Lausanne ne doit pas s’arrêter au M2
Lausanne inaugure jeudi le premier métro de Suisse, objet d'une grande ferveur populaire. Prouesse technique, la nouvelle ligne de transport public ne suffira toutefois pas à répondre à la forte croissance de l'agglomération vaudoise.
Mené tambour battant, le projet de métro (M2) reliant le Nord au Sud de la capitale du canton de Vaud arrive à son terme. La ligne entre en service fin octobre. Son inauguration officielle, elle, se déroule un mois plus tôt, le 18 septembre. Un décalage dû à des problèmes techniques de moindre importance.
L’ensemble du chantier ne suscite guère de critiques. «Les délais ont été tenus et il n’y a eu que de faibles dépassements de budget», salue Vincent Kaufmann, sociologue spécialisé dans les questions de mobilité urbaine à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).
Entièrement automatique
Une gageure, puisqu’il a fallu percer près de 7 kilomètres de tunnel sous une ville soumise à une forte déclivité: près de 400 mètres de dénivellation entre la première station au bord du lac Léman et le terminus dans les haut de la ville, près de la commune d’Epalinges.
Premier métro de Suisse, le M2 est entièrement automatique. «Ce chantier qui a démarré le lendemain de la votation populaire du 24 novembre 2002 approuvant le projet a été un défi humain et technologique. Il a fallu par exemple chercher des spécialistes de la signalétique et du transport. Un domaine très peu développé dans notre région», assure Olivier Français, conseiller municipal de Lausanne et maître d’œuvre du métro.
«Ce métro permet d’améliorer la mobilité du bas au haut de la ville entre des sites à forte activité économique ou fortement peuplés», explique Olivier Français. Le M2 relie en effet la gare CFF de Lausanne (mouvement quotidien: 80’000 personnes) et la station du Flon (mouvement quotidien: 60’000 personnes) à plusieurs pôles d’activité de la ville, à commencer par l’Hôpital cantonal universitaire vaudois (CHUV).
Retard par rapport aux villes alémaniques
Cette réalité, Vincent Kaufmann la connaît. Mais il y a un bémol: «Le projet M2 est né de la nécessité de remplacer la ficelle, ancienne ligne reliant le quartier d’Ouchy au bord du lac à la gare CFF et non d’une réflexion sur l’agglomération lausannoise. Or, le développement de Lausanne se fait beaucoup plus dans le sud-ouest de l’agglomération.»
Réponse du responsable municipal: «Comme toutes les villes, Lausanne connaît une croissance de son attractivité et donc de ses activités. Un nombre croissant de personnes y viennent pour travailler, consommer ou s’y distraire. Lausanne doit par conséquent fortement améliorer son réseau de transports publics pour diminuer le trafic individuel. Or Lausanne est encore en retard par rapport aux villes de Suisse alémanique.»
Penser déjà au M3 et M4
Selon Olivier Français, le M2 permet en partie de combler ce retard, tout en facilitant le développement d’un pôle industriel centré sur les biotechnologies au nord de la ville où 2000 emplois seront créés ces prochaines années.
«Mais il est vrai que le développement de l’agglomération lausannoise se fait essentiellement sur son axe est-ouest, en particulier à l’Ouest de la ville autour de l’EPFL», reconnaît Olivier Français.
Raison pour laquelle, «je milite depuis 3 ans en faveur de la poursuite du développement du réseau de transport en pensant déjà au M3 et au M4», confie le municipal. Une volonté qui reçoit un écho favorable des communes de l’agglomération, demandeuses de meilleurs transports publics.
Olivier Français tient d’ailleurs à rappeler que Lausanne a également investi près de 100 millions de francs pour améliorer l’ensemble de son réseau de transports publics et ce parallèlement au budget pour le M2. Un projet de tramway reliant l’est à l’euest de l’agglomération est également lancé.
Moins de trafic automobile?
Vincent Kaufmann reconnaît et salue ces efforts. En revanche, il doute que cela suffise à limiter fortement la circulation automobile. «Rien ne devrait changer en termes de circulation automobile. Il aurait fallu mettre en place une politique plus restrictive pour les voitures et leur stationnement en ville. L’offre, si excellente soit-elle, en transports publics ne suffit pas», estime le spécialiste de la mobilité urbaine.
Un point de vue que conteste le responsable lausannois: «Le canton et la Confédération ne veulent pas subventionner les parkings relais à proximité des villes ou près des gares. Lausanne a donc financé elle-même un parking de 1200 places (30 millions de francs) au nord de la ville. Un projet de même capacité est en cours pour le sud-ouest de la ville.»
Et Olivier Français de souligner: «Sous l’égide des transports publics lausannois, toutes les communes de l’agglomération participent à l’amélioration des transports publics.»
Impact sur la ville
Quoi qu’il en soit, le M2 va modifier la physionomie et le développement de Lausanne.
«Une série de projets ont pu démarrer grâce au métro, que ce soit dans le bas de la ville à Ouchy, au centre ou au nord, sans compter d’autres parties de la ville (La Sallaz). Plusieurs parties importantes de la cité vont donc se densifier fortement ces prochaines années», assure Olivier Français.
De son coté, Vincent Kaufmann pronostique un grand succès pour le métro, vu l’engouement qu’il suscite au sein de la population.
Et le sociologue de conclure: «Le M2 permettra de revitaliser le centre historique de Lausanne. Mais il a aussi un impact sur le prix du terrain qui augmente à proximité des stations, notamment pour les commerces et les bureaux.»
swissinfo, Frédéric Burnand, Genève
Label. Organisé par la Radio suisse romande, le Festival Label Suisse se tient à Lausanne du 19 au 21 septembre.
Concerts. Couplé avec l’inauguration officielle du M2, le festival propose 180 concerts le long de la ligne du métro et 1200 artistes qui se produiront dans le reste de la ville. Plusieurs quartiers seront en fête, notamment sur le thème de la mobilité
Selon Daniel Rosselat, chef d’orchestre de la manifestation, le festival gratuit devrait accueillir entre 100’000 et 300’000 personnes.
Le métro M2 traverse toute la ville de Lausanne du sud au nord. Il relie le port d’Ouchy (sur le Lac Léman), aux Croisettes au sud de la commune périphérique d’Epalinges.
La ligne fait 6 kilomètres, à 90% en tunnel, avec 14 stations et 398 mètres de dénivellation (la plus forte d’Europe). La pente moyenne est de 5,6%, avec des pointes à 12%.
Le trajet Ouchy-Croisettes prendra moins de 20 minutes.
C’est le premier train entièrement automatique de Suisse, monté sur pneus. Vitesse de pointe: 60 km/h. Une rame toutes les 3 minutes aux heures de pointe, pouvant transporter 220 passagers dont 60 assis. Le M2 devrait transporter 25 millions de personnes par année.
Le devis initial était de 590 millions de francs. Le coût final sera d’environ 750 millions. La Confédération paie 190 millions, le canton de Vaud 302 millions et le solde est fourni par la société Lausanne-Ouchy Métro, qui appartient à 100% à la ville de Lausanne et qui bénéficie de prêts de cette dernière et du canton.
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