Des perspectives suisses en 10 langues
La Suisse, laboratoire des robots de demain

Les robots ne sont pas encore ce qu’ils étaient

Même si ce robot de théâtre a été conçu par une spin-off de l’EPFL, l’humanoïde qui pense et qui parle toutes les langues de l’univers n’est pas pour demain. Keystone

C-3PO, le Terminator et tous les humanoïdes sur papier ou sur pellicule ne sont pas encore sortis des musées de la science fiction. A l’EPFL, maison-mère du Pôle de recherche national (PRN) en robotique, on travaille sur des machines beaucoup plus modestes. Mais non moins ingénieuses.

Dans la semi-obscurité d’un couloir, une quinzaine de grosses «boîtes de conserve» à roulettes, hérissées d’antennes et de petites ampoules se livrent à un ballet sans logique apparente. Attentifs, deux étudiants les suivent sur leurs écrans.

Mais chez Dario Floreano, directeur du nouveau PRN, c’est bien un humain qui nous accueille. Pas d’obséquiosités synthétiques à la C-3PO ni de couinements électroniques à la R2-D2. Ici, la tendance n’est pas au droïde de métal ni au gros aspirateur qui lui sert d’acolyte dans la saga StarWars.

A l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le robot est petit et léger, il sait voler et grimper aux murs et surtout, travailler en collaboration avec ses semblables.

swissinfo.ch: Quel avantage y-a-t-il à construire des flottilles ou des escadrilles de petits robots plutôt qu’un de ces humanoïdes auxquels la science fiction nous a habitués ?

Dario Floreano: Nous voulons faire des robots au service de l’humain. Or, il n’est pas évident que les personnes soient heureuses d’avoir un grand homme mécanique à leurs côtés. En tout cas dans nos sociétés occidentales. Il en va peut-être différemment au Japon, où il y a beaucoup de recherches sur les robots humanoïdes.

Par ailleurs, ces recherches sont le fait de géants industriels comme Honda, Toyota ou Sony. Car un tel robot nécessite des compétences multiples et d’énormes moyens. Et un tel modèle n’est pas applicable en Suisse.

swissinfo.ch: Des petits robots spécialisés qui collaborent entre eux, comment ça marche ?

D.F.: Nous nous inspirons des principes d’adaptation dans la nature et nous essayons de les traduire en mécanismes pour de nouvelles machines. Ce que nous aimerions apporter à la robotique, c’est la capacité de s’adapter et de s’organiser elle-même qu’ont les sociétés animales, voire humaines.

Nous faisons pas mal de robots volants. Cela demande beaucoup de miniaturisation si vous voulez les faire voler par exemple dans les bâtiments. Il faut de très petites machines, rapides et assez légères pour ne pas être dangereuses si elles heurtent quelqu’un par erreur.

Et pour se diriger dans des immeubles où souvent le signal GPS n’entre pas, on pourrait utiliser des moyens de communication très simples, pour que les robots se disent les uns les autres où ils doivent aller.

Un exemple de mission pour ces robots serait de localiser une personne qui a besoin d’aide dans un immeuble. Les volants explorent rapidement les lieux, ils communiquent la position soit à des secouristes humains, soit à d’autres robots, comme ceux à roues que vous avez vu dans le couloir en entrant. Ils peuvent alors aller pousser ou tirer la personne pour la mettre hors de danger.

swissinfo.ch: Pour collaborer dans leurs missions, de quelles capacités «intellectuelles» ont besoin vos robots ?

D.F.: Toute la difficulté pour nous, c’est comment subdiviser les missions complexes en un plan de collaboration entre de simples individus. Mais nous cherchons toujours à avoir des capacités sensorielles et de contrôle extrêmement simples pour chaque robot. Notre but n’est pas de construire un cerveau artificiel.

Concrètement, dans la plupart des cas, la puissance de traitement des données d’un robot n’est guère plus importante que celle que vous avez dans la puce de votre carte de crédit. L’intelligence complexe vient du fait que plusieurs robots apportent chacun leur bout d’information à l’image globale. Et il y a encore beaucoup de choses à améliorer dans les capacités de communication du système.

swissinfo.ch: Quels sont les autres domaines où des avancées sont nécessaires ?

D.F.: Les robots de la prochaine génération devront être beaucoup plus «doux», plus «souples», plus proches du vivant. Le robot est encore une machine rigide, ce qui correspond aux technologies d’hier ou d’aujourd’hui. Mais cela veut dire qu’il se casse facilement et qu’il peut faire mal s’il heurte quelqu’un. Si vous voulez avoir des robots qui interagissent physiquement avec des humains, il est utile de chercher la «softness».

