux d’hormones de satiété augmentent: nous nous sentons satisfaits et récompensés, et éprouvons une sensation de «plénitude». Ce n’est pas le cas avec la plupart des édulcorants artificiels. De manière surprenante, les deux scientifiques ont observé pour la première fois sur un petit groupe de personnes que la consommation d’érythritol et de xylitol provoque la libération d’hormones de satiété. «Dans le cerveau, le centre de récompense est stimulé, comme avec le sucre», affirme Anne Christin Meyer-Gerspach.

Cela pourrait aider les personnes obèses, qui produisent moins d’hormones de satiété, à réduire la faim et la prise de poids. Contrairement au sucre, l’érythritol et le xylitol sont très peu caloriques.

Actuellement, les deux scientifiques mènent deux études cliniquesLien externe sur des adultes et des adolescents pour étudier les effets de l’érythritol et du xylitol sur l’assimilation des sucres par l’organisme. Plusieurs étudesLien externe menées ces dernières années ont observé que l’utilisation d’édulcorants artificiels populaires, notamment le sucralose et la saccharine, serait associée à une altération de la flore intestinale. Cela pourrait conduire à une augmentation du taux de sucre dans le sang et donc à un risque accru de développer un diabète et d’autres maladies.

Les résultats préliminaires obtenus par Bettina Wölnerhanssen et Anne Christin Meyer-Gerspach semblent exclure ces effets indésirables dans le cas de l’érythritol et du xylitol. «Jusqu’à présent, nous n’avons détecté aucun impact négatif sur le métabolisme des sucres et la flore intestinale», déclare Bettina Wölnerhanssen.

Les édulcorants alternatifs dans le collimateur

Comme d’autres substituts du sucre, l’érythritol et le xylitol ont également fait l’objet d’études. Récemment, des équipes ont examiné la santé cardiaque de plus de 4000 personnes aux États-Unis et en Europe et ont constaté qu’un taux sanguin élevé d’érythritol était associé à un risque accru de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral. Les résultatsLien externe ont été publiés en février.

Selon Bettina Wölnerhanssen, l’étude apporte des informations importantes, mais laisse de nombreuses questions en suspens. La scientifique estime qu’il est très difficile de prouver une relation de cause à effet directe par le biais d’études dans lesquelles les effets des produits chimiques sont simplement observés sur un groupe de personnes. «Les résultats peuvent être influencés par de trop nombreux facteurs, d’autant plus que l’érythritol est également produit par le corps humain», explique-t-elle.

Pour les mêmes raisons, sa collègue Anne Christin Meyer-Gerspach met en doute la validité des recherches scientifiques selon lesquelles les personnes qui consomment beaucoup d’édulcorants artificiels sont plus susceptibles d’être en surpoids et de souffrir de diabète. «Il n’existe actuellement aucune étude montrant clairement que les édulcorants artificiels sont nocifs», affirme-t-elle.

Des études supplémentaires sont nécessaires

La diatribe sur les effets des édulcorants se poursuit, surtout après que l’OMS a déconseillé leur utilisation. Les organisations représentant les fabricants, telles que l’Association internationale des édulcorants, indiquentLien externe que les recommandations de l’OMS ne sont ni scientifiquement rigoureuses ni fondées sur des preuves solides. En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’a pas pris position sur les recommandations de l’OMS, mais continue de considérer les édulcorants comme «sûrs».

Contenu externe

Magali Rios-Leyvraz, experte en épidémiologie nutritionnelle et auteure principale de l’analyseLien externe sur laquelle l’OMS s’est basée pour son évaluation, souligne dans un courriel que le document analyse les preuves scientifiques les plus récentes (plus de 283 études) disponibles sur ces substances. «Il s’agit de l’étude la plus complète jamais réalisée sur le sujet», écrit-elle. Elle estime toutefois que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer les résultats, notamment en ce qui concerne les effets sur les jeunes et les femmes enceintes.

L’analyse de l’OMS n’inclut pas les alcools de sucre tels que le xylitol et l’érythritol. Magali Rios-Leyvraz estime donc que leurs effets sur la santé devraient faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Bien que conseillant la prudence dans l’évaluation des recherches sur les édulcorants, Bettina Wölnerhanssen affirme qu’il serait illusoire de croire qu’ils n’ont aucun effet sur notre organisme. «Comme tous les produits chimiques, ils ne sont pas inertes», affirme-t-elle. La solution proposée par la scientifique? Boire plus d’eau et moins de boissons sucrées.

Relu et vérifié par Sabrina Weiss et Veronica De Vore; traduit de l’italien par Olivier Pauchard

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