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La forêt suisse souffre, mais ne meurt pas

La forêt est nettement plus résistante que ce qu’on avait pu croire voici quinze ans. Keystone

Nos forêts sont malades comme elles ne l'ont probablement jamais été. En Suisse pratiquement un arbre sur trois présente une défoliation de plus de 25%. A l'occasion de la journée mondiale de la forêt, retour sur un rapport alarmant passé presque inaperçu.

«Il y a longtemps que la forêt suisse ne meurt plus dans les journaux», notait le 16 janvier dernier l’éditorialiste du Tages Anzeiger. Quelques comptes-rendus en Suisse alémanique, presque rien en Suisse romande: le dernier inventaire Sanasilva est passé pratiquement inaperçu. A croire que les médias se désintéressent désormais d’un phénomène qui faisait régulièrement la une dans les années 80.

Plus étonnant encore, parmi les grandes organisations écologistes du pays, seul le WWF Suisse s’est fendu d’un communiqué. Moins de vingt lignes pour rappeler que même si on ne sait pas encore précisément de quoi la forêt est malade, il y a lieu de poursuivre les efforts en vue de réduire la pollution atmosphérique. Autrement dit, appliquer le fameux principe de précaution, d’ailleurs inscrit dans la Loi sur la protection de l’environnement.

«Nous pouvons nous estimer heureux d’avoir eu quand même quelque écho, tempère Mathias Dobbertin, de l’Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), chargé des inventaires Sanasilva. Dans les années précédentes, où pratiquement rien ne changeait, on en parlait encore moins».

Sur la période 99-2000 en effet, l’état de santé de la forêt s’est dégradé rapidement, ce qui n’était plus arrivé depuis 1995. Aujourd’hui, 29,4% des arbres surveillés ont une couronne dégarnie à plus de 25%.

Ce chiffre – qui n’était que de 19% dans l’inventaire précédent – représente les défoliations pour lesquelles aucune cause évidente – comme la grêle ou une invasion d’insectes – n’a pu être décelée. Même le passage de l’ouragan Lothar ne suffit pas, et de loin, à expliquer cette progression

«Cette évolution n’est pas dramatique, mais nous la prenons très au sérieux, explique Jean Combe, responsable romand de l’Institut WSL. Cependant, nous ne sommes toujours pas en mesure de donner une ou plusieurs causes précises à ces défoliations que nous n’observons que depuis quinze ans. On pourrait le faire à long terme, mais hélas pour un forestier, le long terme, c’est 80 à 250 ans».

Egalement adepte du principe de précaution, Jean Combe est évidemment très favorable à toute mesure qui pourrait réduire la pollution de l’air. Il est clair en effet que le smog, les pluies acides et l’acidification des sols ne font pas de bien aux arbres.

Mais malgré cela, on s’aperçoit aujourd’hui que la forêt est nettement plus résistante que ce qu’on avait pu croire voici quinze ans.

«Le végétal possède une capacité bien supérieure à l’animal pour s’adapter à un environnement changeant, note Evelyn Kamber, spécialiste des forêts à Pro Natura. Nous avons peut-être été trop alarmistes dans les années 80 en annonçant la mort des forêts. Et comme cela n’est pas arrivé, les gens ont tendance à croire que le problème est réglé».

«Aujourd’hui, les spécialistes parlent de défoliation des arbres, et non plus de dépérissement», confirme Jean Combe. Si l’on regarde les inventaires Sanasilva depuis la première édition en 1985 en effet, on remarque que le nombre d’arbres morts dans l’année est toujours resté plus ou moins constant, à 1 sur 400, valeur considérée comme normale en comparaison internationale.

«La mort des forêts n’a pas eu lieu, mais la maladie des forêts est bien réelle, conclut Michel Chevallier, porte-parole du WWF Suisse. Et une forêt affaiblie résistera moins bien à l’érosion des sols ou aux fortes intempéries. Il est donc du devoir de chacun de s’en soucier. Les autorités font ce qu’elle peuvent, mais je regrette par exemple que le peuple suisse ait refusé en septembre 99 la taxe sur le CO2, qui aurait marqué le début de la sortie des énergies fossiles».

S’il est une chose qui semble faire l’unanimité parmi les spécialistes de la forêt, c’est donc bien le principe de précaution. Lequel enjoint de ne pas attendre la confirmation absolue de la nocivité des polluants avant de commencer à en diminuer les émissions.

Marc-André Miserez

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