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Voyage dans le monde de l’infiniment petit

Capsules de mousse libérant leurs spores: ce cliché est la plus grande image jamais prise à l'aide d'un microscope électronique. © Martin Oeggerli

Une forêt d'organismes bruns qui ressemblent à des arbres, sur un fond de ciel orange: une vue de Mars? une scène de Star Trek? Non, il s'agit d'une image de minuscules capsules de mousse photographiée par Martin Oeggerli.

Par le moyen d’un microscope très sophistiqué, le scientifique bâlois prend des photos de l’infiniment petit – une cellule, un grain de pollen – et les transforme en art. Et de l’art qui remporte même des prix.

Le jour, Martin Oeggerli est un biologiste moléculaire de 34 ans qui travaille dans la recherche sur le cancer à l’hôpital universitaire de Bâle.

La nuit, le micronaute – comme il aime se qualifier – s’adonne à la photographie couleur avec un microscope électronique à balayage (SEM).

«C’est comme voler au-dessus d’un sujet», dit Martin Oeggerli en levant l’oeil de son microscope qui lui permet de capter le plus infime détail. Le puissant SEM peut grossir un sujet jusqu’à 500’000 fois. «C’est le contraire d’un astronaute qui va dans l’espace: ici on entre dans le microcosme», explique-t-il.

Science, photographie et art

Sa démarche est un mélange de science, de photographie et d’art. D’abord, Martin Oeggerli choisit un spécimen et le prépare. Puis il en fait une photographie en utilisant le SEM. L’étape suivante consiste à colorer savamment l’image à l’aide de moyens informatiques, en utilisant une technique spéciale qu’il a lui-même mise au point. Jusqu’à cent heures sont nécessaires pour terminer une image.

Les capsules de mousse ont été photographiées juste au moment où elles s’ouvraient, après une période de sécheresse, et libéraient leurs spores. «J’ai essayé de concevoir l’image de manière telle que, en la regardant, on pourrait se croire dans une forêt de mousse», explique Martin Oeggerli.

«Quand on se promène vraiment dans une forêt, nos yeux et notre cerveau mettent les images ensemble et nous obtenons rapidement une impression en trois dimensions. C’est ce que j’ai essayé de reproduire», précise l’artiste.

Colorer le microcosme

Martin Oeggerli essaie d’être fidèle aux couleurs réelles de ses sujets, qu’il étudie attentivement au préalable. Mais parfois, parce qu’il utilise un grossissement très fort, ses sujets deviennent presque transparents, «et là, j’ai ma liberté en tant qu’artiste et je peux choisir les couleurs qui conviennent», dit-il. En réalité, la forêt de mousse était brune, mais le fond orange et les minuscules spores bleues relèvent de sa propre imagination, précise Martin Oeggerli.

Parfois son travail produit des surprises, comme dans le cas de l’aile du papillon aimablement fournie par Herbert, le chat de l’artiste. Grossie 5300 fois, l’aile présente des sortes d’écailles, colorées en bleu dans la photo, et sous ces écailles de petites structures en jaune (voir la galerie de photos).

Curieux, le biologiste a essayé de savoir ce qu’elles étaient et a consulté un expert. «On ne sait pas au juste à quoi elles servent, même l’expert l’ignore. Peut-être servent-elles à diffuser les phéromones, ou bien elles pourraient aussi avoir une fonction aérodynamique», explique Martin Oeggerli.

Spores de champignon

Le biologiste-artiste cherche son inspiration partout. La dernière image qui lui a valu une récompense provient d’une plante trouvée juste derrière sa porte. Elle a surpassé 700 propositions internationales et remporté la première place du «Best Scientific Cover 2008» du prestigieux EMBO Journal (European Molecular Biology Organisation).

«J’ai trouvé cette plante qui était couverte de petits points oranges. J’en ai pris une feuille parce que j’ai pensé que ce serait un sujet parfait pour acquérir davantage d’expérience photographique et pour savoir ce qu’étaient ces points», dit Martin Oeggerli. «Il s’agissait de morceaux de végétaux à l’intérieur desquels il y avait des centaines et des milliers de spores d’un champignon parasite. Ces spores ressemblaient à de petits extraterrestres.»

Mais le biologiste ne se limite pas seulement au monde de la nature. Il se laisse aussi inspirer par son travail scientifique et prévoit d’examiner de plus près les cellules cancéreuses.

Il avait entendu parler du SEM à l’époque de ses études. Mais sa carrière de micronaute a réellement pris son envol après qu’on lui eut demandé de réaliser quelques travaux artistiques pour le rapport annuel d’une entreprise.

Il n’a pas été facile de trouver un microscope puissant. Les SEM sont très spécialisés et chers. Martin Oeggerli a résolu le problème en utilisant celui d’une compagnie scientifique du canton d’Uri, en échange de ses connaissances en biologie.

Le laboratoire de Bâle pour lequel il travaille à 75% l’autorise à utiliser ses installations pour préparer ses spécimens.

Scientifique ou artiste?

Pour le moment, le micronaute – qui a un doctorat en biologie – n’a pas l’intention de se consacrer entièrement à son travail artistique. «La science est très importante aussi, parce que j’y puise beaucoup d’idées… Maintenant cela me convient de vivre dans les deux mondes.»

Parmi les projets qu’il a en tête figurent notamment l’examen attentif des œufs de papillons ainsi que les surfaces des plantes.

Pour ce passionné du monde microscopique, il est fascinant de pouvoir montrer aux gens un autre côté des choses familières, telles que l’œil d’une mouche.

«Je veux aussi rendre les gens conscients de ces magnifiques petites choses qui nous entourent dans le microcosme», dit-il. «Aujourd’hui la nature est en danger. C’est donc important de voir qu’il y a beaucoup de choses étonnantes et que cela vaut la peine de prendre soin de la nature.»


swissinfo, Isobel Leybold-Johnson à Bâle
(traduction de l’anglais: Catherine Vuffray)

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