Les entreprises offrent peu de stages aux jeunes
Le Secrétariat d’Etat à l’économie veut promouvoir le stage semestriel pour lutter contre le chômage des jeunes ayant terminé leur formation.
La solution n’est pas nouvelle mais la situation tendue sur le front de l’emploi la remet sur le devant de la scène.
Le taux de chômage des jeunes connaît son niveau le plus élevé depuis cinq ans. 4,4% des jeunes jusqu’à 24 ans sont actuellement sans emploi. Une situation que le ministre de l’Economie, Joseph Deiss, qualifie de «tendue mais stable dans l’ensemble».
Depuis plusieurs années déjà, le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) a mis en œuvre des instruments qui visent à favoriser l’intégration des jeunes déjà formés – qui ont terminé leur apprentissage ou leur formation supérieure – dans le monde du travail.
Il s’agit plus particulièrement des stages professionnels semestriels. Durant six mois, l’assurance-chômage continue de verser jusqu’à 75% de leurs indemnités aux assurés qui suivent ce stage. Les 25% restant de la rente chômage étant à la charge de l’entreprise.
«Il s’agit de permettre au jeune d’avoir une expérience professionnelle qu’il pourra faire valoir dans le cadre de sa future recherche d’emploi. La meilleure des solutions étant bien évidemment une offre d’embauche au terme du stage», explique Rita Baldegger, de la communication du seco.
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Une possibilité qu’un nombre encore trop important d’entreprises suisses ne connaissent pas. A tort!
«Le chômage des jeunes n’est pas alarmant en Suisse, c’est précisément pourquoi il faut tout entreprendre pour qu’il ne le devienne pas», martèle Jean-Luc Nordmann, directeur du seco.
Cette démarche n’est toutefois pas exempte de risques. Certaines entreprises pourraient être tentées de profiter des «services de collaborateurs qualifiés qu’elles peuvent tester sans risque», pour reprendre la terminologie du seco.
Eviter les abus
Les autorités estiment pour leur part avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que ces jeunes se fassent exploiter sous le prétexte d’obtenir une première véritable expérience professionnelle.
«Les entreprises doivent démontrer qu’elles ont effectivement la possibilité de s’occuper du stagiaire et posséder un certificat d’apprentissage», explique encore Rita Baldegger.
Dans les faits, des organismes cantonaux sont chargés de mettre en place les garde-fous. En l’occurrence, les Offices régionaux de placement (ORP), organes étatiques auxquels les chômeurs doivent s’inscrire pour pouvoir toucher leurs allocations.
A travers le contact régulier qu’ils entretiennent avec les jeunes assurés, ces organes cantonaux sont à même de constater que le chômeur est employé à sa juste valeur. Et, au besoin, de mettre un terme au stage.
Mais cette recette n’est pas nouvelle. Dans le canton de Vaud par exemple, ce type de stage se pratique depuis une dizaine d’années, avec plus ou moins de succès, au gré des variations du contexte économique.
Un concept difficile à vendre
Et en cette période tendue, les chefs d’entreprises ne sont pas tous enclins à engager des stagiaires.
«Un chef d’entreprise qui a déjà licencié certains employés a parfois du mal à justifier l’embauche d’un stagiaire auprès du personnel qui a vu des collègues partir pour raisons économiques», précise Pierre-Alain l’Eplatennier, chef du personnel du Centre patronal vaudois.
L’excès de places disponibles dans certains secteurs et la pénurie dans d’autres constituent l’autre problème que les jeunes affrontent aujourd’hui.
A tel point qu’ils doivent faire preuve d’une flexibilité exceptionnelle. Les déclarations récentes du ministre de l’Economie sont sans équivoque.
On ne choisit plus son métier
Pour Joseph Deiss, le temps où chaque jeune pouvait choisir la profession qu’il souhaitait apprendre est «révolu».
«Maintenir des structures dans des professions très prisées n’a que peu de sens, tout comme vouloir former plus d’apprentis que le marché du travail ne peut en absorber», poursuit l’intéressé.
Dès lors, comment expliquer les errements du système d’apprentissage, fleuron suisse de la formation professionnelle.
«La complexification des métiers est à l’origine de ce type de décalage» avance Jean-Richard Bory, responsable du semestre de motivation Mobilet de Renens, dans le canton de Vaud.
«Les métiers de moyen de gamme ont accru les exigences nécessaires pour pouvoir entamer un apprentissage. Le problème, c’est que le niveau de compétences requis s’adresse à des gens qui suivent en majorité la voie gymnasiale (secondaire supérieur) et ne se destinent pas à ce genre de métiers».
Une composante sociale prépondérante
Un phénomène de société vient de surcroît aggraver la situation.
«Beaucoup de jeunes immigrés sont en Suisse depuis quelques années au moment où ils doivent choisir leur métier, explique Jean-Richard Bory. Leur connaissance du français oral est bonne, mais l’écrit et les maths laissent souvent à désirer, ce qui leur ferme bon nombre de portes».
Mais loin d’être défaitiste, le responsable du semestre de motivation de Renens a une solution. A ses yeux, il est indispensable que les jeunes puissent faire des stages en entreprises le plus tôt possible.
Ils pourraient ainsi se rendre compte de la diversité des métiers qui existent plutôt que de limiter leur horizon aux univers de la vente et de l’informatique. Et Jean-Richard Bory de conclure que l’essentiel est de «redonner le goût du travail à notre jeunesse».
swissinfo, Jean-Didier Revoin
– Avec 4,4% des jeunes de moins de 24 ans au chômage, le chômage des jeunes connaît son niveau le plus élevé depuis cinq ans.
– Pour les jeunes qui ont terminé leur formation mais qui restent sans emploi, l’assurance-chômage finance partiellement des stages en entreprise de six mois au maximum.
– Durant le stage, les assurés continuent à toucher leur rente de chômage. L’assurance-chômage y participe à hauteur de 75%, tandis que l’entreprise finance les 25% restants.
– Le choix des stages se règle entre le chômeur et son Office régional de placement (institution à laquelle l’assuré doit être inscrit pour toucher sa rente).
– En 2002, l’assurance-chômage a débloqué quelque 7,4 millions de francs pour financer 800 stages professionnels. Cette année, près de 780 stages étaient déjà annoncés dans le courant du mois d’août.
– Pour 2003, l’objectif du seco est de 2000 stages.
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