La Suisse à l’heure du papy-boom
L’ONU a décrété le 1er octobre Journée mondiale des personnes âgées. En Suisse aussi, le vieillissement de la population constitue un défi majeur.
Les aînés sont en train de s’imposer comme acteurs majeurs dans l’édification de la société de demain.
Lors de la création de l’assurance – vieillesse et survivants (AVS), en 1948, la Suisse comptait 9,7 cotisants pour un rentier. En 2001, elle enregistrait 2,4 cotisants pour un retraité.
Selon les scénarios les plus vraisemblables, on ne prévoit plus que 2 cotisants pour un retraité en 2020. Certains experts avancent même la proportion de 1,6 cotisant pour 1 retraité en 2030.
Ces chiffres ont le mérite d’être clairs. Ils mettent en évidence un fait incontournable : la société a profondément changé en quelques décennies. A l’instar de tous les pays riches, la Suisse va être prochainement confrontée à un déséquilibre démographique.
Les enfants nés du baby-boom des années cinquante seront bientôt à la retraite. Pesant ainsi lourdement sur les systèmes des assurances sociales.
Une situation qui relance de façon aiguë la question du contrat réglant le partage entre les générations.
Un débat politique polarisé
De fait, à l’heure où l’économie patine et où les caisses de retraite ont de la peine à encaisser la chute des bourses, le débat est toujours plus polarisé. Et cela se perçoit sur la scène politique.
Ainsi, la Droite avance des propositions insistant sur la nécessité de baisser les dépenses sociales. Comme par exemple l’augmentation de l’âge donnant droit à la rente, la hausse des cotisations ou la baisse les rentes.
La Gauche, elle, crie au démantèlement social. Affirmant que l’avenir des assurances sociales est influencé par la croissance économique plus que par l’évolution démographique. Elle exige avant tout la mise en œuvre de mesures visant à stimuler l’économe.
«En matière d’assurances sociales, les pronostics du Département fédéral de l’intérieur se fondent sur une augmentation de 31% du Produit Intérieur Brut (PIB) ces 30 prochaines années », souligne Pierre Gilliand, démographe, professeur honoraire à l’université de Lausanne.
«Or les prévisions économiques de l’Union Européenne (UE) tablent, elles, sur une croissance de 71%.»
En clair, une meilleure croissance économique augmenterait aussi la masse salariale et par conséquent les cotisations versées à l’AVS et au 2e pilier. Et mettrait le système à l’abri de tous les danger.
Encourager le travail des personnes âgées
L’activité des personnes âgées contribuerait, elle aussi, à alléger les coûts sociaux du vieillissement de la population.
«Il faut développer des mesures actives sur le marché du travail pour éviter que les employés les plus âgés ne soient contraints au chômage de longue durée ou à l’assurance invalidité », rappelle Philippe Wanner, démographe à l’Institut pour l’étude des migrations et de la population.
Et l’intéressé d’appeler de ses vœux la mise en œuvre d’une véritable retraite flexible «qui ne profite pas uniquement aux personnes les plus aisées».
«Un système de retraite anticipée doit notamment être prévu pour les métiers les plus pénibles», insiste Philippe Wanner. Et cela, afin d’éviter la paupérisation des travailleurs les plus fragiles – ceux qui risquent de percevoir une rente de vieillesse amputée faute d’avoir cotisé assez longtemps.
Mais encore faut-il stimuler l’intérêt des entreprises pour les travailleurs les plus âgés. L’Union patronale a déjà lancé un plaidoyer pour la flexibilisation de la retraite et l’embauche des seniors. Pour autant que l’on parvienne à instaurer des systèmes salariaux et sociaux qui ne renchérissent pas le coût des salariés en fonction des années.
Enfin, tous les acteurs mettent l’accent sur la formation continue afin de permettre aux travailleurs les plus âgés de rester dans la course.
La natalité une option incontournable
Tous les remèdes propres à assainir le financement des assurances sociales ne rééquilibreront pas à eux seuls la pyramide des âges.
«Le vieillissement de la population répond à la logique de notre société», affirme Philippe Wanner. «Progrès de la médecine et recul de la misère ont doublé l’espérance de vie en cent ans. Mais, pendant la même période, le taux des naissances a également baissé de moitié.»
De fait, aujourd’hui, une femme sur cinq n’a pas d’enfant. Seule une universitaire sur trois devient mère de famille. Et un tiers des couples vit sans progéniture.
«Un enfant coût cher, rappelle Pierre Gilliand. Pour ne pas décourager la natalité, il est urgent d’élaborer une véritable stratégie en faveur des familles.»
Pour le démographe, la réflexion doit en outre porter sur la meilleure façon de concilier la vie active et professionnelle des femmes.
La nouvelle loi sur les crèches, l’assurance maternité de 14 semaines pour les femmes exerçant une activité professionnelle, l’éventuel paquet d’allègements fiscaux au niveau fédéral sont autant de mesure qui vont dans la bonne direction.
«Mais il faut, dit-il, aller encore plus loin si l’on entend influencer la natalité», souligne le démographe.
L’immigration une chance à saisir
Pour combler la diminution du nombre d’actifs et alimenter les caisses de retraites certains misent sur l’augmentation de l’immigration. Mais à l’avenir la Suisse ne pourra plus compter sur les travailleurs de l’UE. Ses voisins sont, eux aussi, confrontés à la question du déséquilibre démographique.
L’économie suisse devra donc se satisfaire d’une main d’œuvre venant de pays toujours plus lointains. Pour ce faire, affirme Pierre Gilliand, elle devra notamment régler la question de l’intégration des cultures étrangères et vaincre les résistances de la population.
Une société vieillissante mais active
De fait, le vieillissement de la population impose une véritable métamorphose des structures de nos sociétés.
«Durant sa jeunesse, la génération du baby-boom a déjà modifié le système éducatif ou encore le marché du travail, rappelle Philippe Wanner. On peut s’attendre à ce qu’elle continue d’influencer très largement l’évolution de la société.»
En clair, fort de leur poids démographique, les retraités ne manqueront pas de faire entendre leur voix. «Les aînés influenceront les décisions et l’évolution de la société à venir, sans pour autant constituer un véritable contre-poids politique», précise Pierre Gilliand.
L’équation est simple: en 2030, la Suisse comptera un électeur de plus de 65 ans pour 2,5 électeurs au travail. Actuellement, pour cinq électeurs de 18 à 64 ans, il n’y a qu’un seul retraité de plus de 65 ans.
swissinfo, Vanda Janka
1950: 1 retraite financée par 9,7 personnes actives
2001: 1 retraite financée par 2,4 personnes actives
2020: 1 retraite financée par 2 personnes actives
2030: 1 retraité financé par 1,6 personnes actives
Natalité en baisse
1900: 3,7 enfants par femme
1915: 1,8 enfant par femme
1945: 2,6 enfants par femme
1965: 2,7 enfants par femme
1975: 1,5 enfant par femme
2000: 1,5 enfant par femme
-La population mondiale vieillit : au cours des 50 prochaines années, le nombre de personnes âgées va pratiquement quadrupler, passant de 600 millions à 2 milliards.
-Aujourd’hui, une personne sur 10 est âgée de 60 ans ou plus.
-D’ici à 2050, une personne sur cinq sera une personne âgée, et d’ici à 2150, le tiers de la population mondiale aura 60 ans ou plus.
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