Médecine de pointe: «Zurich devra aussi faire ses preuves !»
Verena Diener, ministre de la santé du canton de Zurich, estime que les positions des cantons peuvent se rapprocher à propos de la médecine de pointe.
Pour swissinfo, elle esquisse les pistes qui permettraient de parvenir, malgré tout, à un consensus.
La conseillère d’Etat zurichoise avait mis tout le monde contre elle en juillet 2005, lorsqu’elle avait annoncé que le canton de Zurich ne ratifierait pas le concordat intercantonal en matière de médecine de pointe, qui prévoyait une répartition des tâches.
Plaidant pour une concentration en lieu et place de la coordination voulue par la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), les Zurichois ont commandé une expertise internationale pour vérifier le bien-fondé de leurs vues. Le rapport final vient d’être publié.
swissinfo: Vous affirmez que votre expertise et celle présentée il y a trois semaines par les cantons de Bâle-Ville et de Berne présentent des similitudes. On n’a vu jusqu’ici que des positions pour le moins opposées.
Verena Diener: Le rapport de Berne et Bâle souligne pourtant aussi la nécessité, d’un point de vue médical et économique, d’une concentration. Mais il donne ensuite la priorité aux aspects culturels, linguistiques et géographiques de la Suisse pour plaider en faveur de la variante dite de réseau. Comme nos experts, ceux du rapport de Bâle et Berne recommandent en outre la réalisation d’un registre national recensant les interventions en médecine de pointe.
swissinfo: Entre l’objectif de coordination recherché par la CDS et la concentration que vous souhaitez, concrètement, où pourriez-vous vous retrouvez?
V.D.: Le cas échéant, il pourrait y avoir plus que deux centres de médecine de pointe. Et nous évoquons aussi la nécessaire «difffusion» de certaines spécialisations dans d’autres hôpitaux, une fois que ces disciplines bénéficieront d’une standardisation et d’un recul suffisant. C’est une porte que nous ouvrons sur un compromis.
swissinfo: Sans le dire explicitement, le canton de Zurich espère toutefois bien être l’un de ces centres de médecine de pointe, non?
V.D.: Doté du plus grand hôpital universitaire du pays, notre canton souhaite évidemment être l’un de ces centres. Mais il doit pouvoir prouver que cela correspond à de réels besoins en termes de nombre de cas à traiter. De même que si, entretemps, la coordination qui s’est mise en place entre Bâle et Berne se révèle être un succès, tant mieux, ce sera un pas dans la bonne direction. Mais la plus grande transparence sera de mise pour étayer les revendications.
swissinfo: Vous faites une offre de négociation à la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS). Exigez-vous aussi, dans le même temps, qu’elle abandonne le primat donné à l’objectif de coordination?
V.D.: Non. Plutôt que de continuer à nous achopper sur de grands principes généraux, nous devons établir les bases de discussion de manière pragmatique. C’est pourquoi nous demandons tout d’abord qu’on refasse le travail de définition de ce qu’est la médecine de pointe, quels domaines en font partie ou non, l’adoption d’un calendrier contraignant et la réalisation du registre qui doit rendre transparents les besoins objectifs et les coûts en jeu.
swissinfo: Le travail de définition dont vous parliez avait pourtant déjà été fait au sein de la CDS, il a même duré plusieurs années…
V.D.: C’est vrai, mais la CDS est elle aussi devenue, entretemps, plus mûre. Procéder en séparatant les disciplines n’était pas approprié. Nous avons voulu tailler les branches au lieu d’empoigner les problèmes à la racine. Il faut refaire ce travail de définition.
swissinfo: Vous prônez la capacité concurrentielle de la médecine de pointe suisse, notamment face à la concurrence internationale, pour ne pas perdre les patients privés et demi-privés. Les riches seront-il seuls à profiter de prestations hautement spécialisées?
V.D. C’est justement en évitant l’exode de ces patients vers des centres spécialisés à l’étranger qu’on continuera à avoir des spécialistes chez nous, qui traiteront ensuite tous les patients. Cette capacité concurrentielle est précisément aussi destinée à lutter contre une médecine à deux vitesses.
swissinfo, propos recueillis par Ariane Gigon Bormann, Zurich
Le canton de Zurich a présenté vendredi l’expertise internationale qu’il avait commandée sur la médecine de pointe. Le rapport confirme la stratégie de concentration voulue par le canton.
Les cantons de Bâle-Ville et de Berne, dont les hôpitaux universitaires ont mis en place une coordination, ont présenté le 21 novembre une autre expertise internationale donnant la priorité à la stratégie de coordination.
Zurich ne semble pas exclure une éventuelle coordination (dite «diffusion» des compétences dans plusieurs hôpitaux), tandis que le rapport de Berne et de Bâle estimait aussi qu’un «accroissement de la concentration serait bienvenu en Suisse, accompagné de mécanismes de coordination renforcés.»
La Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) doit désormais évaluer les deux expertises. Une réunion est prévue en janvier.
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