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«Je n’ai jamais pensé en termes de pouvoir»

Gabrielle Kaufmann-Kohler enseigne aussi à l'Université de Genève. François Grobet

Gabrielle Kaufmann-Kohler, spécialiste en droit international et en arbitrage, a été élue au conseil d'administration d'UBS. Une première.

Sur sa propre situation, sur la question des quotas, sur la notion de pouvoir, la juriste romande répond aux questions de swissinfo.

swissinfo: Quel était votre sentiment le 19 avril lors de votre élection?

Gabrielle Kaufmann-Kohler: Je suis fière d’avoir été choisie par une institution qui est un des fleurons de notre économie. Je suis fière aussi d’être la première femme au conseil d’administration d’UBS après la fusion. Pas tant pour moi, mais parce que cela ouvre, j’espère, la voie à d’autres. J’ai aussi pleinement conscience du travail et des responsabilités que cette élection comporte.

swissinfo: N’avez-vous pas peur d’être une femme-alibi…

G. K.-K.: Je n’ai pas l’impression d’être une femme-alibi, ni de l’avoir jamais été. J’ai toujours essayé de faire mon travail au plus près de ma conscience et au mieux de mes compétences, sans considération de genre.

swissinfo: …ou une femme-otage? Car la question du genre revient sans cesse sur le tapis, j’imagine.

G. K.-K.: C’est vrai. Et c’est un peu attristant, car si cette question est posée systématiquement, c’est que ce n’est pas ‘normal’ que des femmes accèdent à des postes à responsabilité. Heureusement, les choses changent, mais il faut aller encore plus loin dans le changement.

swissinfo: Certains experts disent que les hommes pensent hiérarchie et les femmes relations humaines.

G. K.-K.: Oui, il y a en effet des études sur ces différences. Je ne peux pas dire que je les ai observées dans la réalité. Je vois des personnes compétentes et d’autres qui le sont moins, homme ou femmes. Mais il est vrai que j’ai peu ou pas eu l’occasion de travailler avec des femmes à des postes à responsabilité.

swissinfo: Que pensez-vous apporter à UBS?

G. K.-K.: Trois choses, essentiellement. Mon indépendance, tout d’abord. L’indépendance est essentielle en matière de gouvernance d’entreprise.

Ensuite, j’apporte une perspective juridique. Je suis la seule juriste du conseil d’UBS. Or le droit est omniprésent et une vision juridique me semble indispensable.

Enfin, j’apporte une certaine diversité en tant que juriste, en tant que romande et en tant que femme. Et la diversité au sein d’un conseil d’administration est importante.

swissinfo: Que pensez-vous des quotas féminins?

G. K.-K.: C’est un sujet difficile. Je comprends que certains puissent penser que c’est là une solution nécessaire temporairement. Les quotas rigides me laissent sceptique, car ils peuvent être contre-productifs.

Je crois plus aux quotas ‘flexibles’. C’est-à-dire qu’à compétences égales, on donne la préférence à la femme. Mais plus que les quotas, ce qui importe, c’est de donner aux femmes les moyens d’acquérir les compétences et l’expérience pour accéder à des postes à responsabilité.

swissinfo: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes à des postes-clef?

G. K.-K.: Il y a les données biologiques – les femmes mettent des enfants au monde – qui ne facilitent pas les carrières. Il y a aussi l’appréhension des femmes elles-mêmes, qui manquent de confiance en leurs propres capacités. Si vous ne croyez pas en vous, vous ne pouvez pas attendre des autres qu’ils croient en vous.

Et puis, il y a aussi les mentalités et la structure encore assez traditionnelle de la société. Au niveau pratique, tant l’Etat que les entreprises peuvent prendre des mesures, aménagement d’horaires flexibles, travail à distance, etc. Restent les mentalités, qui évoluent, lentement mais sûrement.

swissinfo: Aimez-vous le pouvoir?

G. K.-K.: Je suis passionnée par le travail que je fais, j’y trouve beaucoup d’intérêt et de motivation, mais je n’y ai jamais réfléchi en termes de pouvoir. Et bien je vais essayer d’y penser! (rire)

Interview swissinfo, Isabelle Eichenberger

– Gabrielle Kaufmann-Kohler, 54 ans, a grandi à Bâle dans une famille francophone et est mère de trois enfants.

– Associée depuis 1996 au cabinet d’affaires Schellenberg-Wittmer, cette avocate est aussi professeure de droit international à l’Université de Genève.

– Elle est membre du barreau de New York depuis 1981 et a acquis une renommée mondiale dans l’arbitrage international.

– Elle a participé à la création de la chambre d’arbitrage des JO qu’elle a présidée à 3 reprises entre 1996 et 2000.

– Depuis 2004, elle est membre de la commission d’arbitrage de la 32e Coupe de l’America.

– Le 19 avril 2006, elle a été élue au conseil d’administration d’UBS.

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