Des mondes nouveaux par millions
L’étude des planètes orbitant autour d’étoiles lointaines sera le champ de recherche majeur de l’astronomie du 21ème siècle.
Michel Mayor en est convaincu. Avec ses collègues de l’Observatoire de Genève, il avait découvert il y sept ans le premier de ces mondes nouveaux.
Invité cette semaine dans le cadre de la Journée de la Science 2002 à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Michel Mayor est venu apporter les dernières nouvelles de la grande quête des exoplanètes.
Depuis la découverte historique de l’astronome vaudois et de son collègue Didier Queloz, des équipes du monde entier identifient pratiquement chaque mois de nouvelles planètes. A ce jour, les observatoires en ont recensé plus de cent.
«Après l’étude de notre système solaire, celle des étoiles et la découverte des galaxies lointaines au siècle dernier, les exoplanètes seront LE sujet pour les astronomes de ce siècle. C’est un sujet en or», s’enthousiasme Michel Mayor.
Des mondes de cauchemar
Pourtant, les planètes découvertes à ce jour sont de véritables mondes de cauchemar. Ainsi, la première d’entre elles est une énorme boule de gaz, tournant si près de l’étoile Pégase 51 qu’une «année» n’y dure pas plus de quatre jours.
D’une taille équivalent à la moitié de celle de Jupiter, cette planète sans surface solide est chauffée à des températures telles que le moindre astronef qui voudrait s’en approcher serait instantanément vaporisé par la chaleur de l’étoile.
Et à parcourir le catalogue des exoplanètes dans son état actuel, on remarque vite que tous ces mondes ressemblent plus ou moins à celui découvert en 1995 par l’équipe de l’observatoire de Genève.
Les géantes d’abord
Ceci ne doit pas surprendre. Vu leur distance, les exoplanètes sont hors de portée de nos télescopes actuels.
C’est donc uniquement en calculant les perturbations qu’elles induisent dans la trajectoire des étoiles autour desquelles elles tournent que l’on parvient à déceler leur existence.
Dans ces conditions, il est normal que l’on ne parvienne pour l’heure qu’à identifier les planètes les plus massives. Mais les autres ne perdent rien pour attendre.
«Dans les prochaines années, les Français, les Européens et les Américains se préparent à lancer trois nouveaux télescopes spatiaux, voués uniquement à la quête des exoplanètes», explique Michel Mayor.
Beaucoup de patience, et un peu de chance
Ces engins scruteront pendant des années la même portion du ciel, dans l’espoir de «voir» passer une planète devant son étoile.
«Lorsque l’on dit que l’on va voir passer des planètes, c’est une image, précise Michel Mayor. En fait, on se contentera de mesurer une variation dans la luminosité de l’étoile.»
L’opération nécessitera un peu de chance. En effet, pour qu’un tel transit soit observable, il faudra que l’orbite de la planète en question ait exactement l’inclinaison qui la rende visible par le télescope.
A la recherche d’une jumelle de la Terre
Cette surveillance intensive devrait permettre de déceler des planètes bien plus petites que les mastodontes identifiés jusque-là. Soit des mondes qui ressemblent peu ou prou à notre Terre.
Et pour la suite, Américains et Européens planchent déjà sur des télescopes plus puissants, qui permettront carrément de photographier ces petites planètes.
«Ces images nous permettront notamment d’analyser la composition de leur atmosphère», se réjouit Michel Mayor. Ce qui fournira évidemment de précieuses indications sur la possibilité que certaines exoplanètes puissent ou non abriter une forme de vie.
Aussi nombreuses que des grains de sable
Même si elle n’en est pas encore là, la science des exoplanètes a déjà accompli en quelques années des bonds de géants. Ainsi, les astronomes sont désormais à peu près acquis à l’idée que l’immense majorité des étoiles ont des planètes en orbite autour d’elles.
Pour s’en convaincre, il n’ont eu qu’à braquer leurs télescopes sur la nébuleuse d’Orion, une des plus belles «pouponnières d’étoiles» de l’espace proche. En analysant les longueurs d’onde de la lumière émise par ces gros nuages, on sait en déterminer assez précisément la composition chimique.
Or il se trouve que les jeunes étoiles sont entourées d’un disque de poussière où abondent le silicium, le carbone, l’azote et l’oxygène, éléments de base dont sont faites aussi bien la roche terrestre que la matière vivante.
«Pour moi, les planètes sont une sorte de sous-produit de la formation des étoiles», en conclut Michel Mayor.
Une hypothèse vieille comme la pensée
Toutefois, en déduire que la vie abonde dans l’univers «ne relève pas encore du domaine de la science», tempère l’astronome. Même s’il rappelle que l’hypothèse en a été émise par une série de penseurs, depuis… Epicure, au 3ème siècle avant Jésus Christ.
Malgré cela, s’il est avéré que chaque étoile ou presque a des planètes, les 400 milliards d’étoiles recensées dans notre seule galaxie laissent statistiquement pas mal de possibilités de rencontrer des mondes offrant des conditions favorables à l’éclosion de la vie.
Sans même parler des milliards d’autres galaxies qui peuplent l’immensité de l’univers.
Garder les yeux ouverts
«Personnellement, je me sens très à l’aise avec l’idée que la vie est une sorte de sous-produit obligatoire de l’évolution de l’univers», admet malgré tout Michel Mayor.
«Mais pour l’heure, nous n’avons la preuve formelle de son existence que sur Terre, tempère aussitôt l’astronome. Alors, le seul moyen de savoir, ce sera de regarder…»
swissinfo/Marc-André Miserez
Parti des confins du système solaire, un rayon de lumière qui voyage à 300 000 km/seconde met cinq heures pour nous parvenir
Le même rayon mettra quatre ans et deux mois à atteindre l’étoile la plus proche
Pour traverser la Voie Lactée (notre galaxie) de bord à bord, il lui faudra 100 000 ans
La Voie Lactée compte 400 milliards d’étoiles
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