Les courants marins de l’Atlantique Nord, entre stabilité passée et menaces futures
![Surfeurs à Biarritz, France, en décembre 2015. La circulation méridienne de retournement de l'Atlantique (AMOC) est le courant qui est en grande partie responsable du climat chaud en Europe.](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2025/01/264375005_highres.jpg?ver=82ce2490)
Selon une nouvelle étude américano-suisse, le "courant méridienne de retournement atlantique" - ou AMOC - n'a montré aucun signe de déclin au cours des 60 dernières années. Ce courant océanique est essentiel au climat doux qui règne en Europe de l'Ouest et du Nord. Mais sa stabilité ne signifie pas que les craintes de son effondrement soient infondées.
L’étudeLien externe a porté sur le « courant méridienne de retournement atlantique » (AMOC). Le Gulf Stream, célèbre courant océanique chaud de surface, qui s’échappe du Golfe du Mexique et remonte le long de la côte américaine pour se disperser au nord-est, fait partie de l’AMOC. Au même titre que le courant Atlantique nord, appelé parfois dérive nord atlantique, un courant de surface qui prolonge le Gulf Stream et vient s’écraser sur les côtes européennes.
Ces deux courants présents dans les couches supérieures de l’Atlantique Nord constituent le flux chaud et de surface de l’AMOC. Un flux de retour vers le sud d’eau froide, en profondeur, forme l’autre partie du cycle de l’AMOC.
L’ensemble est aussi fortement influencé par le gyre nord-atlantique – un courant formé par les vents liés à la force de Coriolis, qui produisent l’anticyclone de l’Atlantique Nord (anticyclone des Açores). C’est le plus important courant océanique de surface de l’Atlantique Nord.
>> Représentation des principaux courants de l’Atlantique Nord et de l’hypothèse d’un amenuisement de l’AMOC par le GIEC, Foire aux Questions 9.3 de 2021 :
![Le système de courants marins dans l'Atlantique Nord évolue avec le changement climatique. Si l'AMOC s'affaiblit, voire disparaît, en raison d'un climat plus chaud, le Gulf Stream s'affaiblit également, mais il subsiste, car il est principalement alimenté par les vents et les courants de surface du gyre de l'Atlantique Nord. [Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)]](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2025/01/Golfstrom-abb-2-en.png?ver=cc7bd15c)
Représenté par une grande boucle sur la carte ci-dessus (la carte provient de la Foire aux questions 9.3 du GIEC de 2021Lien externe), le gyre nord-atlantique amène de vastes quantités d’eau des tropiques vers des latitudes plus élevées de l’hémisphère nord. Il entretient en grande partie le Gulf Stream et la dérive nord atlantique. Mais la dynamique de l’AMOC y contribue aussi, dans une certaine mesure.
Un domaine alarmant et incertain
L’étude réalisée par des scientifiques suisses et américains offre de nouvelles perspectives dans un domaine de recherche climatique alarmant et incertain.
Ces dernières années, l’impact du réchauffement climatique sur l’AMOC a donné lieu à de nombreuses publications scientifiques mettant en garde contre son affaiblissementLien externe, voire son effondrement. La crainte est que le réchauffement climatique, via une hausse de la température de l’air et une dilution de la salinité de l’océan dû à la fonte des glaces, réduise le « plongement des eaux de surface ». C’est ce mécanisme de « plongement » qui impulse l’AMOC, et donc, en partie, la circulation d’eau chaude vers le nord.
Pourquoi cela nous concerne-t-il? Parce que l’Europe de l’Ouest et l’Europe du Nord doivent leur climat relativement doux aux courants océaniques de l’Atlantique, dont l’AMOC. Le flux d’eau chaude provenant de la région de l’équateur vers l’Europe maintient l’Angleterre ou la Scandinavie à une température supérieure de plusieurs degrés par rapport à des latitudes similaires.
![Échantillon de glace extrait à 2800 mètres de profondeur en Antarctique.](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2025/01/Credit©PNRA_IPEV_The-ice-core-from-the-drill-head.jpg?ver=a0141c14)
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L’AMOC stable depuis 60 ans
Les scientifiques de l’Université de Berne et de l’Institut océanographique Woods Hole aux États-Unis concluent que le courant AMOC est resté stable au cours des 60 dernières années.
En utilisant une nouvelle méthode impliquant 24 modèles du système terrestre et des estimations basées sur l’observation du flux de chaleur entre l’océan et l’atmosphère dans l’Atlantique Nord, ils ont constaté qu’aucun ralentissement n’était détectable dans l’AMOC entre 1963 et 2017.
« Nos reconstitutions montrent une variabilité considérable, mais aucune tendance claire ne peut être identifiée », explique l’auteur principal Jens Terhaar, de l’Université de Berne, interrogé par SWI swissinfo.ch. Mais cela ne signifie pas que l’AMOC ne déclinera pas ou ne s’effondrera pas à l’avenir.
Les craintes subsistent
L’AMOC sera sans doute affaiblie par le changement climatique très bientôt, ou peut-être même a-t-il déjà commencé à s’affaiblir après 2017, reconnaît Jens Terhaar – les reconstitutions de l’équipe suisse s’arrêtant à cette date. Mais comme le courant est resté stable jusqu’en 2017, un effondrement total est moins probable dans un avenir proche, ajoute-t-il.
« L’AMOC va diminuer de manière substantielle, c’est pratiquement certain et les conséquences seront extrêmement graves », déclare le scientifique. « Cependant, on ne sait pas encore quelle sera l’ampleur de cet affaiblissement ni quand un effondrement se produira. »
Les chercheurs affirment que leurs nouvelles reconstitutions sont plus fiables que les précédentes, mais qu’elles comportent tout de même des « limites et des réserves ». Il s’agit notamment des incertitudes inhérentes aux estimations basées sur l’observation du flux de chaleur entre l’océan et l’atmosphère.
« Un risque largement sous-estimé »
Les avertissements concernant un possible effondrement futur du courant causé par le réchauffement climatique ne sont pas nouveauxLien externe. Des études récentes et alarmantes indiquent un affaiblissement de l’AMOC et des estimations de point de basculement dès 2025-2095 Lien externeont fait la une des journaux. Elles sont également contestées Lien externeau sein de la communauté scientifique.
En octobre, une quarantaine de scientifiques de haut niveau ont mis en garde dans une lettre ouverte Lien externedu « risque largement sous-estimé » d’un « changement majeur » de l’AMOC. Un affaiblissement du courant pourrait avoir des « impacts dévastateurs et irréversibles » pour le climat et la biodiversité.
Dans sa dernière évaluation en 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a conclu que l’AMOC ne s’effondrerait pas au cours de ce siècle.
« L’AMOC va très probablement s’affaiblir au cours du 21e siècle (degré de confiance élevé), bien qu’un effondrement soit très improbable (degré de confiance moyen). Néanmoins, un affaiblissement substantiel de l’AMOC reste un scénario physiquement plausible », a-t-il déclaré dans son sixième rapport d’évaluationLien externe.
Texte relu et vérifié par Veronica De Vore/gb, traduit de l’anglais par Julien Furrer (RTS)
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