L’UDC, héritière d’une vieille tradition xénophobe
Depuis 1991, la peur de l'immigration n'est plus l'obsession des seuls partis d'extrême-droite. L'Union démocratique du centre a récupéré la thématique et s'impose comme leader du populisme helvétique.
C’est la conclusion d’une étude publiée mardi par le Fonds national de la recherche scientifique (FNS), la première à s’intéresser à l’influence de la droite populiste sur la politique migratoire de la Suisse.
A travers ses méthodes, l’UDC a pris le relais des partis qui, dès les années 1960 ont imposé le thème de l’immigration dans le débat politique, conclut l’étude du FNS, publiée mardi.
Inscrit dans le programme «Extrémisme de droite – causes et contre-mesures» lancé en 2003 par le gouvernement, ce travail porte sur la période allant de 1960 à 2006. Il est dû à un historien de l’Université de Fribourg et à un politologue de celle de Neuchâtel
Les auteurs qualifient l’Action nationale (devenue les Démocrates suisses), Vigilance, le Mouvement républicain suisse et l’Union démocratique fédérale (1961-1979), puis le Parti des automobilistes et la Lega (1979-1991) de pionniers en la matière.
Mais si ces partis sont toujours restés ultra-minoritaires (à l’exception de la Lega au Tessin), c’est l’UDC qui a donné dès 1991 au populisme de droite un statut de force politique incontournable. Et ceci, comme le souligne l’étude, grâce à une bonne organisation, à des ressources financières importantes et à la cohésion interne du parti.
La professionnalisation des structures, l’uniformisation des campagnes et la force d’un vrai leader ont permis à l’UDC d’atteindre «une cohésion nationale exceptionnelle pour la Suisse», écrit le FNS.
La chasse aux «abus»
Le parti n’a pas seulement stigmatisé l’immigration comme source de problèmes, il a aussi mis l’accent sur les différences culturelles entre population autochtone et groupes d’immigrés.
Et l’étude de citer en exemple l’arrivée et l’intégration de personnes de religion musulmane, thèmes que l’UDC a repris pour prôner l’exclusion des immigrés de «culture étrangère.»
Les auteurs montrent par ailleurs comment l’UDC a exploité la métaphore de l’«abus» et imposé la figure du demandeur d’asile vivant sur le dos du contribuable.
L’étude évoque aussi la manière dont l’UDC a empêché en 2004 la naturalisation facilitée des étrangers de 2e et 3e générations, au cours d’une campagne référendaire où le parti était pratiquement le seul à prôner le «non».
Idéologie de l’exclusion
De façon plus générale, l’étude montre que les partis populistes offrent une image anti-pluraliste et réductrice de la société, composée de deux groupes antagonistes: un peuple juste et une élite malhonnête.
Ces formations cultivent en outre une «idéologie de l’exclusion», basée sur les «différences naturelles entre êtres humains» et intégrant des «éléments nationalistes et xénophobes.»
Le populisme s’est renforcé dans la majorité des pays d’Europe occidentale durant les dix dernières années et nombre de publication leur ont déjà été consacrées. L’étude présentée par le FNS est toutefois la première qui décrit l’influence de la droite populiste sur la politique migratoire de la Suisse.
swissinfo et les agences
L’étude de l’historien Damir Skenderovic (Fribourg) et du politologue Gianni D’Amato (Neuchâtel) est la première à examiner l’influence de la droite populiste sur la politique migratoire de la Suisse.
Elle s’inscrit dans le Programme national de recherche 40+, «Extrémisme de droite – causes et contre-mesures», lancé par le gouvernement en 2003 afin de comprendre les conditions d’origine, les formes d’expression, les caractéristiques de propagation et les conséquences des attitudes et activités d’extrême droite en Suisse.
Ses résultats doivent servir de fondements pour des stratégies d’avenir dans la gestion de l’extrémisme de droite aux niveaux communal, cantonal et fédéral.
Le jour même de la sortie de l’étude sur le populisme et la politique migratoire, l’UDC tire à boulets rouges sur le FNS. A l’occasion d’une conférence de presse du parti sur les finances fédérales, le député Theophil Pfister a qualifié l’institution de «self-service des réseaux de copinage politico-scientifique».
Selon lui, «on s’y attribue des mandats dont l’utilité pratique passe au second plan par rapport aux intentions politiques plus ou moins dissimulées des mandants ou des mandataires». Par conséquent, l’Etat «doit cesser de soutenir de manière unilatérale et sans justification réelle des universitaires avec l’argent des contribuables».
L’UDC exigera désormais que le soutien public à la recherche soit «limité aux projets satisfaisant à des exigences minimales en termes de rapport coût/utilité», a indiqué Theophil Pfister.
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