Neuchâtel au top du «troisième top»!
L'Observatoire cantonal de Neuchâtel vient de mettre au point une nouvelle horloge atomique à la précision stupéfiante.
Une création qui devrait lui permettre de (re)devenir une référence en la matière.
Pendant de longues années, c’est l’Observatoire cantonal de Neuchâtel qui a rythmé l’horaire des Suisses: «Au troisième top, il sera exactement…» Depuis deux ans, ce service incombe à l’Office fédéral de métrologie et d’accréditation, à Berne.
De son côté, Neuchâtel poursuit son travail de recherche et de développement d’instruments dans le domaine des horloges atomiques. Et vient de mettre au point un nouvel appareil qui égrènera le temps au 0,000000000000001 de seconde près.
Avec par conséquent un risque de variation d’une seconde après… 30 millions d’années. Ce qui ne vous empêchera pas de rater votre train de 07h52, ni de trouver que la vie passe drôlement vite, c’est vrai.
Dix ans de travail pour trois personnes. Un budget d’environ 500.000 francs par année, pris en charge par le METAS, le Fonds national scientifique suisse de la recherche et le Canton de Neuchâtel. A l’arrivée, non pas une révolution, mais une véritable avancée en matière d’horloge atomique.
De la Terre au Césium
En passant… croyez-vous encore que l’unité de temps est le jour, soit la rotation de la Terre sur elle-même? Vous auriez tort.
«Jusqu’en 1967, c’était la rotation de la Terre qui était le phénomène cyclique de référence pour la mesure du temps et l’étalonnage des horloges», constate Pierre Thomann, chef du projet neuchâtelois. Mais «les horloges faites par l’homme se sont avérées être beaucoup plus stables et plus performantes que la rotation de la Terre».
En 1967, les horloges atomiques ont donc pris le relais. Et la référence, depuis, ce sont les oscillations magnétiques de l’atome de Césium 133. Pratiquement 10 milliards d’oscillations par seconde, ce qui est tout de même plus précis qu’une rotation par 24 heures…
Car chaque type d’horloge emploie un certain type de ‘mouvement’ comme référent: l’horloge traditionnelle se base sur celui du balancier. La montre à quartz sur la vibration, très stable, du quartz. Et l’horloge atomique sur les oscillations du Césium.
Mélasse optique et fontaine atomique
Difficulté néanmoins: les atomes, ce n’est pas une surprise, sont très petits et, dans le vide, qui est indispensable à l’opération, ils filent à toute allure. Le problème réside donc dans le fait de les ralentir pour pouvoir prendre leur pouls, dirons-nous.
L’opération se fait en trois temps. Dans un cylindre de métal, sous vide, des rayons laser frappent les atomes de césium qui sont freinés brusquement (désignation poétique de «mélasse optique»). Un certain nombre d’entre eux va diverger et s’envoyer en l’air verticalement, puis retomber, formant une jolie parabole (terme non moins poétique de «fontaine atomique»).
Cette parabole d’atomes en goguette va passer par deux fois dans «une cavité micro-ondes, dans laquelle règne un champ magnétique qui oscille à un rythme très voisin de la fréquence à laquelle les atomes de césium oscillent», explique Pierre Thomann.
A la montée, ils subissent l’oscillation du champ magnétique qui leur est imposé. Puis reprennent leur propre oscillation. A la descente, on va comparer les deux oscillations. On pourra donc voir si le champ magnétique a pris de l’avance ou du retard, et surtout, corriger le tir en permanence, d’où la précision phénoménale des horloges atomiques.
Observation continue
Des horloges comme cela, il en existe déjà en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Nouveauté: «Toutes les horloges existantes utilisent des jets pulsés d’atomes. Une succession de petits nuages. Alors que nous produisons un jet continu d’atomes. Nous pouvons donc observer les fluctuations de fréquence de notre champ magnétique en temps réel, en continu, sans avoir de zone morte entre deux mesures», constate Pierre Thomann.
Et d’ajouter: «Cela devrait nous donner la possibilité de développer l’exactitude et la stabilité de notre horloge à un niveau qui en principe sera extrêmement difficile à atteindre avec la méthode pulsée qui est utilisée par les autres laboratoires».
Pour l’heure, Neuchâtel n’a pas encore dépassé ses concurrents et néanmoins confrères, mais «notre technique a le potentiel de devenir la meilleure, et c’est à nous de le démontrer», remarque Pierre Thomann.
Vaste champ d’applications
Une seconde de variation sur 30 millions d’années… Délire de maniaco-compulsif ou progrès réel pour des finalités qui à priori nous échappent? Tout en admettant que les métrologistes ont une certaine tendance à la persévérance obsessionnelle, Pierre Thomann évoque plusieurs applications.
Les télécommunications, dont l’augmentation de la densité et des débits implique des synchronisations à la précision temporelle parfaite. Ensuite, la navigation par satellite, bien sûr, le GPS américain et son rival européen Galileo, dont la précision dépend de la qualité des horloges embarquées à bord des satellites.
La radioastronomie est aussi exigeante en la matière. Ainsi, la mise en réseau de plusieurs observatoires aux ‘quatre coins’ de la planète, qui permet de transformer la Terre en antenne parabolique géante, nécessite la synchronisation des horloges atomiques les plus performantes possible.
Autre domaine encore: celui de la recherche pure. Le fait de vérifier au plus près les théories d’Einstein, par exemple. Mais nous entrerions là dans des abîmes qu’un article de swissinfo aurait de la difficulté à contenir.
Quoi qu’il en soit, et de façon plus pragmatique, la nouvelle horloge atomique neuchâteloise s’installera à Berne dès le mois de mars. Et c’est bientôt elle qui, notamment par le bais des radios, rythmera la vie helvétique. Et contribuera au «temps atomique international».
swissinfo, Bernard Léchot
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