L’impact écologique du futur collisionneur du CERN suscite la controverse
À Genève et en France voisine, le projet gigantesque du nouvel accélérateur de particules du CERN, prévu pour 2045, fait débat. Actuellement à l'étude, son impact environnemental suscite déjà des craintes auprès de la population.
La petite commune française de Charvonnex, située à 35 kilomètres au sud de Genève, est un lieu encore préservé: une route et, tout autour, des forêts et des champs.
Ce tableau champêtre n’existera bientôt plus. La commune se situe en effet sur le tracé du futur collisionneur circulaire du CERN (FCC). C’est à cet endroit précis que prendra place l’un des huit sites de surface du FCC, d’une superficie de cinq hectares. Le tunnel, lui, sera creusé à 200 mètres de profondeur et mesurera 91 kilomètres.
Une aberration écologique?
«C’est un territoire qui est déjà saturé par les travaux, la bétonnisation. On sent que les habitants en ont déjà marre, j’ai peur que le projet du CERN par dessus provoque une rébellion», peste Benjamin Joyeux, originaire de la commune de Fillinges, en Haute-Savoie.
Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes craint les répercussions locales du projet, mais pas seulement. Membre du parti Les Écologistes, il estime que la consommation d’énergie et les émissions de CO2 qui découlent du futur FCC sont une aberration: «Alors qu’on demande aux habitants de faire un effort pour baisser leurs émissions de gaz à effet de serre, le projet du CERN vient ajouter des tonnes et des tonnes d’émissions de CO2.»
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Un projet à plusieurs tonnes de CO2
Selon le CERN, il est trop tôt pour savoir combien de CO2 sera relâché. Les travaux commenceraient en 2032 et le FCC serait opérationnel vers 2045. Mais l’institution reconnaît qu’il y aura un effort à faire.
«Les travaux de génie civil vont effectivement émettre du CO2», admet Jean-Paul Burnet, ingénieur en charge de l’étude de faisabilité du FCC. «Nous essayons de chercher des solutions innovantes qui vont réduire les impacts de ces travaux. Nous avons des premiers résultats de la recherche et développement que nous avons réalisés. On sait qu’on pourra atteindre une consommation beaucoup plus faible que ce qu’elle aurait pu être avec les technologies actuelles.»
Un projet pas prioritaire pour beaucoup
Le CERN joue la montre, mais le débat n’attend pas. En France voisine comme à Genève, des soirées sont organisées par des partis écologistes. Pour beaucoup, ce projet est loin d’être la priorité. «Est-ce que cela vaut le coup d’investir toutes ces ressources en termes de temps et d’énergie?», s’interroge un Genevois.
Pour le conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, il ne s’agit pas de remettre en cause l’intérêt scientifique du projet, mais de «tout faire pour réfléchir éthiquement si ce projet est vraiment la priorité face à une planète dont le climat et la biodiversité s’effondrent».
Le coût du savoir
L’ingénieur au CERN estime pour sa part que l’humain a besoin d’accroître sa connaissance et de comprendre l’univers. «Aujourd’hui, cette machine est la seule qui a été identifiée pour répondre à ces interrogations. À partir du moment où l’on comprend le but, pourquoi on veut comprendre l’univers, pourquoi on veut comprendre la matière, on peut accepter qu’il va falloir des sacrifices dans ce domaine-là, mais qui peuvent être compensés ultérieurement.»
Le projet devisé à 13 milliards de francs pour sa phase initiale soulève des questions. Pour convaincre le public non averti, le CERN va organiser une séance d’information mercredi.
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