Les Suisses de France lorgnent vers les jeunes
Représentant la communauté des Suisses de France, l'UASF tient son congrès annuel à Paris ce week-end. Avec cette question en filigrane: où sont les jeunes?
Si l’Union des Associations Suisses de France n’a pas voulu rajeunir son bureau, elle s’est toutefois dotée d’une «task force» jeunesse.
Deux vagues d’immigration suisse ont touché la France. La première avant 14-18, la seconde après 45. Une émigration économique dans les deux cas, rappelle Serge Lemeslif, président de l’UASF.
«Ces gens qui quittaient leur pays avaient besoin de se retrouver, de retrouver leurs racines. D’où la naissance de la majorité des associations de Suisses.»
Mais les temps ont changé. «Les jeunes quittent la Suisse parce qu’ils se sentent à l’étroit, pour s’ouvrir au monde», note ce Parisien d’origine alémanique.
«Ils n’ont donc pas envie – ou même refusent dans un premier temps – de se regrouper. C’est à mon sens la raison fondamentale de la désaffection des jeunes envers les associations.»
Une réalité tangible à l’UASF. L’union peine à recruter parmi les jeunes générations, comme l’ont relevé plusieurs congressistes. Même le concours proposé aux 18-25 ans – une semaine en Suisse à la clé – ne draine qu’une douzaine de participants.
«Il y a tout de même une culture dans certaines familles qui voit les jeunes venir remplacer leurs parents, nuance Serge Lemeslif. Nous avons quelques exemples très encourageants à cet égard.»
Lors de ce congrès, l’assemblée a renouvelé le bureau de l’UASF. Sans adversaires, son président a été réélu. Les sièges des vice-présidents par contre étaient convoités par deux «jeunes», face à deux figures du mouvement. On leur a préféré l’expérience (Martin Strebel et Jean-Michel Begey).
En 4e année à Science Po, Julien Oechsli s’est malgré tout offert un joli succès d’estime. Et les membres de l’UASF pourraient bien réentendre parler de lui.
Car les représentants de la communauté des Suisses de France ont décidé d’empoigner la question jeune… Ils ont fait de Jean-Philippe Ottou (37 ans) une sorte de «Monsieur jeune» directement dépendant du bureau.
Ce tout neuf président de l’Amicale Suisse du VAR-Hyères a déjà entamé la réflexion en compagnie de Julien Oechslin justement.
«Sans pour autant tout révolutionner, nous voulons instiller cette préoccupation dans les pratiques et les propositions» de l’UASF, explique Jean-Philippe Ottou. Le premier objectif sera de «faire campagne pour dire aux jeunes que nous existons.»
Moins bien que dans d’autres pays
Invité à s’exprimer durant ce congrès, l’ambassadeur de Suisse en France a esquissé un chemin similaire.
«Nous souhaiterions une UASF plus dynamique et plus représentative encore», a lancé François Nordmann, en référence à certaines critiques contre l’organisation et à la non-affiliation de plusieurs associations ou sociétés suisses de France.
Autre souhait émis par l’ambassadeur, celui de voir les Suisses de France davantage s’impliquer dans les décisions populaires. Et ce, en s’inscrivant sur le registre électoral suisse. Car avec 24% de la population en âge de voter, ils font moins bien que dans d’autres pays.
Faire basculer une élection
Nouveau Chef de la Division politique IV du Département fédéral des affaires étrangères, Markus Boerlin rappelle que le seuil des 100’000 inscrits à l’échelle mondiale est maintenant dépassé.
A ce rythme, les Suisses de l’étranger feront un jour peut-être basculer le résultat d’une votation. La privatisation de l’opérateur Swisscom, par exemple?
Le camp des perdants pourrait alors demander le retrait de ce même droit de vote pour les Suisses de l’étranger. Des voix se font déjà entendre dans ce sens, prévient l’ambassadeur. «Il faut garder cela en tête pour être préparé à cette éventualité.»
«Choisissez votre parti, impliquez-vous!»
Président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), Georg Stucky tient à souligner l’apport d’expériences et de points-de-vue dont les Suisses de l’étranger font profiter la démocratie suisse.
Alors que les grands partis suisses ont créé des sections à l’étranger, l’ancien député s’enthousiasme. «Choisissez votre parti, impliquez-vous! Plus il y aura de Suisses de l’étranger dans les grands partis, moins sera important le risque de voir le droit de vote de ces Suisses disparaître.»
Ce congrès de l’UASF tenu au Sénat a aussi été l’occasion d’évoquer la mue de Soliswiss (Fonds de solidarité des Suisses de l’étranger). Mais aussi le sauvetage de swissinfo.
Réjoui par la tournure des événements, ouvertement reconnaissant envers ceux qui se sont engagés, Georg Stucky note toutefois que «l’affaire n’est pas encore dans le sac».
«Des forces puissantes au sein de SRG SSR idée suisse veulent réduire swissinfo (…), assure-t-il. L’OSE se battra pour que swissinfo soit renforcé. Et non diminué.»
swissinfo, Pierre-François Besson à Paris
A fin 2005, 634’216 citoyens suisses vivaient à l’étranger
Une hausse de 11’159 personnes en un an (+1,8%)
451’534 sont binationaux – 71,2% du total
Plus de six Suisses de l’étranger sur dix vivent dans l’Union européenne
La plus grande communauté se trouve en France (169’427), où 85% des Suisses sont binationaux
Suivent l’Allemagne (71’115), l’Italie (46’327) et la Grande-Bretagne (26’441)
– L’Union des Associations Suisses de France (UASF) tient son 48e congrès annuel à Paris ce week-end. La prochaine édition aura lieu à Lille l’an prochain.
– Durant ses congrès nationaux d’avril organisés sur trois jours, l’UASF tient son assemblée, élit son bureau et ses représentants au Conseil de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).
– L’UASF est l’organisation faîtière de la plupart des nombreuses associations suisses de France. Elle organise la représentation des Suisses habitant en France, défend leurs intérêts et leurs droits face aux autorités helvétiques.
– Cette union dont le siège est situé dans la capitale française a aussi pour mission de trouver des solutions pratiques aux problèmes des Suisses qui choisissent de s’établir en France.
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