Et avec des robots faits au moins en partie de matériaux souples, le type de moteurs et de contrôle sont complètement différents. Ainsi, vous ne pouvez pas prédire exactement où sera le bout du bras du robot si vous lui donnez une certaine force par exemple. Il faut donc s’inspirer du vivant, parce que dans un sens, nous sommes tous doux et souples.

  

swissinfo.ch: …ce qui nous amène aux prothèses robotiques, un autre axe important de votre PRN…

D.F.: Nos collègues de l’Université de Zurich travaillent sur une main artificielle. Si elle n’est pas encore prête, il y a néanmoins de nombreux aspects de la prothétique robotique qui sont aujourd’hui près de l’exploitation possible par l’industrie.

A l’EPFL, nous travaillons sur les interactions entre le cerveau et le robot. On a fait des progrès significatifs. Il n’est plus nécessaire de planter des électrodes dans le cerveau. On peut capter l’activité cérébrale de l’extérieur et combiner ces signaux avec le rythme cardiaque et l’activité musculaire, pour, par exemple, piloter une chaise roulante ou des prothèses intelligentes, qui comprendraient où la personne veut aller et prendre le relais en cas de défaillance ou de fatigue.

swissinfo.ch: Vous êtes persuadé que les robots vont prendre de plus en plus de place dans nos vies…

 

D.F.: Certainement. Nous vivons dans une société qui vieillit, et les robots pourraient aider les gens à rester chez eux au lieu d’aller dans les homes. Qu’il s’agisse de donner l’alarme en cas de malaise, de sortir de son lit le matin ou de faire sa toilette, une aide robotique pourrait s’avérer précieuse – sans forcément prendre la forme d’une infirmière humanoïde.

Et quand je dis que les robots seront nettement plus présents à l’avenir, je ne pense pas seulement aux machines que nous appelons déjà ou que nous appellerons à l’avenir des robots. Beaucoup des développements de la recherche actuelle se retrouveront par exemple dans des voitures intelligentes, ou dans les meubles de nos maisons, qui auront des senseurs, et seront adaptables et actionnables.

Ainsi, l’impact de notre PRN devrait aller bien au-delà de la fabrication de robots.

En robotique, étudiants et professeurs manient couramment la scie, le chalumeau et le tournevis.

Bricolage au sens noble du terme, la discipline n’est «pas seulement l’application de principes de design froids et mathématiques, souligne Dario Floreano. Il y a beaucoup de créativité. Nous devons construire des choses nouvelles, les tester, les évaluer, puis revenir au banc d’essai, retravailler l’objet, en parler avec nos collègues… Bref, c’est un domaine interdisciplinaire, qui mêle théorie mathématique, travail manuel, électronique et science des matériaux».

Pas d’industrie. A l’heure actuelle, il n’existe pas d’industrie robotique à proprement parler. Le secteur est éclaté entre une multitude de toutes petites entreprises, des start-up pour la plupart. Au lancement du PRN, Dario Floreano et ses collègues ont néanmoins écrit à quelques grands de l’industrie pour voir s’ils étaient intéressés à des collaborations. Les réponses ont été enthousiastes, du groupe technologique ABB aux géants Honda et Toyota, en passant per le leader des périphériques informatiques Logitech, qui ne construira pas de robots, mais s’intéresse beaucoup au confort des maisons du futur.

Titre: PRN Robotique.

Contribution fédérale pour les quatre premières années: 13,3 millions de francs (renouvelable deux fois).

Réseau: L’institution-hôte est l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Le PRN concerne aussi l’EPF et l’Université de Zurich et l’Institut Dalle Molle d’étude de l’intelligence artificielle de Lugano.

Directeur: Professeur Dario Floreano, Laboratoire des systèmes intelligents de l’EPFL.

Objectifs: Dario Floreano les résume en trois axes principaux:

– Faire avancer la recherche en robotique orientée vers l’humain, dans les domaines des matériaux, de la mécanique et des systèmes de contrôle.

– Développer un programme de master et de doctorat capable d’attirer les meilleurs étudiants sur une base internationale. Avec un effort particulier pour intéresser les femmes aux études en robotique.

– Créer un centre d’excellence à l’EPFL et fédérer les communautés de recherche. D’ici 2014, la robotique aura un nouveau bâtiment, où le public pourra venir voir les machines pendant que les hommes et les femmes y travaillent.

Contenu: Avant de parvenir au développement de robots conçus spécifiquement pour l’être humain (objectif ultime), des avancées technologiques fondamentales sont nécessaires. Ce premier PRN en sciences de l’ingénieur vise à faire évoluer la robotique actuelle, via cinq sous-projets: locomotion et mobilité, interaction et manipulation, robotique prothétique, robotique distribuée et robots pour la vie quotidienne.

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision