En ville, en trottinette, en bus plutôt qu’en auto
Une centaine de communes suisses se sont associées mercredi à la traditionnelle journée sans voiture à laquelle participaient plus d’un millier de villes, européennes surtout.
Cette action vise avant tout à sensibiliser les automobilistes dans des cités de plus en plus congestionnées par le trafic.
Lancée en 1998 par la ville de La Rochelle en France, la journée sans voiture gagne le reste de l’Europe dès l’année suivante. But de l’opération: promouvoir une «mobilité intelligente» par une série de mesures librement consenties.
En Suisse, dès 1999, Genève joue les pionniers en organisant cette action de sensibilisation. Aujourd’hui, la plupart des villes suisses participent à cette opération.
Rien qu’en Suisse romande, une cinquantaine de communes, dont les 26 de la région lausannoise, mettent sur pied des actions de sensibilisation.
Les plus engagées proposent même une semaine consacrée à la mobilité, comme à Genève. Les autres se limtent à une journée d’action. Dans tous les cas, les alternatives à la voiture sont mises en valeur.
Ainsi, Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds proposent une réduction du prix des billets dans les transports publics. A Genève, l’ensemble du réseau est accessible gratuitement. Tandis qu’à Zurich, un parcours «Slow up» et un symposium sur la «mobilité des handicapés» complètent le programme.
Le risque de l’alibi
«Ces ‘journées sans voiture’ permettent de sensibiliser la population aux enjeux de la mobilité. En ce sens, elles sont très utiles», juge le directeur du Laboratoire de sociologie urbaine (EPFL) à Lausanne.
«Les citoyens, poursuit Vincent Kaufmann, peuvent ainsi mieux comprendre les mesures prises dans le cadre des politiques de transport.»
«Mais, lance-t-il en guise de bémol, ces journées présentent également un risque. Elles pourraient donner bonne conscience aux autorités, sans que celles-ci engagent une politique de fond dans ce domaine.»
Des chiffres éloquents
Car les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’Office fédéral de l’énergie cite l’exemple des pendulaires, au centre, cette année, de la campagne de sensibilisation.
En 2000, leur proportion s’élevait à près de 58 % des personnes actives contre 17 % en 1950. Résultat: la plupart des villes sont, aujourd’hui, congestionnée par le trafic automobile.
«Il faudrait drastiquement limiter la circulation des voitures en ville. Et ce durant toute l’année», juge Noëlle Petitdemange.
«On ne peut espérer, en Suisse, des villes sans voiture. Mais les autorités pourraient prendre des mesures pour limiter ce trafic», ajoute le porte-parole de l’Association transports et environnement.
Des mesures cosmétiques
Mais, selon Vincent Kaufmann, on en est encore loin. «La plupart des villes tentent de gérer les problèmes de trafic. Mais peu d’entre elles les maîtrisent vraiment.»
Avant d’asséner: «Tout le monde est d’accord qu’il y a trop de voitures en ville. Mais les autorités se bornent le plus souvent à des mesures cosmétiques».
Il faut dire que les acteurs du lobby automobile restent puissants, à l’instar du Touring Club Suisse (TCS).
«Nous saluons cette manifestation, affirme son porte-parole. Mais nous nous opposons à des mesures coercitives en faveur d’un seul moyen de transport.»
«Il ne faudrait pas non plus que cette campagne de sensibilisation prépare le terrain à l’imposition de journées sans voitures», ajoute Joël Grandjean.
Avant de préciser: «Le TCS prône le développement de tous les moyens de transports et soutient les politiques qui jouent sur leur complémentarité».
De fait, la plupart des responsables municipaux ont adopté ce genre d’approche pragmatique et incitative.
Mobilité croissante
Reste à savoir si cette option est durable. Le directeur du Laboratoire de sociologie urbaine (EPFL) à Lausanne en doute.
«Jusqu’au milieu des années 90, la mobilité des gens était stable, soit 3 à 4 déplacements par jour durant une heure. Mais depuis lors, elle ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, on compte 4 à 5 déplacements par jour pour une durée d’une heure et demi.»
Selon l’expert, plusieurs causes expliquent ce phénomène, à commencer par la taille toujours plus grande des agglomérations.
«Contrairement aux années 70, affirme-t-il, le déplacement n’est plus vécu comme un temps mort. Il est donc plus facilement accepté.»
Et Vincent Kaufmann d’ajouter en guise de conclusion: «Aujourd’hui, les gens sont amené à accepter un emploi loin de leur lieu d’habitation. Mais comme les contrats sont souvent précaires, ils préfèrent faire la navette, plutôt que de déménager».
Les campagnes «Une journée sans ma voiture» sont donc promises à un bel avenir.
swissinfo avec les agences
– C’est La Rochelle en France qui organise en 1998 la première «journée sans ma voiture».
– En Europe, plus d’un millier de villes participent à cette manifestation qui s’allonge en «semaine de la mobilité».
– En Amérique, seule la ville de Montréal suit cette journée d’action, de même qu’une vingtaine de villes au Brésil.
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