Les multiples bienfaits des étangs
A priori, un étang, ce n’est pas aussi glamour qu’un cours d'eau ou un lac majestueux. Ces petites étendues d’eau n’en sont pas moins indispensables à la biodiversité et à la santé des écosystèmes. En Suisse, les étangs naturels ont beaucoup diminué avec la montée en puissance de l'agriculture.
A 12 kilomètres à l’est de Genève, à l’école d’horticulture de LullierLien externe, l’étang se fond si parfaitement dans le paysage que l’œil le traverse. Comme l’explique Beat OertliLien externe, professeur d’écologie aquatique à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HESSO), cet étang a été stratégiquement placé pour protéger un cours d’eau naturel qui se trouve en contrebas d’un verger de l’école: «Toute l’eau de pluie s’écoule d’abord dans l’étang, où elle est filtrée naturellement. Les recherches montrent que des étangs comme celui-ci peuvent piéger et dégrader environ 70 % des pesticides qui y pénètrent en un an.»
Les étangs suisses à court d’eau. 💧 pic.twitter.com/yFZcVwgzOMLien externe
— Nouvo RTS (@nouvo) October 7, 2017Lien externe
Mais la purification et la filtration de l’eau ne sont qu’un élément d’une longue liste de services rendus par les étangs, tant pour les humains que pour l’environnement. Ces services vont de la prévention des inondations et de l’érosion à l’habitat d’espèces menacées, en passant par l’absorption du dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre.
«Nous avons évalué qu’un étang peut capter autant de carbone qu’une voiture en produit en un an», précise Beat Oertli. Mais le professeur est inquiet. Ces 200 dernières années, 90% des étangs et des petits bassins en Suisse se sont asséchés ou ont été détruits, en grande partie à cause des activités humaines et de l’intensification de l’agriculture.
Réseaux d’étangs
Il est facile de sous-estimer la contribution environnementale des étangs, compte tenu de leur petite taille comparativement aux grandes ressources d’eau douce comme les lacs et les rivières. Mais comme l’explique Beat Oertli, leurs plus grands avantages écologiques découlent de l’ensemble qu’ils forment, chaque petit plan d’eau jouant un rôle clé dans un réseau plus vaste: «Dans une région, si l’on regroupe toute la biodiversité des petits étangs, il y a beaucoup plus d’espèces qu’avec les lacs et les rivières. C’est parce que les étangs sont tous très différents – ils sont comme les humains: on n’en trouve pas deux qui sont identiques.»
Et il n’y a pas que les grenouilles qui aiment les étangs suisses. Ils constituent aussi un habitat essentiel pour une variété de plantes et de poissons, ainsi que pour les castors, les musaraignes, les campagnols, les chauves-souris, les sangsues, les libellules et les pollinisateurs comme les abeilles et les serpents.
Un seul étang est également précieux, surtout en milieu urbain. «Même un étang artificiel au milieu d’une ville peut accueillir la biodiversité naturelle et fournir des services essentiels pour les humains, souligne Beat Oerli qui étudie précisément cette question. Les étangs fournissent de nombreux services pour l’aménagement paysager, la protection contre les inondations, l’éducation des étudiants et des enfants, le piégeage des polluants et l’épuration des eaux qui traversent la ville, sans compter l’irrigation des parcs et des jardins, et même la lutte contre les incendies.»
32’000 étangs
Selon le professeur, il existe aujourd’hui en Suisse quelque 32’000 étangs et petites étendues d’eau d’au moins 100 mètres carrés, soit 100 fois plus que les lacs. Au début du XIXe siècle le nombre d’étangs dépassait les 3 millions. Cette tendance à la baisse est également observée dans d’autres pays urbanisés en Europe et aux Etats-Unis.
Les corridors de transport, l’urbanisation et l’industrialisation jouent tous un rôle dans la diminution du nombre d’étangs, mais on pense que l’agriculture a été le facteur le plus important de ce déclin. D’une part, les étangs sont souvent comblés ou recouverts pour faire place aux terres et aux installations agricoles. Le ruissellement des engrais est un autre facteur: l’excès de nutriments contenus dans les engrais, comme le phosphore, peut conduire à un phénomène appelé eutrophisation, qui provoque une prolifération d’algues et de plantes.
Et même si les étangs sont excellents pour filtrer les pesticides, une contamination excessive par ces produits chimiques peut nuire aux écosystèmes des étangs et les rendre inhospitaliers pour la faune et la flore.
Beat Oertli ajoute que le changement climatique aggravera probablement ces problèmes. Bien que chaque étang finisse par s’assécher dans le cadre de son cycle de vie naturel, le changement climatique peut accélérer ce phénomène, les durées de vie des étangs tendant à être plus courtes dans des conditions plus chaudes et plus riches en nutriments.
Tripler le nombre d’étangs
Beat Oertli plaide en faveur d’une double approche pour améliorer la situation: protéger les étangs restants de la Suisse et en créer de nouveaux. La préservation et la création de zones saines d’habitat et de végétation en bordure des étangs – les zones riveraines – sont également essentielles à ces efforts.
«En Suisse, sur un kilomètre carré, il y a un ou deux étangs. Ce n’est pas suffisant. Nous avons estimé que ce nombre devrait être doublé ou triplé pour maintenir la biodiversité. Le concept de réseaux est très important pour la conservation des étangs: en Suisse, certains étangs sont protégés, mais je pense que nous devons identifier et protéger les autres étangs qui comptent dans ces réseaux.»
Selon Beat Oertli, l’aménagement d’étangs artificiels est relativement simple et peu onéreux. Dans de bonnes conditions, un petit étang peut être construit pour environ 5’000 francs suisses. Même un mini étang d’un mètre carré sur un toit privé peut être un atout écologique.
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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