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Copenhague: chronique d’un fiasco annoncé

Non contraignant, l'Accord de Copenhague tient sur trois pages. AFP

La plupart des journaux suisses consacrent un commentaire lundi à l’échec du sommet sur le climat de Copenhague, qui, souvent, n’occupe toutefois plus la une. Les éditorialistes analysent le pourquoi de l’échec. Certains trouvent même quelques raisons d’espérer.

«Un sommet vraiment catastrophique», titre le quotidien tessinois Giornale del Popolo, résumant à lui seul le sentiment qui domine dans la presse helvétique lundi, deux jours après la signature à Copenhague d’un accord non contraignant.

En deux semaines de tractations et malgré d’âpres dernières heures de débat, la conférence a en effet accouché d’un texte d’à peine trois pages qui fixe comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à deux degrés par rapport aux niveaux pré-industriels. Sans toutefois décliner le mode d’emploi pour y parvenir.

«Le sommet de Copenhague s’est conclu sur un accord minimal, totalement insuffisant ne serait-ce qu’au regard de l’argent dépensé et des émissions de CO2 engendrées dans le cadre de cette réunion», juge ainsi le Giornale del Popolo.

«Le fiasco dont a accouché Copenhague est patent, affligeant», renchérit sévèrement le quotidien fribourgeois La Liberté. Un constat que partage le journal vaudois 24 heures, lequel qualifie également la rencontre de «fiasco.»

Quant au journal zurichois Neue Zürcher Zeitung(NZZ), il ne parle pas explicitement d’un échec, mais plutôt d’une «tentative ambitieuse» qui a… «clairement échoué». Ainsi, «l’accord présenté après des négociations éreintantes était surtout un moyen de quitter l’un des plus importants sommets mondiaux de tous les temps sans avoir trop visiblement perdu la face.»

Succès «tragique»

Seule voix légèrement discordante, un éditorial commun aux journaux alémaniques Bund et Tages Anzeiger reprend la formule du climatologue allemand Hans Joachim Schellnhuber, lequel a qualifié le sommet de «succès tragique pour la science.»

C’est que, «pour la première fois, la communauté internationale a accepté de prendre en considération le fait qu’un réchauffement critique de 2 degrés pourrait menacer sérieusement l’équilibre de l’écosystème terrestre», rappelle le commentateur. Mais, poursuit-il, tragédie il y a, «car les pays industrialisés et émergents ne sont pas prêts à accélérer le rythme afin de réduire les émissions de CO2.»

Or, regrette la NZZ, «les mesures annoncées jusqu’à l’an 2020 ne suffiront pas à réduire l’augmentation des émissions de CO2.» Conséquence ? «L’humanité va […] au-devant d’un changement climatique plus important qu’attendu et devra en gérer les conséquences», avertit Le Temps.

Les causes de l’échec

Si tous les quotidiens déplorent l’échec de la conférence danoise, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ses causes. «Il y a tout d’abord la méthode onusienne qui a montré ses limites. Ce sommet n’a véritablement commencé que le dernier jour, avant de se terminer dans la confusion», note à ce propos 24 heures.

Le Temps lui aussi pointe un doigt accusateur sur les limites du système onusien, qui, en raison de «l’émiettement du pouvoir politique», «éprouve une énorme peine à passer du discours à l’action.»

Mais le journal romand met également en évidence une autre cause susceptible d’expliquer le fiasco enregistré à Copenhague, à savoir «l’inégalité profonde régnant dans le monde». Car «entre les peuples riches, intéressés par l’avenir à long terme de l’humanité, et les peuples pauvres, obsédés par leur développement immédiat, il y a un abîme», estime le commentateur.

Et de plaider pour une nouvelle forme de représentation. «A côté du G20, qui a le défaut de ne rassembler que les grandes puissances économiques, il y a la place pour un autre cénacle qui serait plus représentatif de l’ensemble de l’humanité mais ne tomberait pas pour autant dans le piège de l’atomisation», écrit-il.

Notes d’optimisme

Une «‘gouvernance mondiale’ qui n’est pas pour demain», estime de son côté La Liberté, qui relève que ce sommet a révélé de profondes lignes de fracture. «Jamais, peut-être, depuis la fin de la guerre froide, l’impression d’assister à la reconstitution de ‘blocs’ s’entrechoquant n’a été aussi spectaculaire.»

Le Corriere del Ticino lui aussi souligne que Copenhague a vu s’affronter deux visions du monde et du destin de l’humanité: une vision «progressiste», incarnée par l’Union européenne et quelques pays émergents comme le Brésil, et une vision «conservatrice», représentée par la coalition inédite entre la Chine et les Etats-Unis.

A l’heure d’évaluer la «dimension pédagogique de l’échec», comme invite à le faire La Liberté, quelques notes d’espoir résonnent cependant dans le Bund et le Tages Anzeiger. Et cet espoir passera par l’économie, selon l’éditorialiste.

«Copenhague a aussi montré un autre visage, fait-il observer. Des solutions concrètes y ont été présentées, lesquelles représentent non seulement un espoir pour l’avenir du climat, mais aussi un potentiel de développement pour l’économie. […] Car les pays et les industries qui se consacrent aujourd’hui à la protection du climat seront les vainqueurs de demain.»

swissinfo.ch, Carole Wälti

Après deux semaines de négociations, le document de Copenhague de trois pages fixe comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C par rapport à la période préindustrielle.

Sur la question clé du financement de l’adaptation au défi climatique, il prévoit la création d’un fonds spécial – 30 milliards de dollars sur les trois prochaines années (la Suisse fait partie des pays qui s’engagent) pour arriver à 100 milliards de dollars par an dès 2020, destinés aux pays les plus vulnérables.

L’accord prévoit que les pays industrialisés et les pays en développement affirmeront par écrit d’ici janvier leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre. Il évoque aussi une architecture garantissant la transparence de leur mise en œuvre. L’objectif de 50% de réduction des émissions d’ici 2050 est abandonné.

La conclusion d’un accord complet juridiquement contraignant est renvoyée à fin 2010, probablement lors de la conférence de Mexico. Entre temps, une conférence intermédiaire pourrait avoir lieu à Bonn, en Allemagne.

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