La Suisse aux couleurs de l’Italie
La langue de Dante était à l'honneur cette semaine en Suisse. A La Chaux-de-Fonds, un mois entier est consacré à l'Italie.
Pas étonnant quand on sait que c’est la communauté étrangère la plus importante et la plus ancienne de la cité neuchâteloise.
«On peut dire que La Chaux-de-Fonds a été construite par des Italiens», lance Claudio Micheloni, l’un des organisateurs de la manifestation «Italie 2002».
Arrivés en Suisse après la guerre, ceux qu’on appelle aussi les ‘bâtisseurs de l’espoir’ sont encore 10 000 aujourd’hui à vivre dans le canton de Neuchâtel.
A l’origine du projet, l’association ‘Vivre La Chaux-de-Fonds’ avait pensé à une semaine alsacienne pour animer la ville. Finalement, il lui est apparu naturel et évident de fêter plutôt l’Italie.
Le pionnier de l’intégration
Il faut dire aussi que le canton de Neuchâtel a une particularité. C’est un modèle en matière d’intégration. Le droit de vote pour les étrangers sur le plan communal existe depuis un siècle et demi. Et sur le plan cantonal, depuis cette année.
«Je n’hésite pas à dire que c’est le canton le plus avancé. Il l’est même plus que l’Europe, ajoute Claudio Micheloni. Les accords de Maastricht octroient le droit de vote au plan communal uniquement et pas au niveau des régions.»
Cela dit, depuis quelques semaines, Vaud a pris un peu d’avance. Puisque, dans ce canton, les étrangers ont désormais aussi le droit d’éligibilité.
«Pour nous, étrangers, il est très important de parler de Neuchâtel et de sa politique, de valoriser une expérience forte comme celle-là», souligne Claudio Micheloni, lui-même Italien vivant dans la région neuchâteloise.
«Le droit de vote n’est pas une récompense. C’est un instrument d’intégration.»
Du football aux débats
Pour présenter – ou plutôt fêter – l’Italie, les organisateurs ont choisi différents aspects. La tradition d’abord, avec le folklore et la gastronomie. Le football ensuite, avec une rencontre Suisse-Italie des moins de 20 ans.
Mais «Italie 2002», c’est aussi l’art et l’histoire, le cinéma, le théâtre, la musique et les débats sur des thèmes politiques, sociaux ou économiques.
«Nous voulons montrer la vie des Italiens de La Chaux-de-Fonds, précise l’organisateur. Le Musée des Beaux-Arts présente, par exemple, le contrat d’apprentissage en horlogerie d’un jeune Italien. Un contrat qui date de 1760… C’est dire si les liens remontent loin.»
Un climat, un état d’esprit
A mi-parcours, les organisateurs sont heureux. «Epoustouflés par l’ouverture, lance Claudio Micheloni. Par la fréquentation aussi. Des milliers de personnes se sont déplacées. Le premier jour, on a distribué 3782 portions de risotto… en vingt minutes!»
Et quelle image retient-on de l’Italie après une visite à La Chaux-de-Fonds? «Plus qu’une image… Un climat, répond l’organisateur. Un climat de fête et d’ouverture. Un état d’esprit. On découvre une communauté fière de ses racines et heureuse de voir sa culture valorisée par une ville qui est aussi la sienne.»
Une identité double
«Vous savez, les Italiens de La Chaux-de-Fonds ressemblent aux Chaux-de-fonniers… En fait, ils sont Chaux-de-fonniers!», lance encore Claudio Micheloni, qui hésite constamment entre le «ils» et le «nous» lorsqu’il parle des immigrés italiens.
Bien sûr, ils gardent leur identité originelle, «comme un élément d’enrichissement et pas de séparation. Il ne s’agit pas d’une minorité qui doit s’intégrer dans une majorité… Là, c’est l’assimilation. Ici, on parle vraiment d’intégration, de deux groupes qui se rencontrent et s’enrichissent mutuellement.»
Aujourd’hui, ces anciens immigrés arrivent à l’âge de la retraite. Se sentent-ils toujours Chaux-de-fonniers au point de vouloir vivre leur retraite ici? Ou rêvent-ils encore – comme lorsqu’ils ont posé le pied en Suisse – de repartir chez eux à 65 ans?
«C’est un vrai problème pour les premières générations, répond Claudio Micheloni, également secrétaire général du Forum pour l’intégration des migrants. Les enfants sont nés ici, les petits-enfants sont nés ici. Pour les parents, repartir, ce serait une deuxième émigration.»
Rester alors? «Ce n’est pas aussi simple. Souvent, ils se considèrent comme très bien intégrés tant qu’ils sont actifs. Mais, une fois à la retraite, ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas vraiment intégrés dans la société.»
Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à choisir la solution intermédiaire. Ils profitent des accords bilatéraux pour partager leur vie entre les deux pays. «Nous avons fait des sondages et il apparaît qu’actuellement 65 à 70% des Italiens désirent vivre leur retraite à cheval sur les deux pays.»
D’ici. Et de là-bas. Pour toujours.
swissinfo/Alexandra Richard
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.