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Cette fois, la chasse à la comète est lancée

L'atterrisseur Philae devra bien s'accrocher pour se maintenir à la surface de la comète. ESA/AOES Medialab

Clouée au sol en janvier 2003 à cause de l’accident d’Ariane, la sonde Rosetta a finalement décollé mardi matin. Objectif: frôler le nez d’une comète et chatouiller sa surface.

Un lancement suivi avec ferveur à l’Université de Berne, engagée dans la mission.

«C’est un grand soulagement et un immense plaisir. Certains d’entre nous ont consacré dix ans de leur carrière scientifique à travailler sur ces instruments», confie Peter Bochsler, de l’Université de Berne.

Parmi les instruments de mesure embarqués sur le satellite, une partie du spectromètre baptisé Rosina a en effet été conçu ici. Il servira à analyser les poussières et les gaz qui s’échappent de la comète.

Initialement, Rosetta aurait dû décoller en janvier 2003 et viser la comète Virtanen. Mais l’explosion en vol d’une fusée Ariane 5 un mois plus tôt a remis en cause tout le programme du lanceur européen.

Les astronomes de l’ESA ont dû calculer un nouveau plan de vol et fixer un nouveau but à la mission: la comète Churyumov-Gerasimenko.

Mais avant de s’envoler finalement de la base de Kourou en Guyane ce mardi matin à 8 h 17 (heure suisse), le lanceur Ariane 5 a encore subi deux reports de lancement.

Jeudi dernier, c’est le vent qui l’a empêché de décoller, alors que vendredi, c’est un défaut d’isolation qui a obligé les techniciens à rentrer la fusée dans son hangar pour une réparation et un contrôle.

Un gros ballon de rugby

Rosetta est certainement la mission la plus ambitieuse jamais tentée par l’Agence spatiale européenne (ESA).

En 1986, l’Europe spatiale avait déjà stupéfié le monde en envoyant la sonde Giotto frôler la comète de Halley. Mais le vaisseau s’était contenté d’un rapide passage à 600 kilomètres de l’astre, n’offrant aux scientifiques qu’une petite demi-heure d’observation rapprochée.

Avec Rosetta, il devrait en aller tout autrement. La sonde doit se satelliser autour de la comète, pour ensuite l’accompagner plusieurs mois dans sa course à travers l’espace.

Durant cette partie de la mission, le vaisseau spatial frôlera littéralement Churyumov-Gerasimenko, à un kilomètre d’altitude. Ses instruments auront alors tout loisir d’ausculter à fond ce gros ballon de rugby de cinq kilomètres sur trois.

Et c’est durant cette phase que l’ESA tentera ce qui n’a jamais été tenté: atterrir sur une comète.

Glace dure ou neige molle?

Dans le film «Armageddon», Bruce Willis et ses baroudeurs de l’espace se posent avec pertes et fracas à la surface d’une grosse comète qui menace de s’écraser sur la Terre.

La réalité, toutefois, sera bien différente de la fiction hollywoodienne. Avec tout de même un point commun: le caractère hautement périlleux et hasardeux de l’opération.

Atterrir sur un monde inconnu n’est jamais simple. L’ESA vient d’en refaire l’expérience avec Beagle 2, son petit robot perdu à la surface de Mars.

Le cas de la comète est fort différent de celui de la planète rouge. Ici, pas d’entrée dans l’atmosphère, pas de parachutes et pas d’airbags. L’atterrisseur Philae, sorte de grosse araignée à trois pattes d’une centaine de kilos, freinera sa brève descente au moyen d’un petit moteur.

Sitôt touché la surface, il doit s’y arrimer au moyen d’un harpon. La gravité de l’astre est en effet tellement faible que le risque est grand de voir Philae rebondir et se perdre dans l’espace.

L’arrimage jouera donc un rôle vital. Personne ne sait si la surface de la comète est faite de glace dure ou de neige molle. L’ESA a donc doté les pieds de l’atterrisseur de grosses vis qui s’enfonceront dans le sol et d’un second harpon de secours.

Dix ans de voyage pour cinq milliards de kilomètres

Tout ceci doit se dérouler à proximité de l’orbite du Jupiter, à quelque 770 millions de kilomètres de la Terre. Mais pour y arriver, Rosetta empruntera un chemin bien plus long, fait de quatre immenses ellipses concentriques.

Pour acquérir la vitesse nécessaire, le satellite devra se servir de la force de gravité de la Terre et de celle de Mars. Il décrira donc des cercles de plus en plus larges, rebondissant une fois sur l’orbite de la planète rouge et trois fois sur celle de la nôtre.

C’est pourquoi le rendez-vous avec Churyumov-Gerasimenko n’aura lieu qu’en mai 2014, au terme d’un périple de cinq milliards de kilomètres.

La clé des origines

Si tout se passe comme prévu, les scientifiques auront de quoi jubiler. Les comètes passent en effet pour détenir quelques unes des clés des origines des mondes, et même de la vie.

«La palette des découvertes possibles est gigantesque», résume Willy Benz, professeur d’astronomie à l’Université de Berne.

Les comètes contiennent en effet des résidus de la matière originelle à partir de laquelle s’est formé notre système solaire, il y a de cela 4,6 milliards d’années.

On est par ailleurs à peu près certain d’y trouver des molécules complexes faites d’hydrogène, d’azote et de carbone, qui pourraient bien être les briques fondamentales de tout organisme vivant.

«Il y a même une hypothèse qui voudrait que les éléments qui ont contribué à l’apparition de la vie sur Terre soient arrivés du ciel par les comètes», rappelle Willy Benz.

Une hypothèse que le couple Rosetta-Philae doit permettre de tester.

swissinfo, Marc-André Miserez

Le rendez-vous avec la comète Churyumov-Gerasimenko est prévu en mai 2014.
Coût de la mission: 1,05 milliard de francs suisses.
Rosetta tire son nom de la pierre de Rosette, qui a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens.
Par analogie, l’atterrisseur est baptisé Philae, du nom de l’île sur le Nil où un obélisque offrit à Champollion une des clés de lecture de la fameuse pierre.

– Vingt-cinq entreprises suisses sont impliquées dans la mission Rosetta.

– Le spectromètre Rosina, qui va permettre d’analyser les gaz et les poussières qui s’échappent de la comète, a été conçu partiellement par l’Institut de physique de l’Université de Berne.

– La partie mécanique de Rosina vient de chez APCO Technologies à Vevey.

– Le capteur de pression inclus dans Rosina est dû à l’Ecole technique supérieure de Berne et à la firme fribourgeoise Montena EMC.

– En outre, quatorze autres entreprises et écoles helvétiques ont travaillé sur Rosina.

– Sept autres sociétés suisses sont impliquées dans la construction du satellite Rosetta lui-même, du système de positionnement de son antenne à son équipement électrique.

– Les caméras équipant l’atterrisseur Philae viennent de chez Space-X à Neuchâtel, qui avait déjà fourni celles de Beagle 2, actuellement muet à la surface de Mars.

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