Des médicaments génériques pour les pays pauvres
Les pays pauvres doivent pouvoir importer des médicaments génériques pour lutter contre le sida, la malaria et la tuberculose.
A Sydney, les ministres de 25 pays membres de l’OMC ont suivi sur ce point la position de la Suisse et celle les Etats-Unis.
«Aider les populations qui en ont besoin d’accéder aux médicaments, tout en assurant en même temps le respect de la propriété intellectuelle.»
Telle est la position que Pascal Couchepin, ministre suisse de l’économie, est venu défendre à la «mini-minstérielle» de Sydney, qui s’est achevé vendredi.
Lancé lors du Sommet de Doha l’an dernier, le cycle de négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les médicaments doit en principe aboutir à un accord avant la fin de l’année.
C’est donc pour aplanir certaines divergences que l’Australie a convoqué 25 ministres (dont 18 des pays développés) pour deux jours à Sydney.
Commerce Sud-Sud
Un des enjeux majeurs de ces discussions est d’accorder aux pays qui n’ont pas les moyens de fabriquer eux-mêmes des médicaments génériques le droit de les acheter à d’autres pays mieux lotis.
Des nations comme le Brésil ou l’Inde ont en effet déjà une industrie pharmaceutique bien développée, même si elle est essentiellement axée sur les génériques.
Par «génériques», on entend des médicaments dont la formule n’est plus protégée par un brevet. Ces préparations sont généralement bon marché, car les firmes qui les produisent peuvent s’épargner les frais de recherche et de développement.
Une gifle pour les pays du Sud
Tel qu’il semble se dessiner à l’issue de la réunion de Sydney, le compromis libéraliserait donc ce commerce entre pays pauvres, mais seulement pour les médicaments destinés à lutter contre trois maladies mortelles: le sida, la malaria et la tuberculose.
De quoi décevoir François Meinenberg, de la Déclaration de Berne, une organisation qui s’engage pour un commerce Nord-Sud plus équitable.
«La position défendue par la Suisse et les Etats-Unis a fini par l’emporter, constate-t-il. C’est une gifle pour les pays du Sud, qui attendaient un accord bien plus large.»
Un pas dans la bonne direction
Plus nuancé, Bernard Hirschel, chef de l’unité VIH / sida à l’Hôpital universitaire de Genève salue le fait que l’on discute enfin de l’approvisionnement en médicaments des pays qui n’ont pas les moyens de les acheter au Nord.
«On vient de faire un pas vers la reconnaissance de quelque chose qui est de toute façon inévitable, et qui dans certains cas existe déjà», se réjouit le professeur genevois.
Actuellement toutefois, les règles admises par l’OMC n’autorisent les pays en voie de développement à s’approvisionner en génériques qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs.
Des enjeux énormes
Les enjeux économiques, on s’en doute, sont énormes. Et il n’est pas étonnant de voir les pays où l’industrie pharmaceutique est très puissante – comme la Suisse et les Etats-Unis – essayer de protéger leurs entreprises.
En Suisse, Novartis est déjà bien actif dans le secteur des génériques, où il a réalisé 7% de ses 32 milliards de francs de chiffre d’affaires en 2001. Et le géant bâlois est en discussions pour racheter Lek, une marque slovène qui ne fait que du générique.
«Pour nous, cela reste malgré tout un petit business, tempère Felix Raeber, porte-parole de Novartis. D’ailleurs, 90% de nos génériques sont fabriqués en Autriche.»
La peur de l’invasion
Pour la chimie bâloise, l’enjeu majeur ne serait donc pas le commerce de génériques entre pays pauvres, mais bien le risque de voir les marchés du Nord envahis par des génériques fabriqués au Sud.
Aux craintes exprimées dans ce domaine par Felix Raeber répondent celles d’Horst Kramer, porte-parole de Roche, qui affirme que cette invasion a déjà commencé.
«Le développement d’un nouveau médicament coûte très cher, rappelle Horst Kramer. Si nous voulons continuer à faire de la recherche, nous avons besoin d’un retour sur investissement. Il est donc vital pour nous d’éviter l’importation de génériques sur nos marchés.»
Rivaux mais complémentaires
Une analyse que ne conteste pas Daniel Berman, de la section suisse de Médecins sans frontières. Selon lui, les malades du Sud ont autant besoin des multinationales de la pharmacie que des fabricants locaux de génériques.
«Nous ne résoudrons pas le problème du sida en Afrique uniquement avec des génériques, ni uniquement avec Roche ou Novartis. Nous avons impérativement besoin des deux», admet Daniel Berman.
swissinfo/Marc-André Miserez avec Stéphane Hiscock à Sydney
-Une réunion informelle de deux jours réunit à Sydney 25 ministres de l’économie et du commerce, dont le Suisse Pascal Couchepin.
-Les participants espèrent que l’OMC arrive à un accord sur le commerce des médicaments d’ici à la fin de l’année.
-Les règles actuellement en vigueur limitent l’accès des pays en voie de développement aux médicaments génériques importés.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.