L’enseignement sous le feu des coupes budgétaires
A fin août, les enfants reprennent l'école en Suisse. Mais ce n’est pas la rentrée pour tout le monde. A Zurich, 64 enseignants ne retrouveront pas leur classe pour cause de licenciement.
Dans tout le pays, les enseignants sont soumis à une double pression: la chute de la natalité et les difficultés financières des cantons.
Il n’y a pas si longtemps, la Suisse était confrontée à une pénurie d’enseignants. Il a parfois fallu recourir à des professeurs étrangers, voire même à du personnel insuffisamment formé.
Depuis, la situation a changé. Les comptes de nombreux cantons s’inscrivant en rouge vif, différentes Directions de l’instruction publique ont dû accepter une diminution de leur budget.
Zurich touché de plein fouet
Pour économiser, certains cantons appliquent des recettes très simples: davantage d’élèves par classe et diminution du personnel enseignant.
C’est à Zurich que la coupe est la plus sombre. Pas moins de 64 enseignants n’y ont pas retrouvé leur classe à la rentrée, pour cause de licenciement.
Au total, les autorités ont supprimé 211 postes de travail. Les trois-quarts de ces postes ont toutefois pu être supprimés grâce aux fluctuations naturelles du personnel, par exemple les départs à la retraite.
Cette tendance devrait se poursuivre. Zurich prévoit en effet de supprimer un total de 350 postes dans l’enseignement d’ici 2007.
Des licenciements sont également prévus pour la rentrée en Argovie, où 40 postes à plein-temps seront supprimés dans l’enseignement de la couture dans le primaire.
A Bâle-Ville, six millions de francs seront économisés pour la rentrée 2005, ce qui correspond à 50 postes à plein temps. Mais pas de licenciements en vue: les suppressions se feront en ne remplaçant pas les professeurs partant à la retraite.
Pas de licenciements en Suisse latine
La Suisse latine est également confrontée à une baisse des budgets. Mais pour le moment, cette situation n’a pas donné lieu à des licenciements.
C’est dans les cantons de Vaud et de Genève que les coupes sont les plus sombres. Rigueur budgétaire oblige, les enseignants du secondaire genevois n’ont obtenu que 22,5 nouveaux postes pour accueillir un millier d’élèves supplémentaires.
Vaud est également confronté à des coupes et à une augmentation des élèves au niveau secondaire. Mais là non plus, la suppression de postes n’est pas à l’ordre du jour.
Il n’empêche que la diminution des budgets se fait quand même sentir. «Dans le canton de Vaud, il y a un nombre effarant de gens au statut précaire, qui ne sont pas nommés pour différentes raisons», déclare Georges Pasquier, vice-président du Syndicat des enseignants romands (SER).
Dans le Jura, la rentrée est marquée par l’ouverture de sept nouvelles classes avec, pour corollaire, une augmentation du nombre de poste d’enseignants. Mais ce n’est qu’une mesure transitoire dans un canton touché de plein fouet par la dénatalité – 675 naissances en 2003!
Il est en effet prévu que l’école jurassienne économise 13 millions de francs en quatre ans. Mais le gouvernement a dû ajourner l’entrée en vigueur de ce plan en raison de problèmes d’ordre juridique. Les difficiles négociations sur les mesures d’économies reprendront à l’automne avec les milieux enseignants.
Dans les autres cantons romands, rien n’est prévu pour cette année, mais différents projets de restrictions n’y sont pas encore enterrés «Nous sommes très inquiets par rapport aux budgets 2005», confie Georges Pasquier.
La Suisse italienne, enfin, n’a pas connu non plus de licenciements. Mais les enseignants ont dû y augmenter leur pensum.
Compter avec l’évolution démographique
Les coupes budgétaires ne sont pas les seules responsables de cette situation. L’évolution démographique est également en cause.
Le nombre des naissances en Suisse est en chute libre. «Or, le nombre d’élèves dans les classes primaires dépend directement de l’évolution démographique», souligne Laurent Gaillard, de l’Office fédéral de la statistique (OFS).
Au niveau secondaire, la situation est un peu différente. Le nombre d’élèves devrait continuer d’augmenter légèrement jusqu’en 2008.
Le canton de Neuchâtel illustre cette double tendance. Cette année, on y compte treize classes primaires de moins qu’en 2003. En revanche, au niveau secondaire, la taille des classes a été revue à la hausse et deux nouvelles ont même dû être créées.
Il n’en reste pas moins qu’après 2008, la tendance sera à la baisse dans le secondaire comme dans le primaire. L’OFS estime qu’en 2012, la Suisse comptera au total quelque 95’000 élèves de moins qu’en 2002, soit une diminution de 10%.
Il est clair que le nombre de postes d’enseignement devra être revu à la baisse. Sous la double pression de la diminution des budgets et de la démographie, cette baisse des effectifs semble d’ores et déjà amorcées.
Baisse de la qualité
Mais pour le secondaire, la baisse du nombre d’enseignants vient peut-être trop vite, vu que l’effectif des élèves continue pour l’heure de croître.
Les associations d’enseignants s’émeuvent de cette situation. Pour elles, s’occuper de plus d’élèves avec moins de moyens débouchera nécessairement sur une diminution de la qualité de l’enseignement.
Il s’ensuivra une «perte très nette de performance dans les écoles au détriment des jeunes», prédit Marco Polli, de l’Union du corps enseignant secondaire genevois (UCESG).
«On ne se rendra compte de la baisse de niveau que dans quatre ou cinq ans», ajoute de son côté Philippe Chervet, président de la Fédération des associations de maîtres du Cycle d’orientation (FAMCO) de Genève.
Les enseignants entendent réagir. Le SER a annoncé son intention d’organiser pour la première fois une journée d’action romande. Les diverses associations cantonales seront libres de déterminer la forme que revêtira cette journée qui devrait en principe se tenir le 23 septembre.
swissinfo et les agences
Le nombre d’élèves devrait fondre d’ici 2012.
La diminution atteindrait 95’000 élèves pour la période 2002-2012, soit 10% des effectifs.
En Suisse orientale, cela pourrait atteindre 20%!
La baisse a déjà commencé dans le primaire et sera perceptible dès 2008 dans le secondaire.
Cette situation est due à une baisse de la natalité entamée depuis 1992.
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