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Accord historique sur les médicaments génériques

Le Brésil est un grand producteur de médicaments génériques. Keystone

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a adopté définitivement samedi un compromis sur l'accès des pays pauvres aux médicaments.

Interphama salue ce compromis, alors que certaines ONG, dont la Déclaration de Berne, ont des doutes sur sa portée réelle.

Directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi a qualifié d’historique cet accord, obtenu après une semaine de rudes négociations.

Les 146 pays membres du Conseil général ont finalement donné leur feu vert à l’accord de principe conclu jeudi.

Quelques pays avaient encore des réserves sur l’interprétation du texte, mais en fin de compte, elles ont été levées par le président du Conseil général, l’ambassadeur de l’Uruguay Carlos Perez del Castillo.

Les négociations avaient été suspendues vendredi soir, pour reprendre samedi matin au siège de l’OMC à Genève.

Et les délégués réunis depuis mardi ont fait le forcing pour s’entendre avant la conférence ministérielle de l’OMC, qui s’ouvre le 10 septembre à Cancun.

ONG dubitatives

«L’accord permettra aux pays pauvres d’utiliser pleinement la souplesse de la réglementation de l’OMC en matière de propriété intellectuelle afin de traiter les maladies qui ravagent leurs populations», a affirmé Supachai Panitchpakdi.

Il s’est encore félicité du fait que cet accord pourra bénéficier aux pays qui en ont le plus besoin, notamment en Afrique.

Toutefois, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont immédiatement exprimé des doutes sur sa portée pratique.

Médecins sans frontières (MSF), Oxfam et la Déclaration de Berne l’ont estimé trop compliqué dans son application, car imposant des obstacles juridiques, économiques et politiques à la production et à l’exportation de génériques dans le futur.

«La possibilité réelle d’importer des médicaments génériques bon marché est torpillée par toute une série de conditions et de restrictions qui limitent l’utilisation réelle de cet accord», a indiqué à swissinfo Bernard Herold de la Déclaration de Berne.

L’accord institue des contrôles qui permettront à l’OMC d’intervenir en cas d’abus, en clair, un moyen de pression pour les pays industrialisés, ajoutent encore MSF et Oxfam.

La Suisse et l’Industrie satisfaites

La Suisse avait indiqué cette semaine qu’elle approuvait le compromis.

Le responsable du dossier de la propriété intellectuelle à Berne, Felix Addor, avait exprimé sa satisfaction quant à la formulation du nouveau texte.

Du côté d’Interpharma, l’Organisation faîtière des entreprises pharmaceutiques suisses, on est plutôt satisfait du compromis trouvé. Qui d’ailleurs répond à ses inquiétudes.

«Equilibré, il permet de sauvegarder les intérêts de la recherche, tout en offrant aux pays pauvres un meilleur accès aux médicaments essentiels», a déclaré à swissinfo, Thomas Cueni, directeur d’Interpharma.

L’industrie pharmaceutique maintient d’ailleurs que sans protection des brevets, elle ne pourrait continuer d’investir dans la recherche de nouveaux médicaments.

Non à des fins commerciales

Le dossier était bloqué depuis le 16 décembre dernier par les Etats-Unis qui cherchaient à protéger leur industrie pharmaceutique.

Ce qui arrangeait d’ailleurs la Suisse et le Japon qui s’abritaient derrière la position américaines, même si ils faisaient partie des 145 pays qui avaient donné leur aval au texte en décembre.

Les Etats-Unis ont obtenu que ce texte soit précisé par une «déclaration» du président du Conseil général.

Dans cette déclaration, les membres de l’OMC s’engagent à utiliser le système mis en place pour assouplir les accords sur la propriété intellectuelle (accords TRIPS) seulement «de bonne foi», à des fins humanitaires pour aider les pays pauvres et non pour obtenir des avantages commerciaux.

En outre, les médicaments qui bénéficieront de dérogations à la protection offerte par les brevets ne devront pas être détournés vers les pays plus riches.

A cet effet, les Etats-Unis ont obtenu la mise en place de sauvegardes, avec des conditions précises d’étiquetage et d’emballage pour repérer les médicaments exportés ainsi qu’un mécanisme de contrôle au sein du Conseil des TRIPS à Genève.

L’Afrique salue l’accord

Un certain nombre de pays industrialisés et émergents se sont engagés à ne pas utiliser le nouveau système pour importer des médicaments meilleur marché.

Mais, on s’en doute, le fonctionnement de ce compromis complexe ne manquera pas de faire encore parler de lui.

Il n’empêche que les pays les plus demandeurs, les pays africains, ont salué la conclusion de l’accord. Ils y voient une possibilité d’importer des médicaments génériques moins chers pour traiter les maladies les plus graves.

swissinfo et les agences

– Le compromis conclu samedi sur l’accès aux médicaments met fin à près de deux ans de négociations au sein de l’OMC sur un dossier très sensible.

– En novembre 2001, à Doha, l’OMC avait adopté une déclaration sur les accords sur la propriété intellectuelle (accords TRIPS) et la santé publique.

– Cette déclaration, considérée comme un pas en avant y compris par les organisations humanitaires, comportait toutefois une disposition laissée en blanc, qui devait être clarifiée d’ici le 31 décembre 2002.

– Ce paragraphe concernait l’importation de médicaments génériques par les pays sans production pharmaceutique, donc ne pouvant bénéficier des dérogations prévues aux brevets par les accords TRIPS dans le cadre des licences obligatoires.

– En décembre 2002, les Etats-Unis avaient bloqué un texte qui avait obtenu l’aval des 145 autres pays membres de l’OMC, y compris la Suisse.

– L’industrie pharmaceutique américaine avait estimé qu’il n’offrait pas assez de garanties sur l’exportation par les pays fabricants de génériques (Inde, Brésil notamment) de médicaments pour des maladies jugées non prioritaires.

– Ils craignaient aussi le détournement des dérogations prévues en faveur des pays pauvres, donc l’exportation de médicaments moins chers dans les pays plus riches.

– Les Etats-Unis ont donc demandé des garanties qui ont été négociées avec un petit groupe de pays formé du Kenya, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et du Brésil, débloquant ainsi le dossier.

– En échange, les Etats-Unis ont renoncé à préciser une liste de maladies autorisant des dérogations.

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