En Suisse, Genève est souvent à l’avant-garde
En discutant de l'introduction d'un contrat conjugal pour les couples non mariés, les députés genevois démontrent une fois de plus le rôle de laboratoire social joué par leur canton. Deux historiens donnent leur point de vue sur cette spécificité.
De nombreux exemples illustrent le rôle pionnier joué par Genève. A côté du PACS genevois, les députés du bout du lac sont également le premier de Suisse à discuter d’un projet de loi sur la médiation pénale. Un processus de conciliation recommandé par le Conseil de l’Europe en 1999. Récemment, le Grand Conseil a voté en faveur d’une assurance maternité refusée par le peuple suisse en juin 1999.
En remontant dans le temps, on constate que Genève a été l’un des premiers canton à donner le droit de vote aux femmes. L’historien et député radical Bernard Lescaze relève également qu’au 19ème siècle, Genève a été le premier canton à abolir la peine de mort. Alors que dans le reste de la Suisse, elle n’a été abolie qu’un siècle plus tard.
«Vers 1820, Genève a même été à l’avant-garde mondiale en construisant un pénitencier ménageant un cadre de vie moderne pour les prisonniers», rappelle Bernard Lescaze.
Pour l’écologiste David Hiler, également historien, cette image de pionnier remonte au 18ème siècle: «Certains estiment que les troubles politiques qu’a connu Genève étaient annonciateurs de la révolution française. Mais on oublie que les révolutions démocratiques qui ont agité la Suisse au début du 19ème siècle ont atteint Genève vingt ans plus tard».
Bernard Lescaze tient également à nuancer ce rôle de pionnier joué par Genève: «c’est une avant-garde toute relative qui ne vaut que pour la Suisse. En réalité, les Genevois sont plutôt des suiveurs et des copieurs de ce qui se fait ailleurs en Europe».
Reste que les deux historiens estiment que leur canton a bel et bien une fibre sociale. A cela, plusieurs explications: pour Bernard Lescaze, les Genevois ont une tradition d’accueil des défavorisés qui remonte au moins à la Renaissance.
Ce faisant, Genève a depuis longtemps connu une forte présence étrangère qui a amené dans ses bagages les idées et les débats qui agitaient le reste de l’Europe.
Une réalité qui est toujours d’actualité. «Il y a beaucoup plus de députés naturalisés suisses ou d’origine étrangère que dans les autres cantons», souligne David Hiler. Les deux députés relèvent naturellement la présence des organisations internationales et humanitaires dont les thèmes ne manquent pas d’influencer le débat politique genevois.
L’influence française joue également un rôle déterminant, selon David Hiler: «Genève vit une relation non conflictuelle avec le grand voisin français, ce qui n’est pas le cas de la Suisse alémanique avec l’Allemagne». En outre, beaucoup de Français habitent ou travaillent à Genève.
Enfin, Genève assume pleinement son caractère urbain et libéral, contrairement à d’autres cantons encore influencés par la culture paysanne.
En bonne partie avéré, ce rôle pionnier nourrit un sentiment identitaire très marqué. Cette forme de nationalisme genevois que David Hiler qualifie d’un peu ridicule est d’ailleurs célébrée avec ferveur chaque mois de novembre lors de la fête de l’escalade.
Frédéric Burnand
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