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«Il faut écouter les citoyens»

En rejetant de justesse l'initiative de l'Union démocratique du centre sur l'asile, les Suisses sont clairs.

C’est l’avis d’Uli Windisch, professeur de sociologie à l’université de Genève et auteur de: «Suisses-immigrés: 40 ans de débats». Interview.

swissinfo: Quelle est votre analyse des résultats très serrés de dimanche?

Uli Windisch: On sous-estime complètement les préoccupations des citoyens. On ne peut plus continuer à dire que les gens réagissent émotionnellement et que l’on se trouve face à un mouvement de xénophobie ou de racisme quand vous avez plus d’un million de personnes qui votent ainsi.

Il faut maintenant réellement écouter ces citoyens qui réagissent à des situations vécues dans la vie de tous les jours.

Le message du peuple suisse aux autorité est clair selon vous?

U. W.: On ne peut pas être plus clair! Un message aussi massif, surtout lorsqu’on pense que la campagne a été quasi unanimement menée contre cette initiative.

C’est d’autant plus grave qu’on voit une espèce de spirale du silence se développer. C’est-à-dire que les gens qui souhaitent plus de fermeté n’osent plus s’exprimer parce qu’on les considère comme politiquement incorrects, voire indignes.

Résultat, ils s’expriment dans les urnes. Si on ne comprend pas le message après cela, la situation est encore plus grave que ce que l’on pourrait imaginer.

Vous qui avez étudié les relations entre Suisses et immigrés durant les quarante dernières années, comment voyez-vous l’évolution de ces relations?

U. W.: En matière d’asile, l’évolution est totale. En prenant un peu de recul, on comprend mieux la gravité de ce qui se passe maintenant.

Pendant les années 50-60, nous recevions des réfugiés des pays de l’Est. Ils fuyaient le communisme et le totalitarisme et étaient attirés par la liberté et la démocratie. A ce moment-là, l’image en Suisse de ces gens – et de l’asile – était très positive.

Aujourd’hui, l’image même de l’asile est devenue très négative. Le mot ‘asile’ est synonyme de ‘miséreux’ de toutes sortes, mais il n’est plus associé à une personne menacée dans sa vie pour ses idées ou sa religion. Il faut donc redéfinir la notion d’asile et traiter différemment la misère économique.

La population a besoin aujourd’hui d’un message clair. Je suis convaincu que 80% des Suisses sont favorables à l’accueil de gens qui en ont vraiment besoin mais qu’ils ne peuvent pas tolérer ce qu’ils voient. Par exemple, à Genève, les chiffres officiels indiquent qu’il y a eu 400 requérants d’asile impliqués dans le trafic de drogue.

Que pensez-vous de la révision de la loi sur l’asile sur laquelle travaille actuellement le Parlement? Par exemple, le principe de l’Etat tiers ‘sûr’ pourrait apporter une solution?

U. W.: De nouveau, on fait là une erreur en disant que le Conseil fédéral va dans de plus en plus dans le sens de l’Union démocratique du centre (UDC), qu’il est de plus en plus xénophobe et raciste.

Je pense que les autorités sont conscientes des réalités. Elles savent que ce n’est pas facile de remettre de l’ordre dans ce domaine. C’est un travail très difficile, mais il faut un discours très clair, volontaire et déterminé.

swissinfo/Propos recueillis par Olivier Pauchard

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