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Les bonnes intentions ne suffisent pas

Pas facile de trouver un équilibre entre les droits des malades et ceux des détenteurs des brevets. Keystone Archive

Cette semaine, l'OMC discutait de l'accès aux médicaments dans les pays pauvres. La Suisse, sur la réserve, est interpellée par les tiers-mondistes.

Durant les trois jours que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a consacrés aux problèmes de l’accès des pays en développement aux marchés des médicaments, la Suisse aura surtout pratiqué le «wait and see».

Sa délégation y aura été fidèle à la ligne de conduite fixée par le gouvernement: ne pas faire de propositions mais réagir à celles qui arrivent sur la table des négociations. C’est ce que Berne avait en son temps répondu à une interpellation parlementaire.

Et c’est bien ce qui inquiète l’association de la Déclaration de Berne qui milite pour une vraie solidarité Nord-Sud: le Conseil fédéral, dit-elle dans une lettre ouverte adressée au ministre de l’Economie Pascal Couchepin, «se montre plus préoccupé par la défense des intérêts des détenteurs de brevets que de ceux des malades des pays en développement».

Un compromis qu’il faut interpréter

L’OMC a longtemps tergiversé sur le principe et sur la manière d’assouplir le droit des brevets pour que les pays en développement aient plus facilement accès aux médicaments génériques, surtout en cas de crises sanitaires graves.

A Doha, en novembre dernier, une formule de compromis avait été trouvée: l’accord international sur les brevets ne doit pas empêcher les gouvernements de protéger la santé publique. Voire, à certaines conditions, de fabriquer ou d’importer des médicaments génériques moins chers.

L’OMC, ce faisant, ne fermait pas la porte aux demandes pressantes des pays pauvres, mais elle renvoyait à plus tard, avec un délai d’une année, la recherche d’une solution concrète. Elle vient donc d’y consacrer trois jours.

La question précise dont on vient de débattre à l’OMC est de savoir, en cas de crise, qu’elle sera la marge de manœuvre des pays qui n’ont pas la capacité de produire des médicaments. Qu’auront-ils le droit de faire sans contrevenir aux règles établies de la propriété intellectuelle?

La réponse varie évidemment selon que l’on est du Nord ou du Sud, selon que l’on possède ou non des industries pharmaceutiques. Celles-ci ont tout intérêt à protéger leurs recherches, leurs brevets, et donc aussi les prix de leurs produits. Autant dire qu’on n’a pas encore trouvé la recette miracle.

Active quand même

Si elle n’a pas de proposition écrite, la Suisse ne reste pas pour autant à l’écart du débat. «Nous avons dit, explique le chef de la délégation helvétique, Félix Addor, de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle, que nous n’excluons pour le moment aucune des quatre options en présence».

La négociation n’en est encore qu’au stade du brassage d’idées. Mais, précise M.Addor, «indépendamment des solutions qui seront retenues, il faut trouver quelque chose qui fonctionne».

«Pourquoi, par exemple, ne pas imaginer déjà que des pays dans le besoin fassent des soumissions volontaires publiques au vu desquelles les firmes pharmaceutiques pourraient alors répondre par leurs propres offres?»

«Un décalage inquiétant»

Pour la Déclaration de Berne, la question est d’importance: «chaque pays, y compris un pays pauvre, doit pouvoir disposer effectivement des moyens prévus par les accords internationaux pour contrebalancer le cas échéant les droits exclusifs des détenteurs de brevet».

Selon elle, la Suisse devrait œuvrer pour une solution à la fois rapide, simple et durable. Pour cela, elle devrait donc défendre une position claire et cohérente en faveur de l’accès aux médicaments dans les pays pauvres. Hélas, constate l’association, il y a «un décalage inquiétant» entre les bonnes intentions et les faits.

«D’un côté, nous dit Julien Rheinhard, de la Déclaration de Berne, la Suisse dit toujours que cette question lui importe beaucoup. De l’autre, elle se montre extrêmement défensive de manière à sauvegarder les intérêts de son industrie pharmaceutique.»

Autre revendication de la Déclaration de Berne: si la Suisse veut empoigner le problème par le bon bout, elle doit faire appel non seulement à des spécialistes de l’économie et du droit des brevets, mais aussi à des experts et des acteurs de la santé publique et de la coopération au développement.

Pour l’heure, l’association tiers-mondiste n’a pas reçu d’écho à sa lettre ouverte. Il n’est pas non plus d’usage que l’administration fédérale réponde à ce genre de démarche.

Quant à l’OMC, elle poursuivra sa quête de consensus. Une de plus parmi la collection de dossiers difficiles qu’elle a mis en chantier à Doha.

swissinfo/Bernard Weissbrodt à Genève

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